ôc lui défendit d’approcher delà Cour. On
voit par-là que le Chancelier paya & pour
lui-même, Ôc pour le Duc de Buckingham,*
car J e jugement eft auffi févere que s’il eût
été queftion de crime de haute trahifon
ôc de Leze-Majefté.
B acon alla à la T o u r , ou il ne refla
que peu de jours. Le Roi lui rendit la liberté,
ôc lui remit l’amende à laquelle le
Parlement l’avoit condamné. Il préfenta
bientôt après une requête à SaMajefté,
pour la fupplier d’annuller entièrement fa
fentence, afin que cette ignominie dont il
étoitcouvert, fu t effacée, & que fa réputation
put être tranfmifefans tache à la poftérité. Le
Roi lui accorda tout ce qu’il demandoit, ôc
annulla la Sentence. En conféquence de ce
plein ôc entier pardon, il fut admis à prendre
féance au Parlement que Charles 1 convoqua
: mais ce ne fut point pour fe charger
de nouveaux titres. Il étoit bien revenu de
cette fol le ambition,& il comprenoit mieux
que jamais que l’ombre de la ret raite ôc les
plaifirs de l’étude étoient préférables au
polie le plus éclatant.
Notre Philofophe avoit alfez proche de
Londres une maifon de campagne embellie
de tous les ornemens qui peuvent réjouir
un efprit aigri par les difgraces. Il s’y-
retira pour s’y livrer plus librement à la
Philofophie, ôc pour y palier le refie de
fes jours. Le premier fruit de ce recueillement
fut V Hijloire de Henri H I I , qu’il publia
en 1622. L e Roi goûta fort cette Hif*
toire ; ôc l’ayant fait lire au Baron de Brookj
celui-ci dit, en la rendant au Prince : Re-
» commandez, à l’Auteur d’avoir de bon
» papier ôc de bonne encre ; car il ne lui
» manque pas. autre chofe pour être lu ôc
»admiré«... -
B acon reprit enfuite le projet qu’il
avoit formé de faire une revue générale des
Sciences, Ôc d’établir un nouveau fyflême
de Philofophie fondé fur ie raifonnement ôc
L’expérience. Pour conferver l’ordre dans
cette grande entreprife, il rangea les con-
noiffances-humaines entroisclaffes, l’Hif-t
toire, la Poëfie ôc la Philofophie, qui proviennent
de la mémoire, de l’imagination
ôc de la raifon. II. examina après cela ce
qu’il y avoit de défectueux ôc d’erroné en
chacune de ces clafTes ; mit à l ’écart les
chofes qu’on avoit commencé à éclaircir,
ôc celles auxquelles on n’avoit point touché
; ôc chercha les moyens de perfectionner
ce qui étoit fondé fur de bons principes,
de reCtifier les erreurs, & de fuppléer.les
omiffions. Un delfein fi vafte exigeoit une
érudition immenfe, pour favoir les découvertes
qu’on avoit faites jufques-là, & une
fàgacité prodigieufe pour être en état de
prononcer fur la valeur de ces découvertes.
Mais ce n’étoit point allez de propofer
un nouveau plan d’étude ; il falloit encore
faire voir comment on pouvoit mettre ce
plan à exécution. C ’efl ce qui engagea-no?
tre Philofophe à compofer une Hijloire naturelle
expérimentale. I l imagina à cet
effet des expériences pour fervir de matériaux
à fon Ouvrage. I l avoit difpofé à
différens endroits de fa maifon un nombre
infini de va fes & de fioles, dont les unes
étoient remplies d’eaux diftillees, les au^
très d’herbes ôc de métaux ; ôc il y en
avoit qui contenoient divers- mélanges ÔC
compofîtions.Toutesces bouteilles étoient
expofées à l’air pendant toutes les faifons
de l’année. I l obfervoit par ce moyen les
différens dégrés du chaud ôc du froid, du
fec ôc de l’humide, les fermentations , les
corruptions , les produCtions-dc- les autres
effets, de la nature. Ces obferyations lui
firent découvrir trois efpéces de machines*
dont on a trouvé-une idée dans les manuf?
crits La qu’il première a lailfés après fa mort. forte tduub tee mdep de vs Baromètre.de-ces Elmlea cmhionnetsr éotiot ilt’ éutnaet e-àr. r.teo udtaen hs eluerqeu epla ér tloe imt roeynefne rdm’uéne upnelel ep deatnitse feqsu OEanutvitrée sd ’eau. Bacon l’ap(
T.orn. II. ) Vitrum
calendare*
L a fécondé invention confiflôit en une
Machine pour connoître ce qui fe paJJe dans
Vame. ( ou dans le corps). C ’etoit deux
pierres triangulaires, qui imitoient le mou?
vement fympatbique duper-Ce de .l’aimant,
compofées-principalement derofées ôc autres
.ingrédiens, & qui avoient cette vertu
que f i , après les avoir -mi fes fur une table
de.marbre, on les preffoit foiblementpeiv
dant.environ dix minutes, la..chaleur de la
fctiipaîrno qpuroe d, uqiufoi itim enit oelilte sl eu nme oauttvreamcteionnt rdéu
coeur d’une maniéré très-fenfible.
Enfin il s’agiffoit dans la troifiéme machine
de représenter le mouvement des Planètes.
Voici comment Bacon en parle.
» J ’ai, d it- il, une fois repréfenté le mou-
» vement des Planètes par des filsd’archal,
» tels qu’ils font fans le fecours des cercles,
» &c. ôc cela repréfentoit des mouvemens
» fort extraordinaires. Tantôt elles fe mou-
» voient en fpirale, tantôt en avant, tantôt
» en arriéré : tantôt elles décrivoient des
» cercles plus grands & plus élevés, tantôt
» plus petits Ôc plus bas : tantôt elles al-
» loient vers le Nord,& tantôt vers le Sud,
» ôcc «.
Tous ces travaux lui firent connoître
que l’étude de la nature étoit immenfe. I l
s’arrêta , & conçut le projet d’une Hijloire
de la Nature, pour favoïf à quoi cette étude
pouvoit fe réduire. Dans cette Hiftoire, il
rangea tous les phénomènes en trois claf-
fes. L a première contient l’Hiftoire des
générations & des productions de toute
efpéce. I l met dans la fécondé les præter-
générations ou les productions qui s’écartent
de la voie commune. E t il comprend
dans la troifiéme l’Hiftoire de la Nature
en tant que retardée ou fécondée, changée
ou mife à la torture par l’art humain. Cette
Hiftoire a deux ufages. i Q. E lle peut conduire
à la connoilfance des qualités en elles-
mêmes. 2 q. Elle fert de guide pour les
recherches philofophiques.
Après la collection de ces matériaux, ôc
après avoir trouvé une méthode pour les
mettre en oeuvre, notre Philofophe jugea
qu’il étoit néceffaire de diriger l ’efprit
dans fe$ recherches;, I l forma donc une
Echelle Kde l’entendement J Scala intelleftûs ;
c’eft le titre de cette production ) pour
qu’il montât régulièrement, & par .dégrés;.
aux plus hautes connoiftances. Dans cet
Ouvrage, il propofe certains exemples pris-
des fujets les plus nobles en leur genre, ôc
extrêmement différens les uns des autres,
afin qu’on ne manque pas-d’exemples.
Sans fe permettre aucun relâche,. il
compofa toùt.de fuite des traités particuliers
fur les phénomènes .de .la nature. U
écrivit fur les vents, fur la vie Ôc la mortV
fur la réfraClion ôc la condenfation, & fur
les trois principes des Chimiftes, qui font
le fe l, le foufre ôc le mercure. E t pour
couronnen.ce trava il,il forma le projet de
deux Ouvrages ; l’un fur la méthode fcho^
laftique, dont il vouloit fe fervir comme
d’un échafaud, pour former un fyftême
complet de Philofophie ; l’autre fur une
Philofophie feientifique, ôc réduite en axiomes:
mais il ne conçut guère que le titre
ôc le plan général de ces Ouvrages. Celui
du premier eft : Anticipationes Philofophicce
fecundæ ; ôc le fécond eft intitulé ; Philojo•
phiaprima fiveaSliva'.'-
Ainfi- abforbé dans les recherches ail
fond de fon cabinet, Bacon avoit prefque
oublié qu’il n’étoit plus riche , ôc qu’on ne
pouvoit pas v ivre fans biens. Ses-affaires
domeftiques étoient dans un état pitoyable.
Son grand défintéreffement, la prodigalité
ôc le pillage de fes Officiers forf-
qu’il étoit Chancelier, les dettes qu’il avoit
contractées dans le temps qu’il fut promu
à cette dignité, ôc lesdépenfes qu’il avoit
faites pour fes expériences, avoient tellement
altéré fes fonds, qu’il fe trouva réduit
à une grande extrémité, pour ne pas
dire à l’indigence. Afin de rétablir un peu
fa fortune , il demanda au Duc de Buckingham
la Prévôté du College d’Exton ; &
cet homme faux & inique eut la dureté de
la lui refufer. I l s’adrefla au Roi par une'
lettre dans laquelle il fe répandit en plaintes
& enfupplications tout-à-fait indignes
de lu i, ôc le Roi lui accorda ce qu’il de--
mandoit. •
Son efprit, qui ne laifloit rien paflèr fans'-
examen ,, réfléchît fur la conduite qu’on
tenoit à fôn égard ; fes réflexions firent naître
deux Ouvrages dans lefquels il développa
ce que pouvoit l’art de la parole fur
le menfonge & lavérité. Le premier O u vrage
eft un recueil d’Antithèfès-, intitulé
La Logique des Rhéteurs, ou Vabus de la raifon
dans l’Eloquence. Notre Philofophe met
enfemble dans ce livre les propofitions contradictoires
V'& lait voir ainfi qu’il n’y a
point de propofitidn quelque raifonnablô
qu’elle paroilfe, qui ne puiffe être détruite
par une autre auffirailbnnable. Voici queU