qu’il n’exiftàt pas : ce qui eft contradictoire
à fa définition. Cette raifon doit
donc être dans un Etre néceffaire \ qui
contient la raifon fuffifante de fon exif-
tence ; & cet Etre c’eft D ie u , qui eft
parce qu’il eft.
De-là il fuit que l’homme eft naturellement
déterminé dans fon choix ou fa
volonté par l’apparence du plus grand
bien. E t comme il eft impoffible de faire
un choix entre deux chofes parfaitement
femblables , qu’on peut appeler indifcer-
nables, Dieu ne peut avoir produit deux
chofes parfaitement femblables, enfôrte
qu’on pût mettre l’une à la place de
l ’autre , fans qu’il arrivât le moindre changement.
Ces chofes nauroient point en
effet de raifon fuffifante de leur fitua-
tion , pourquoi l’une feroit plutôt placée
‘en un endroit qu’en un autre. Chaque
partie de la matière eft donc différente
de toute autre , & elle ne pourroit
être employée dans une autre place que
-Ce qu’elle occupe fans déranger tout
l’Univers. Elle eft donc deftinée à faire
l’effet qu’elle produit. Et c’eft de là que
naît la di ver fi té des effets Ôc des phénomènes
qui arrivent dans le monde.
Du principe de la raifon fuffifante , il
'fuit encore que rien ne fe fait par faut
dans la nature ; qu’un Etre ne pafle point
tl’un état à un autre, fans pâffer par tous
les états intermédiaires ; que rien ne peut
palTer d’une extrémité à une autre, fans
paffer par tous les degrés du milieu ; en
un mot, que la nature obferve toujours
dans fa marche la loi de continuité. En
effet, chaque état dans lequel un Etre fe
trouve doit avoir fa raifon fuffifante pourquoi
il eft dans cet étatplutôt que dans tout
autre; & cette raifon ne peut fe trouver que
dans l’état antécédent, celui-ci dans celui
qui l’a précédé, ainfi de fuite par une pro-
greflîon d’états înfenfible. Si la nature
pouvoit paffer d’un extrême à l’autre,
comme du repos au mouvement, ou du
mouvement au repos , ou d’un mouvement
dans un fens à un mouvement en
fens contraire , fans paffer par tous les
mouvemens infenfibles qui conduifent de
l’un à l’autre, il faudroit que le premier
état fût détruit, fans que la nature fut
à quoi fe déterminer. P,ui(qu’il n’y a aucune
liaifon entre deux états oppofés ,
point de paffage du mouvement au repos
, du repos au mouvement, ou d’un
mouvement à un mouvement oppofé, aucune
raifon ne la détermineroit à produire
une chofe plutôt que toute autre.
Concluons donc que tout ce qui s’exécute
dans la nature, s’exécute par des
degrés infiniment petits. Natura non ope-
ratur per faltum.
C ’eft la fubftance qui compofe la nature.
On appelle fubftance ce qui eft capable
d’aétion. L a fubftance fe divife en
fimple ôc en compofée. La fubftance
fimple n’a point de parties. L a fubftance
compofée eft l’affemblage de fubftances
fimples , qui font des unités , ou autrement
des Monades, qui en grec fignifie
la même chofe. Les corps font des fubftances
compofées ; les âmes & les efprits
font des Monades : & comme il y a partout
des fubftances fimples , toute la nature
eft animée ou pleine de vie.
Toutes les Monades reçoivent des
lieux où elles font , des impreffions de
tout l’Univers, mais des impreffions con-
fufes, à caufe de leurs multitudes. On
peut regarder une Monade comme un
miroir vivant, douée d’une aélion interne
, auffi réglée que l’Univers même. Le s
perceptions dans la Monade naiffênt les
unes des autres, par les loix des appétits
ou des caufes finales du bien & du mal ;
de forte , qu’il règne une harmonie parfaite
entre les perceptions d’une Monade
& les mouvemens des corps. Cfeft une
harmonie préétablie entre le fyftême des
caufes efficientes ôc celui des caufes finales
; & c’eft en cela que confifte l’union
phyfique de l’ame & du corps, fans que
l’un puifle changer les loix de l’autre.
L ’ame n’agit pas fur le corps , ni le
corps fur l’ame ; mais l’un ôc l’autre procèdent
par des loix néceffaires ; l’àme
dans fes perceptions & fes voûtions ; le
corps dans fes mouvemens, fans que l’un
foit affeélé par l ’autre. Lorfque l’ame a
des voûtions , ces voûtions font fuivies
à l ’inftant des, mouvemens délires dû
corps , sron en conféquence de ces v o ûtions
qui n’y ont aucune influence,
mais à caufe de l’harmonie parfaite entre
le corps & l’ame.
Pour bien faifir ce merveilleux méca-
nifme , il faut favoir que l’état préfent
de chaque fubftance eft une fuite naturelle
de chaque état précédent. L ’ame,
toute fimple qu’elle eft, a toujours un fen-
timent compofé de plufieurs perceptions
à la fois : ce qui produit le même effet
que fi elle étoit compofée de pièces comme
une machine. Car chaque perception
différente a de l’influence fur les fui-
vantes, conformément à une loi d’ordre,
qui eft dans les perceptions comme dans
les mouvemens. Les perceptions qui fe
trouvent enfemble dans une même ame
en même-temps, enveloppant une multitude
infinie de petits fentimens indiftin-
guables, que la fuite doit développer, il
doit en réfulter avec le temps une variété
infinie. L ’ame ne connoît pas fes
perceptions à venir ; elle les fent confu-
fément ; & il y a en chaque fubftance
des traces de tout ce qui lui eft arrivé
Ôc de tout ce qui lui arrivera, quoiqu’elle
ne puiffe les diftinguer, à caufe de cette
multitude infinie de perceptions. Tout
cela n’eft qu’une conféquence repréfen-
tative de l’ame, qui doit exprimer ce
qui fe paffe, Ôc même ce qui fe pafferadans
fon corps, ôc en quelque façon dans tous
les autres, par la conceflïon ou cor-
refpondance de toutes les parties du
monde. Ainfi tout ce que les hommes
difent ôc fo n t, n’eft que l ’effet d’un me-,
canifme admirable.
A u refte, l’ame de l ’homme n’eft pas
feulement un miroir de l’Univers , mais
elle eft encore une image de la Divin ité ,
entrant en vertu de la raifon ôc des v érités
éternelles , dans une efpéce de fo-
ciété aveG D ie u , ôc jouiflant ainfi d’un
éta t, où il fe trouve autant de vertu ôc de
bonheur qu’il eft poffible.
Découvertes Mathématiques de L e iBNITZ,
Elles font expofées dans l ’Hiftoire de
fa vie.
On a publié depuis peu des Lettres
qu’on attribue à L eibnitz , contenant
un principe nouveau fur l’oeconomie de
la nature dans fes opérations. C ’eft la
moindre quantité d’aélion.
M. de Maupertuis a prétendu être l ’A u teur
de cette découverte, ôc a foutenu
qu’on ne la trouve point dans les écrits
originaux de L eibnitz. C ’eft un problème
que M. Koenig a tâché de réfoudre en
faveur de.ee Philofophe, dans fon Appel
au Public du jugement de V Académie Royale
de Berlin, fur un Fragment de Lettres de
M . Leibnitz, cité par M. Koenig, auquel
je renvoie.