dans un Royaume, & que ces nobles, Toit
de robe, foit d’épée, n’aient pas une trop
grande quantité d’enfans. Dans une V ille
où il y a trop de nobleffe, le peuple eft
bas & fans courage.Les nobles doivent être
communicatifs 6c populaires ; car quand la
noblefTe eft retirée, il y a moins de foldats.
Un troifiéme foin eft que l’arbre de la
Monarchie ait un tronc affez gros & affez
fort pour foutenir fes branches 6c fes
feuillages. Cela lignifie que le nombre
des ’habitans du pays doit être affez con-
fidérable pour contenir les fujets étrangers
j qu’on ne fauro.it trop accueillir en
leur accordant le plus haut dégré de bour-
geoifie, c’eft-à-dire, le droit de mariage,
le droit de fuccefïion, 6c celui des fuffrages
6c des honneurs.
Les Arts mécaniques fédentaires, 6c les
manufactures délicates auxquelles on emploie
plus les doigts que les bras, font de
leur nature contraires à la milice. En général
, les militaires & les gens courageux ne
veulent rien faire, & craignent moins le
danger que le travail. Ce n’eft point un
mal ; car il eft bon de les conferver en vigueur.
Aufli doit-on n’employer à ces travaux
que des étrangers qui ne peuvent
pas avoir Tefprit patriotique. A legard
des habitans, il faut les divifer en trois
claffes, en «laboureurs, en roturiers, en
eommerçans& en artifans, qu’on emploie
à des ouvrages qui requièrent de la force
6c de bons bras. Avant toutes chofes, ce
qui contribue le plus à l’aggrandiffement
d’un E ta t, c’eft qu’une Nation foit adonnée
aux armes, comme fi c’étoit fa gloire
6c fa principale force, & qu’elle conftitue
en cela fon honneur.
Chaque Etat doit ufer des Loix 6c des
Coutumes, qui lui donnent comme fur
l’heure, de juftescaufes, ou au moins de
bons prétextes pour prendre les armes. Car
les hommes appréhendent tellement de
leur naturel la juftice , qu’ils s’abftiennent
de faire la guerre, s’il n’y a quelque grande
raifon qui foit pour le moins fpécieufe. Les
1 urcs en ont une toujours prête, c’eft d’étendre
leur loi & leur feCte. Le peuple qui
afpire à la domination, eft fort fenfible à
la moindre injure qu’on fait à la N ation,
6c en conferve un v i f reffentiment. En un
mot, il ne faut pas croire qu’aucun Etat
puifie étendre plus avant fa puifiance, s’il
n’y eft excité à chaque jufte occafion qu’il
a de s’armer.
I l n’y a aucun corps, foit naturel, foit
politique, qui puifTe fe maintenir en fanté
fa ns exercice. C ’eft une vérité d’expérience.
-Or, fans la guerre, le courage fe ramollit;
6c quoiqu’il arrive du bien à l’E tat
par la paix, c ’eft fa grandeur 6c fa sûreté
qu’il foit prefque toujours en armes, &
qu’il ait toujours fur pied de nouveaux ré-
gimens. Pour entretenir l’émulation dans,
-ces corps, on doit ne deftiner les places
qui font dans l’Etat Militaire, qu’à ceux
qui portent les armes ; 6c il eft important
de donner à ceux qui ont bien fait la guerre,
des marques qui honorent leur courage.
Autrefois on érigeoit des trophées aux
lieux où l ’on gagnoitdes victoires. On pro-
nonçoit des Oraifons funèbres en l’honneur
de ceux qui mouroient les armes à la
main. On leur drefToit de fuperbes tombeaux
; 6c on ne refufoit à perfônne les
couronnes civiques & militaires, ni même
les noms d’Empereurs, que les grands
Rois ont depuis pris des Généraux d’armée.
On leur décernoit même des triomphes
magnifiques quand ils revenoient victorieux
de leurs ennemis. E t on faifoit fur-
tout de grandes libéralités, lorfqu’on liçen*.
tioit l'armée.
Les forces maritimes forment encore la
puifiance d’un Etat. L a feigneurie de la
mer eft un certain abrégé de la Monarchie.
Cicéron écrivant à Atticus, fur les préparatifs
de guerre que Pompée faifoit contre
Céfar, lui marquoitrL^ réfolution de Pompée
ejl tout-à-fait femblable à celle de T h é -
miftocles : car il croit que celui qui efi le mat?
tre de la mer, ejl le maître de tout.
Voilà comment on peut augmenter la.
puifiance d?u n E ta t ,& la maintenir; 6c
voici les principes qu’on doit mettre en
ufage pour y conferver intérieurement la
paix , la tranquillité & le bon ordre.
I . Le droit particulier eft fous la tutelle
du droit public. Et le droit public n’eft pas
feulement la garde du droit particulier,
afin qu’on ne le viole pas 6c qu’on n’offenfe
perfônne ; il eft encore un lien au bon ordre,
à la police, & à tout ce qui concerne le
bien-être de la fociété.
I I . L a loi eft établie pour la sûreté des
Citoyens ; & les Magiftrats, font établis
pour l’obfervation des loix ; de forte que
Pautorité des Magiftrats eft fondée furies
loix mêmes*
I I I . L e but des loix eft de procurer une
confiante félicité à la fociété : ce qui aura
lieu , fi les membres qui la compofènt font
bien inftruits en piété 6c en religion, s’ils
font de bonnes moeurs-, s’ils font confer-
yés par les armes contre les ennemis étrangers
, 6c fi étant préfervés des féditions &
des offenfes particulières, par Tafliftance
dès lo ix , 6c obéiflant en même temps
aux Magiftrats, ils'abondent en richefles
& font puilTans en foldats. Or les loix
font les inftrumens 6c les nerfs de ces
chofes.
I V . Une loi eft eftimée bonne, lôrfqu’elle
eft certaine en dénonciation, c’eft-à-dire,
notoire à tout le monde, jufte en commandement,
commode à l’exécùtion, & qu’elle
s'accorde bien avec la fituation des lieux
6c la conftitution des habitans.
Plan d'un Etabliffement pour contribuer au
progrès à la perfection des Sciences.
L e but d’un être raifonnable eft de travailler
à la connoiflance des caufes 6c des
fecrets de la nature, 6c d’eflayer à étendre
la puifiance de l’homme à toutes lès chofes
dont il eft capable. Pour y parvenir, voici
( félon Bacon) les chofes qu’il faut avoir,
6c l’étude qu’on doit faire.
I . Plufieurs caves dè diverfes profondeurs
, dont quelques-unes aient trois cens
toifes au defîous de la furface ordinaire de
la terre, 6c foient fituées fous des montagnes
très-hautes, afin que la hauteur de ces
montagnes & la profondeur des caves forment
un efpace d’environ trois mille pas,
( c ’eft-à dire, de quinze mille pieds ). Ces
lieux peuvent être appellés la baffe région,
6c font propres *à connoître Tendurciftè-
ment ou la pétrification des corps, le rafraîchiflement
& la conüervatiofi des fub-
ftànces. Ils font utiles aufli pour connoître
la formation des minéraux, en les imitant;
la production dès métaux artificiels, par le
moyen de plufieurs compofîtions qu’on y
laine pendant plufieurs années. Ils fervent
encore à éprouver quels effets cette température
de l ’air qui y régné pourroit produire
fur certaines maladies.
I I . Des tours fort élevées jufqu’à la
hauteur de cinq cens pas ( ou deux mille
cinq cens pieds) (a ) , 6c la plupart de ces
tours fituées fur le fommet des montagnes;
de maniéré qu’en mefurant depuis le
pied de la montagne jufqu’au plus haut de
la tour, il y ait environ trois mille pas. L e
fommet de ces tours eft à peu près à la plus
haute région de l ’air, & l’efpâce du milieu
peut être regardé comme étant dans là
moyenne région. L ’ufage de ces tours eft
d’éprouver les effets de la chaleur du Sole
il, ceux d’un air fubtil 6c délié, 6c de
faire des Obfervations Aftronomiques.
I I I . D i vêts lacs & canaux remplis d’eàu
douce ou Talée, pour y faire des expériences
fur la nature des poifions 6c dès oifeaux
aquatiques, 6c pour s’en fervir comme de
fépülcres pour divers corps, afin d’éprouv
e r 'le s différences qui arrivent entre les
cadavres des animaux enterrés, ou de ceux
qüi font fous les eaux.
IV . Quantité de citernes & d’autres inventions
pour la purification de l’eau, afin
de la rendre plus propre à l’ufage des hommes.
V . Des rochers dans la mer, 6c quelques
bains bâtis fur le rivage, pour travailler
à quelques opérations ; où T air de la
marine femblè être néceffaire.
V I . Des tôrrens artificiels 6c des cataractes
pour diverfes expériences.
V I I . Diverfes machines propres à enfermer
les vents, afin d’accroître leur vio*
lence, pour fervir à exciter plufieurs mou-
vemens.
V I I I . Des puits & des fontaines artificielles
, qui aient les mêmes vertus que les
eaux minérales, par le moyen du foufre,
du v itriol, du plomb, du nitre, 6c fembla-
U] Si Ba.com entend par pas un pas géométrique1, qui eft de cinq pieds , cette hauteur eft exorbitante»