î fuit que tous les corps qui peuvent
fupporter un effort, fans que leurs
parties fe défuniffent, font compo-
fés de fibres diadiques. Ainfi lorf-
que nous agiffons fur un corps ,
foit en le choquant , foit en le
preffant, nous mettons en jeu l’é-
lafticité des fibres que nous touchons
; ôc plus cette aâion êft con-
fidérable,. plus cette élafticitd acquiert
de force. En effet, il eft démontré
que la puiffance d’un refiôrt,
de quelque efpéce qu’il fo it, augmente
en même proportion que fa
tenfion, foit qu’il foit tendu par
compreïïion ou par condenfation ,
par diftenfion ou par raréfaâion ;■
de forte que fi. la force d;une livre-
lui donne un degré de mouvement
pour le tirer de fon état naturel,
deux livres lui en donneront deux
degrés, trois livres trois degrés, 6c
ainfi de fuite (/). D’où il faut conclure
que lesfibres du corps fùrlef-
quelles la puiffance agit, ont une
aâivké plus grande que celles
quelle ne touche pas, ôc parcon—
féquent que quand un corps eft
enlevé, l’ââivité qu’ëlle a-reçue y.
eft diftribuée inégalement*.
Examinons: de plus près cette-
conféquence ; craignons de nous
faire illufion-, & n’adoptons rien
que quand nous ferons parfaitement
convaincus. La matière eft trop
importante ôt trop délicate pour
négliger les moindres éclairciffemens.
Je reprends donc ma con-
clufîon, ôc je dis : Les parties d’un
corps que la puiffance touche ,
lorsqu'elle l’enlevé, ont fupporté'
toute la preflion, tout l’effort qu’a
fait cette puiffance pour le mouvoir,
pour l’entraîner avec elle , tandis
que celles qui font les plus éloignées
du point où la puiffance
agit, n’ont été ébranlées que dans
l’inftant que le corps a été enlevé.
Ainfi-fi la puiffance a agi pendant
fix inftans, pour pouvoir enlever le
corps, les premières fibres ou parties
du corps faifies, ont fix fois
plus d’aâivité que les dernières,
qui n’ont éprouvé l’aftion de la puif-
fance que le dernier inftant que le-
corps a-écé enlevé. Concluons donc
que l’aâivité eft diftribuée inégalement
dans le corps.
Quoique cela me paroiffe aufli
clair que le jour, je ne veux cependant
pas laiffer la moindre ref-
fource aux dautesles plus légers. On-
pourroit peut-être me demander
comment je fais que la dernière fibre
, qui eft la plus éloignée du;
point de contad de la puiffance, ne
reffent fon action que lors del’enle-
veinent du corps. Comment ? C’eft
que fi cette fibre éprouvoit cette ac- -
tion-aufïï-tôt que la puiffance- agit-
fur le corps, ce corps devroit être-
enlevé dans ce même inftant, puif
que toutes fes parties feroient en
mouvement. Ce raifonnement ell:
( 0 Çours dè Pkpjlque expérimentale > le DoCicui Dejaguliérs f Tom. I. pag. 413,.
invincible. Mais voici une expérience
qui ne laiffe rien àdefirer. M.
Defaguliers rapporte avoir vu le fait
fuivant. Un homme étoit couché
furie dos, ayant une enclume fur
fa poitrine* Deux hommes forts
frappoient avec deux gros marteaux
fur cette enclume , ôc y forgeoient
un morceau de fer, ou y coupoient
une barre de fer froid avec des ci-
feaux, fans que celui qui foutenoit
l’enclume fentît ces coups de marteau
, ou la preflion des cifeaux. Ces
coups ôc cette prelfion étoient cependant!!
forts, que les parties fupé-
rieures de l’enclume en étoient prefe
que affaiffées. Elles éprouvoientpar
conféquent une preflion confidéra-
ble, tandis que les- parties ou les
fibres inférieures de l-’enclume n’é—
toient point ébranlées. Celles-là
avoient donc une activité proportionnelle
à leur preflion, pendant
que celles-ci étoient fans mouvement
; de forte que fi l’on eût augmenté
la preflion fur l'enclume juf-
qu’au point de la faire éprouver
à celui qui la fupportoit, les premières
fibres de l’enclume auroienr
été déjà, 'extrêmement comprimées,
lorfque les dernières auraient
éprouvé feulement une petite
preflion. L ’enclume feroit pourtant
alors en mouvement, 6c fes.
parties: aüroient, différens degrés
d’élafticité. Donc l’aâivité de la
puiffance étoit- diftribuée inégalement
dans, cette enclume. Ce qu’il
fallait, démontrer;.
Il eft peut-être pénible dé concevoir
Comment les parties d’un
corps qu’on veut élever , acquièrent
différens degrés de tenfion ou
d’aâivité, fans changer fenfible-
"ment dé figuré. J’en conviens, parce
que je fais que les vérités les plus
certaines ne deviennent évidentes
qu’autant qu’on en vérifie la certitude
avec les fens. Cela eft affee
difficile dans le cas préfent. Cependant
il eft poffible de donner une
idée de la manière dont la chofe fe
paffe.
Soit un corps long compofé de.
fibres flexibles à leur point de jonction
, c’eft-à-dire formé de chaînons
élaftiques. Qu’une puiffance agiffe-
fiir un pareil corps, en le fai fi fiant
par un chaînon. Dans le premier
inftant de fon. action , le premier
chaînon s’élèvera fans que l’autre
remue. Celui-ci fera donc en
mouvement ; il éprouvera une ten-
fiort, tandis que le chaînon qui lui
eft contigu, fera dans un parfait
repos. Dans le fecondinftant de l’action,.
le premier chaînon s’élev-era.
plus que dans.le premier inftant, ôc.
alors il élevera le fécond chaînon.
Celui-ci naura encore qu’un degré
de mouvement, ou-d’aâivité, ou de
tenfion, lorfque celui qui le meut
en. aura deux.. Et s’il y a cent chaînons,
ôc qu’à chaque inftant que la.
puiffance agit, elle élève un chaînon
, le premier aura cent fois plus;
daction ou d’aâivité que le dernier,.