bonne heure au College de la Made-
laine. On le diftingua bientôt dans ce
Collége de tous les autres écoliers. Son
efprit v i f , pénétrant & avide de tout
favoir , ne fe contentoit point des exercices
ordinaires ; comme il entendoit parler
de Philofophie j de Mathématiques &
de T héo logie, il voulut aufîî apprendre
ces fciences. Ses Maîtres eurent grand foin
de lui interdire ces études étrangères à
celle dont il étoit occupé ; & notre Ecolier
fe v it contraint d’etudier en fècret
& comme à la dérobée. I l empruntoit
des livres avec beaucoup de eirconfpec-
tio n , pour n’être pas- découvert. Il lut
tout feul Euclide & Clavius, & chargea
le premier de notes. L e temps, v-inr cependant
où il paffa aux clafîès de Philofophie
& de Mathématiques. Il fùivifc
alors fon goût fans, obftacle. L e s progrès
qu’il fit dans ces deux fciences- le
rendirent bientôt fupérieur à fes- Martres.
Les ouvrages de Defcartes L’affectèrent
fur-tout d’une manière* particulière,
& accélérèrent infiniment la marche.
Il les développa fi bien, qu’il reconnut
que ce grand homme s’étoit borné
aüx parties fpéculaùves- de* la Philofophie
, fans toucher à la pratique. I l
voulut y fuppiéer , & commencer où.
Defcartes s’étoit arrêté. I l entrevit dès-
hors le vaftè plan qu’il a depuis fi bien
exécuté , de réduire toutes les connoif-
fances philofophiques en un fyftême qui
procédât de principes en conféquences,
& où toutes, lès propofitions fulfent déduites
les unes des autres, fuivantla-méthode
des Géomètres.
Pour l ’exécution de ce plan , il fal-
loit être verfé dans toutes les parties
des Mathématiques. C ’eft ce que comprit
notre-Philofophe. I l réfolut donc de
reprendre Pétude de cette fcience. Il
prit pour guide les Elementa Arithmeticoe
vulgaris litteralisde Henr. Horch, qu’il,
augmenta d’un grand nombre de propoff-
tions.Ses fuccès lui firent beaucoup d’hon»-
neur. On s’en occupa long-temps dans:
Breflaw; & des Moines de cette ville y
ayant pris un intérêt particulier , eurenfr
avec lui diverfes difputes, qui jettèrent
les premiers fondemens de fa réputation*.
Toutes les perfonnes éclairées jugèrent
aifément qu’il feroit un jour un des.
principaux ornemens de la République
des Lettres» Elles lui confeillèrent de ne
pas demeurer plus long-temps à Breflaw,.
& d’aller fe perfectionner dans l’Univer-
fîté dTene en Saxe , célèbre ^par de fa-
vans Profeffeurs qui la compofbient*.
W o l f fe rendit à ces avis.. II commença
fa Philofophie fous Philippe Frunent le s
Mathématiques fous Albert Humberger y
& finit par un Cours, de Théologie que
profeffoient Philippe Muller & Frid. Bech-
man. Parmi les, livres qu’il lut dans fes
différentes études, il s’arrêta à celui de
M. Tfchirnaus, intitulé : Medica mentis
corporis. Cet ouvrage lui fit tant de plaifir
, qu’i l chercha à faire Gonnoifïance-
avec l’Auteur. L a chofe fut fort aifée..
M. Tfchirnaus v it à peine notre jeune-
Philofophe, qu’il conçut pour lui la plus-
forte eftime. C e lu i-c i tira parti de ce-
fentiment, en lui demandant plufieurs
éclairciffemens ; & il en reçut des inf-
tru&ions très-étendues.
Après.avoir fini fes Cours, il voulut
enfeigner. L ’Univerfîté lui en accorda la»
permiftîon avec les diftinétions les plus-
ftatteufes-M. Ernejl, l ’un des ProfefTeurs-
de cette Univerfîté, Gélébra en quelque-
forte cette faveur fignalée par un Poè'me*
latin qu’il compofa à fa louange. W o l e ;
partit enfuite pour Leipfick, où il avoit:
réfolu de donner fes premières leçons..
Il en fit l’ ouverture le 4 Janvier 1703
& lès annonça au Public par une Differ-
tation intitulée : Philofophia practica., uni-
verfalis,Mathematicâ methodo conJcriptâ.On
accueillit très-favorablement cetouvrage,
& fon auditoire en devint plus nombreux-
L a méthode qu’il fuivoit étoit une efpéce-
d’alliage de celle de Defcartes avec celle*
de Tfchirnaus. Elle fut fi goûtée, qu’on,
venoit de toutes parts pour l ’entendre.
I l reçut aufîî deux Lettres ; une de M*. 0learius , favant Profeffeur ; l’autre de .
Leibnitq,qa\ contenoient de grands éloges,
de fa Differtation.Tant de témoignages»
d’eftime l ’enftammerent d ’une nouvelle*
ardeun. Son. imagination s’échauffa, St:
elle;
«lie produifit prefque en même temps
trois ouvrages fort curieux. L e premier
étoit intitulé De ïoquelâ. I l l ’envoya à
Leibnitq, qui ne l ’approuva point : mais
les deux autres furent généralement
applaudis. Us'parurent en forme de Mémoires
dans lés A&es de Leipfick. L ’un
avoit pour objet la théorie des roues
dentées ( de Rôtis dentatis); & le fécond
çontenoit des régies fur le calcul différentiel
( de Algorithmo infînitefimali df~
ferentiali. ) Ces morceaux étoient bien
au deffus de ce qu’on pouvoit attendre
d un homme de fon âge , car W o l f n’a-
v o it que vingt-quatre ans. Audi s’em-
prefia-t-on à'foutenir cette émulation par
les diftinébions , en lui conférant le titre
d Affeffeur de la Faculté Philofophique
de Leipfick. Les Auteurs des A B a eru-
aitorum l’affocièrent dans le même temps
à leur commun travail ; de forte qu’il
continua d’enrichir ces A d e s d’un grand
nombre de Di fier tâtions importantes fur.
des fuiets de Mathématique & de Phy-
fîque. J
I l fe fit ainfi une réputation qui fixa 1 attention de toutes les Univerfités d’A l lemagne.
Plusieurs d’entr’elles lui offrirent
des chaires à remplir. I l préféra,
celle de Mathématiques qu’on lui pro-
pofoità Gieffen, & fe mit en chemin pour
5 y rendre. I l pafla par Hall , où il
trouva Meneurs Straicf âc Hoffman qui
ÿ étoient Profefïeurs. Ces Savans le virent
avec plaifir, & l’entendirent avec
plus de plaifir encore. Us le trouvèrent
bien fupérieur à fes ouvrages. L ’opinion
qu ils conçurent par- là de fon mérite, s’accrut
au point qu’ils ne crurent pas devoir
le laiffer partir , fans faire part au feu
Roi de Prufïe de l’avantage qu’il en re-
viendroit à fes Etats d’y fixer un homme
tel que W olf. Pour avoir le temps
de faire les démarches néceffaires à cette
fin , ils l’engagèrent par toutes fortes de
politeffes à refter quelque temps dans leur
Ville . Pendant ce temps-là ils reçurent
•une réponfe du Roi très - favorable à
leurs intentions. Sa Majefté nommoit
notre Philofophe Profeffeur de Mathématiques
dans leur Univerfité, aveç des
appomtemens extraordinaires. Senfibleà
toutes çes faveurs , W o l f accepta l’offre
du R o i, & remercia la Ville de Gielîen
de la chaire qu’elle lui avoit donnée.
I l ne longea plus déformais qu’à fe rendre
digne de la place qu’il occupoit. 11 travaillaàdbnner.
uneautrefbrmeàlaPhilofophie,
en y introduîfant les Mathématiques.
Cette méthode lui attira un grand nom-,
bre d’Auditeurs. Quelques Profeffeurs
en prirent l’allarme. Ils craignirent que
cette nouveauté ne fbt généralement approuvée,
& qu’on nedéfertât leurs çlaffes.
Ils blâmèrent aufîî cet alliàge.LesThéolo-
gietis avoient etllbre d’autres raifons pour.
ne pas voir de bon oeil le nouveau Pro-
feffeur : mais le motif de leur haine n’é-,
tant point affez fort pour l ’attaquer ouvertement
, ils formèrent des manoeuvres
lourdes en attendant une occalîon fàvo-.
rable d’en venir à un coup d’éclat. W o l f
ne lit pas attention à ces mécontente-
mens. Uniquement livré à la Philofophie,
il n’étoit occupé que de cet objet.
I l avoit.commencé tes leçons par la L o gique.
Ses cahiers parvinrent aux Savans
, qui en firent un grand élqÿè. Us
délirèrent même qu’il les rendît publics
par la voie de l’imprefiion Si dans la
langue du pays, afin de les répandre davantage.
W o l f , pour condefeendre à
ce d é fit, traduilît fes cahiers du Latin
en Allemand, après leur avoir donné la
forme de Traité , & les publia fous ce
titre , ainfi traduit en François par M.
Defchamps : P.enfées fur lesjjprces de l ’entendement
humain , & fur leur droit ufage
dans la recherché de lai vérité. L ’Auteur
n y reconnoit que trois opérations de
l ’ame , favoir la perception , le jugement.
Sc le raifonnement. I l développe dans
la première partie de cet ouvrage ces
trois opérations, Ôt il montre dans la
fécondé l’ufàge de la Logique pour discerner
le vrai du faux , le certain de l’incertain.
Ce qu’il y a ici de remarquable,
c eft 1 art avec lequel il réduit toutes les
idées en différentes claffes. On ne favoit
point jufques-là quelle eft précifément
la différence d’une idée claire ôc d’une idée
diflinfte, de W o l f les définit avec une