le déférèrent comme tel au Magiftrat.
Notre Philofophe implora la proteftion
du Cardinal de Lorraine , qui favorifoit
les gens de lettres, Sc. cette Eminence le
mit à couvert des coups de Tes ennemis.
Cette protection donna une. nouvelle
activité à Ton zèle. I l recommença fes
leçons, & il eut un fi grand concours d’au-r
diteurs, qu’il fut obligé de chercher un
endroit plus vafte que celui où il enfei-r
gnoit. Le College de Prelle.,, rue des
Carmes , lui parut convenable à fes def?
feins. I l s’y retira, &.y.obtint une bourfe.
C ’efi-là qu’il fe détermina à examiner avec
plus d’attention la VKdoCo^hïe.^Ariftote,
Sc à la cenfurer, fans ménagement. Enflé
par fes.fuccès, il fe livra à l ’étude avec
plus d’afllduité qu’il n’avoit encore fait, Sc
fe retrancha .rigoureufement les.plaifirs 6c
les agrémens de la vie qui auroientpule
diftraire. I l commença par la Logique.
Les remarques qu’il fit fur cet Ouvrage du
chef des Péripatéticiens, fe multiplièrent
tellement, qu’elles formèrent un jufte volume.
Ramus crut devoir les rendre pur
bliques : mais il jugea .à propos de fupr
pléer par une nouvelle Logique à celle
qu’il venoit de détruire. C ’eft ce qui l’engagea
à compoferdes Inftitutions.de Logique.
Ces deux productions parurent en
1 y 43 ; l’une fous_.ce titre, AriimadverJion.es
in Diakclicam Arijlotelis, Lib. XX . in-8°.
(Remarques furja Dialectique d’Arijlote) j 6c
l’autre fous celui d’ Injlitutiones Dialefticoe*
Lib. I I I , in,-80.. ( Injiitutions deDjaleClique.).
Ces deux Livres..fureot lus avec autant
d’avidité que de furprife. Comme le pre.-
mier contenoit une réfutation vigoureute
de la Logique qu’on enfeignoit alors dans
les Colleges, tous. les Profeiïeur-s jetterent
le.s hauts cris L ’Univerfité .deParis en fut
fi.fcandalifée, qu’elle crut devoir en faire
punir l’Auteur; Elle.-intenta à cet effet
une aCtion criminelle- contre lu i, Sc l’ac«-
cufa au Châtelet d’énrrver. la Théologie
& les Ajrts par le difcrédit où il entreprenait
de faire.tomber Arijlote. .Du Châtelet
cette affaire fut portée au Parlement. Le
Roi (Français L ) l’évoqua-,en fui te à fon
C^-Elles-font imprimées dans \n- fiib.iorbojuc Frtwfo
là u lty , & .daus lc. Ui8.iorwtikreAe3a.ylc 3
Confeil par des Lettres Patentes ÇaJ. Arv>-
toine deGovea étoit le principal adversaires
de Ramus. Sa Majefté ordonna que chacun
des contendans donneroit deux a rb itres,
Sc elle fe réferva de fournir le cinquième
pour examiner. & difcuter contradictoirement
les Livres de notre Philofophe,
& en porter un jugement. Go^eanomma
le célébré Pierre Danès Sc François dt
Vico-Mercato, tous deux Membres diftin-
g.ués de l’Univerfité. Son adverfaire choir
fit Jean Quintin, DoCteur en decret, 6c Jean
de Bomont, Médecin. L e furarbitre nom-,
mé par le R o i, fut Jean de Salignac, Do c teur
en Théologie, R a m u s & Govea com-t
parurent devant ces Jugesv, Sc plaidèrent-
contradictoirement, l’un contre l’autre.:
Mais dès le premier point fur lequel il fallut
prononcer, les Avocats ou Parties choi-»
fies par Govea , formèrent une chicane,-
Quintin 6c Bomont voulurent- l’écarter ;
mais voyant que M.deSaligmc en prenoif
la défenfe, ils comprirent qtpils ne pou-,
voientrienfaire:pour leur ami, 6c fe retirèrent.
Les trois qui refterent n’en pour-
fuivirent pas moins l’inflruCtion du procès*
Abfolument dévoués à l’adverfaire de
R amus, ils décidèrent hardiment en fa
faveur, & drefferent leur avis d’une façon
très-dure pour notre Philofophe. Après
l’avoir taxé de téméraire, d’arrogant ,
d’impudent, ils conclurent.à la fupprefîîon
de fes Livres. Ils prévinrent enfuite telle-?
ment l’efprit du R o i , que ce Prince con-r
firma ce Jugement fans vouloir entrer dans
une plus grande difcuffion.L’Arrêt duCon*
feil qui intervint fur leur avis, en adopta
les difpofitions, Sc y ajouta.des- défenfes à
R amus de lire Sc d’expliquer dans fon
école les deux Ouvrages ; condamnés. I l
eft dit dans le préambule de l ’A r r ê t , qu’a*«
près le défiftement de Quintin 6c de B ot
mont,Ramus futfommé de nommer d’aur
très arbitres , qufil le refulà, Sc qu’il s’en
tint aux trois-reftaos : mais c’eff-là une
formalité pure.qu’on crut devoir obferver
pour tempérer la rigueur du Jugement.
Notre Philofophe eut encore à craindre
un traitement plus dur. On.avoit telle*-
f» de dn Amodier-, dans VH‘jhire. de.i’Univcrfité, par-«.T
ment îndifpofé le Roi contre lu i, que Sa
Majefté vouloit l’envoyer auxgaleres ; 6c
il ne fe défifta de fa réfolution, que par
l ’avis que luipropofa Pierre Cajlellan,dç
le punir d’une maniéré plus mortifiante :
c’étoit de l’engager à une difpute publique
, Sc de mettre fa folie dans le plus
grand jour, en le réduifant au filence. Le
Roi goûta d’abord cet expédient ; mais
dès qu’il fut la confufion qu’il avoit reçue
de l’A r rê t, il fe contenta de-cette
peine (a).
L e triomphe de fes-ennemis étoit en
effet fort grand. Us en firent trophée avec
Un éclat extraordinaire. Us publièrent
l ’Arrêt en latin dans- toutes les rues de
Paris ,& dans tous les lieux-de l’Europe où
ils purent l’envoyer. Us firent enfuite des
pièces de théâtre, dans lefquelles R amus
fut bafoué en mille maniérés, au milieu
des acclamations Sc des applaudiffemens
des Ariftotéliciens. Notre Philofophe fouf-
frit cesdifgraces fans murmurer, Sc fe renferma
dans le-filence. Mais l’année fui-
vânte la pefte faifant des ravages
affreux-dans Paris, les Ecoliersabandon-
nerent les Colleges, Sc Ramus crut devoir
profiter de ce temps pour donner
cours à fes opinions. Les jeunes gens
étant en quelque forte defoeuvrés, alloient
écouter les leçons qu’il donnoit au C o llege
de Prefle, dont il étoit devenu Principal.
La raifon.qu’il avoit pour lui, & la
maniéré dont il la faifoit valoir, lui attirèrent
un grand concours d’auditeursi
L ’Univerfité en prit l’allarme. L a Faculté
de Théologie préfenta requête au Parlement
pour l’exclure du College-, vu le
mauvais ufage qu’il faifoit de fa place, Sc
les troubles qu’il excitoit-dansJes. études.
Mais cette Cour le confirma & le maintint
dans fon emploi.
François I. mourut-dans* ce temps-là.
C e t événement fut favorable à Ramus.
Ses Protecteurs qui n’avoient.point, ofé
agir en fa faveur, pendant le règne de ce
Prince, s’employèrent pour lui rendre fer«-
vice. L e Cardinal de Lorraine.qui l’efti*-
môit beaucoup, le protégea hautement.
Devenu tout-puiffant fous Henri I I , fuc-
ceffeur de François 1, il obtint la caffation
de l’Arrêt du Confeil qui aVoit été rendu
en iy 4 4 . Cette faveur fit taire pendant
quelque temps fes ennemis. Mais l ’un
d’eux, nommé Jacques Charpentier, ayant
été élu ReCteur de l’Univerfité, chercha à
troubler la tranquillité dont il- jouifloit. I l
lui fufcita une querelle qui, quoique très-;
mal fondée, devint cependant- très-fé-
rieufe, R amus enfeignoit-à la fois la Phi-
lofophie Sc la Rhétorique. L e nouveau
Reéteur l’attaqua là-deffus. U prétendit
que c’étoit une contravention aux ftatuts
de l’Univerfité, Sc exigea que notre Philofophe
optât. Celui-ci foutenoit au contraire
que ces deux études s’accordoiene-
parfaitement ; qu’elles fe- prêtaient un fe-
c-ours mutuel, Sc qu’elles ne pouvoient
être perfectionnées qu’étant alliées. I l
avoit pour lui Cicéron, Quïntilien, & même
Arijlote. L e ReCteur Sc R amus plaidèrent
leur caufe devanti’Univerfité. L a difpute
s’échauffa Sc dégénéra en aigreur. On
jugea à propos , pour éviter les fuites, de
nommer fix Commiffaires de chaque F aculté
, à l’effet d’examiner paifiblement la
chofe. Notre Philofophe n’étoit point
agréable à l’Univerfité. Elle le regardoit
même comme fon ennemi. Elle ne lui fut
donc point favorable. I l appella au Parlement
de fa déeifion. On a écrit d’une
part que cette Gour le- condamna,- Sc on
lit ailleurs qu’elle lui donna gain de caufe,
C e qu’il y a. de certain , c’eft qu’il continua
de mêler fes leçons de Philofophie Sc
d’Eloquence.
Toutes ces altercations, bien loin d’af-
foiblir les fentimens d’eftime que le Cardinal
de Lorraine avoit pour lui-, ne fai-
foient que le s ’ fortifier. Une occafion fe
préfenta où il put lui en donner une preuve
réelle il la fai-fit avec empreffement.
Les Chaires d’Èloquence Sc de Philofophie
au College R oy al étant devenues vacantes
en i y y i , le Cardinal les lui procura.
Le jour de fon inftallation, le nouveau
(t&PxtrHs Gallandius in vit À Petri - ÇafldUnu