S P I N O S A. P
en change l’oseonomie, & il y imprime les
veftiges de ce qu’il eit. Pour que le corps
humain fe confcrve , il faut qu il foit-re-
nouvelle pat plufieuTS corps étrangers .
mais le corps humain a toujours la puilfaiice
de mouvoir & de difpofer les corps
étrangers en "plusieurs maniérés.
De ces principes il fuit que l ’efprit humain
a d’autant plus de facultés, que le
corps de l’hommepeut recevoir différentes'modifications';
ou ce qui pourroit tien
revenir au même, qu’il a plus de fenfa-
tions. Ce font ces modifications qui «forment
toutesfes idées. Par exemple, fi le
corps eft-affeCté de telle forte, ou modifié
par l’impreffion immédiate de quelque
corps étranger, ou que ce corps étranger
s’incorpore en lui ; alors l’efprit à I idée
de ce corps comme s’il lui etbit préfent,
jufqu’à ce que cette imprefiron ou cette
incorporation n’ayent plus lieu , ou que
le corps reçoive une autre modification.
Lorfque plufieurs corps afferent à la
fois le corps de l’homme, ou s’y incorporent
en même temps , ils forment une nou-
velle idée & en rappellent d’autres.L’eiprit
acquiert alors & fè reffouvient de ce qu’il
avoit déjà acquis ; car la mémoire n’eft
qu’un certain enchaînement d’idées qui
ont pour objet la nature des chofes qui
font hors le corps humain, & qui font rangées
dans l’efprit fuivant l’ordre & les affections
dé l’homme.
Cela étant, l’efprit humain ne peut pas
connoître fon propre corps, & il ne fait
qu’il exifte que par les i'dées que donnent
les modifications différentes dont ce même
corps eft fufceptible. D’où il réfulte qu’un
homme a d’autant plus d’éfprit, que fon
corps a plus de rapport avec les corps
étrangers ; parce qu’il eft fufceptible d’un
plus grand nombre de modifications , &
qu’il a conféquemment plus d’idées.
Cependant l’efprit n’apperçoit pas feulement
ces modifications ou affeCtions :
il voit encore les idées -de ces mêmes
affeCtions ; & il fe connoît lui - même
par ces mêmes idées. Toutes ces idées
font vraies loriqu’elles fe rapportent à
Dieu , & alors elles font parfaites. Au
contraire elles font fauffeslorfqu’elles font
confufes & imparfaites. Les conféquences
qu’on tire de-là font :
i Q. Que toutes nos forces font en Dieu ;
que nous tenons à fa nature , &que nous
femmes d'autant plus parfaits, que nous
avons une connoilfance plus diftinCte de
l’Etre fuprême.
2°. Que toutes chofes émanant de Dieu
& de fon efience, nous devons nous fou-
-mettre à tout ee qui arrive, parce que tous
les événemens font néceflàires & déterminés.
3°. Que nous ne fommes pas libres ;
que nous fommes déterminés par les fen-
fations ou modifications qui forment les
idées, & que ces idées déterminent la
volonté.
Ces principes font développés dans les
fEuvres pofthumesde Spinosa, fous le
titre à ’ E t h i c e , ou Philofophie morale,
laquelle eft divifëe en cinq parties.Dansla
première, il eft queftion de Dieu; dans la
fécondé, de l’origine & de la nature de
l’efprit ; dans la troifiéme, de l’origine &
de la nature des affeCtions ; dans la quatrième
, de la force des affeCtions ; & dans la
cinquième, de la liberté humaine. Le titre
de ces OEuvres pofthumes eft : B . D .S .
O p e r a p o ß h u m a , q u o rum fé r ié s p o f l p ræ fa t 'o -
n em e x h ib e tu r , 1677. On ne lit ici que les
premières lettres du nom de S P1N o-s A ;
parce que ce Philofophe avoit exigé avant
de mourir qu’on ne le nommât point a
la tête de fon E th i c e , parce qu’il ne vou-
loit point, difoit - i l , qu’on donnât fon
nom à fon fyftême.