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eft permis de fe fervtr de la force , quand
on tranfgreflê la loi ; ou fi la guerre peut
être une aétion jufte ou irijufte, foit de
particulier à particulier , foit de fociété à
fociété. Dans une fociété policée , la
guerre particulière eft une chofe défendue,
parce que dans cette fociété,il y a des
perfonnes prépofées pour pefer les raifons
des contendans,& pour leur rendre juftice.
L a force ou la violence peut cependant
être permife dans certaines occafions,
fans avoir recours à la police : c’eft lorf-
qu’on eft expofé à perdre fa vie , fon
honneur ou fes biens , fans qu on puifie
avoir ni fecours ni reffpurce, comme fi
l ’on eft attaqué par des voleurs dans on
bois ou dans un chemin, 8cc. Dans tout
autre ca s , il faut porter plainte aux Juges
, & fe foumettre à leur jugement,
puUqu’un particulier ne peut être citoyen,
qu’en promettant d’obferver les loix établies
dans la fociété, dont il eft membre.
C e droit que chaque particulier a de
conferver fa vie , fon honneur ou fes
biens par la force , eft un droit naturel.
C ar le droit naturel eft ce témoignage de
la raifon , qui nous fait connoitre que
telle aâion eft conforme ou contraire à
la nature. Or la nature nous oblige de
veiller à notre confervation. I l eft vrai
que l’honneur , fi l’on excepte^ celui qui
concerne le beau fexe , qui doit lui etre
auffi précieux que la vie même, n’a aucun
rapport avec notre confervation. Ce n’eft
ici qu’une opinion fondée fur la confidé-
r&tion des hommes , & qui nous ménage
par-là des fecours dans le befoin. Cela
eft encore fort éloigné de la confervation
proprement dite. Encore faut - il bien
prendre garde de ne pas abufer de ce mot.
C e n’eft pas un deshonneur , par exemple
, de fouffrir une injure , ni de recevoir
im affront. L ’honneur étant un fentiment
de grandeur d’ame, celui qui fe met an-
deflus d’ une injure ou d’un affront , eft
bien plus grand que celui qui le repou fie.
T ou t ceci , quoique généralement vrai,
peut fouffrir des exceptions. I l eft certains
affronts qu'on ne pourroit endurer
fans être (axé de lâcheté, & par confèr
e n t fans fe déshonorer* T els font ceux
T 1 U S.
où la vertu & la probité feroîent com-
promifes. A u refte , pour ufer de ce droit
de repoufler la force par la force , il faut
être moralement certain qu’il n’y a pas
d’autre moyen de fauver notre. vie ou
d’éviter le dommage qu’on veut nous
caufer.
I l y a encore une autre guerre de particulier
à particulier, & qui fe pafie dans-
l’intérieur de la fociété. C ’eft celle qu’on
appelle Guerre civile. Elle naît ou de 1 infraction
aux loix de la part de ceux qui
gouvernent, ou du défaut de fubordina-
tiôn de la part de ceux qui font gouvernés.
Cette guerre peut être légitime par
quatre raifons.
1 . L a fociété a droit de ne point fuivre
les loix , lorfque celui qui tient les renes
du gouvernement, jouit fans aucun titre ÿ
qu’il a ufurpé le trône, 8c qu’il s’y maintient
par la violence.
2. Si un Souverain abîme fon R oyaume
, ou qu’il fe laiffe gouverner par un
autre.
3. Si le Souverain de propos délibéré
répand la défolation parmi le peuple.
4. Si le Souverain ne régit qu’une
partie du Royaume, & que le peuple ou
le Sénat gouverne l’autre: parce q u il
n’eft Souverain , que quand il poffede le
Royaume en entier, & que cette divifion
défun'it effectivement la fociété.
A l’égard des guerres publiques ou de
fociété, elles font juftes dans ces trois
cas. Premièrement lorfqu’il s’agit de fe
défendre ; en fécond lieu de conferver fes
biens, & enfin d’avoir raifon d’une injure.
D ’où l’on tire cette maxime : Toutes cho-
fes font permifes lors de fa propre de-
fenfe, de la confervation de fes biens 8c
de la vengeance d’une injure. Omnia qutz
defendi, repetique ulcici fas fit. _
L a premier« caufe d’une guerre jufte
eft donc un attentat, foit a la v ie , foit
aux biens , foit à la liberté, parce que
la vie fans liberté eft une mort civile. H
eft donc permis de repouffer par la force
celui ou ceu-x qui ont un pareil attentat
en vue. Mais il eft défendu par la loi naturelle
, d’employer d’autre moyen que
celui des armes. On ne doit point fe fervir
de
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3e poîfoii de quelque maniéré & fous
quelque prétexte que ce foit. C ’eft encore
tranfgrefler cette loi , que de s’en
prendre aux femmes & aux enfans }8c de
les maffacrer impitoyablement. On commet
auffi un a&e de cruauté en tuant
ceux qu’on a fait prifonniers. Car quoi-
que.la guerre foit le droitde tuer les hommes
fans crime, ce droit né peut s’étendre
fur des innocens ou fur des perfonnes
fans défenfe. Quant aux biens des vaincus
, il eft permis aux vainqueurs de s’en
emparer. En effet , puifque la guerre
donne le droit de tuer des nommes, elle
permet à plus forte raifon le .pouvoir
qu’on a de les dépouiller- C ’eft une remarque
de Cicer-on , qui eft fort jufte.
|Cette permiffion s’étend fur toutes fortes
de meubles ou d’effets>N& même fur les
choies facrées ; parce que ces chofes-là
font toujours deftinées au i ufages des
hommes, & qu’elles ne font facréesque
par rapport à l’emploi qu’on en fait. Cette
licence s’étend même aux endroits religieux
, comme les E glife s , les T emples,
les Sépultures, &c. de forte qu’on peut
s’emparer des richeffes qui s’y .rencontrent
, fans troubler cependant la cendre
des morts. { Sepulcra hofiium rdigiofa no-
bis non fiunt , ideoque lapides inde fublatos
in quemlibet ufum convertere pojfiumus. )
Ajoutons à ceci que dans tous ces actes
, il eft permis de fe fervir de la rufe
pour dépouiller l’ennemi. Mais on doit
auffi obferver religieufement ce qui fuit.
I. Ménagez les perfonnes qui-fe trouvent
malheureufement confondues avec
les ennemis , fans avoir rien à démêler
avec le vainqueur.
I I . Prenez garde qu’on ne faffe aucun
mal à ceux qui n’ont aucune par|^i la
guerre préfente.
I I I . Ne maltraitez point ni les vieillards,
ni les enfans , ni les femmes des
vaincus , à moins qu’ils ne fe foient mal
comportés.
IV . A y e z des égards pour les Savans
8c les Gens de Lettres.
(<*) Sapieatts. dit Sailtiftc # pacit cttu.fr hcl'.nm gcrerc.
£î Saint Auguftin nous apprend : Ne» pw,n qturi ut
T I U S. >41:
V . N ’inquiétez pas les Laboureur* ou
Payfans , de même que les Marchands ,
Négocians, &c.
V I . Ne touchez point aux prifonniers*
V I I . R ecevez ceux qui fe rendent fous
des conditions équitables.
V I I I . Pardonnez à ceux qui fe font
rendus à difcrétion.
IX . Faites grâce à ceux qui ont commis
quelques fautes, lorfqu’ils font en
trop grand nombre.
X. Confervez avec foin les otages , à
moins qu’ils n’ayent manqué à leur parole.
X I . Abftenez-vous de tout combat
inutile.
X I I . Empêchez le pillage , lorfque les
effets font hors de la puiffance des ennemis
, & ’ qu’ ils peuvent être utiles.
X I I L Faites rendre aux vaincus les
chofès qui n’auront pas été prifès par la
voie ordinaire des armes, mais volées par
des brigands.
X IV . Traitez les prifonniers de guerre
avec clémence, 8c ne leur impofez point
des charges ou des travaux confîdérables.
Vo ilà pour les vainqueurs. Quant aux
vaincus , il faut qu’ils fe foumettent avec
leurs femmes & leurs enfans à la difcré-
tioa de ceux qui les ont fubjugués.
Pendant que les Pui fiances belligérantes
fe comportent ainfî, les Nations
qui font en paix , doivent s’employer à
leur faire mettre bas les armes. A cette
fin , il faut qn’elles rompent avec celles
qui favorifent le parti qui fbutient injustement
la guerre, 8c qu’elles fe portent
pour médiatrices des différends qui lui
ont donné lieu. De leur c ô té , les Puiffances
qui font en guerre, font obligées
par le droit naturel, d’écouter favorablement
les propofitions qu’on leur fait* de
fe fouvenir qu’elles ne fe battent que
pour avoir la paix, (æ) & de faifîr avec
empreflementj’occafion de faire la paix,
même avec quelque préjudice. Car la
paix eft utile aux vainqueurs 8c aux vaincus.
A u x vainqueurs , parce qu’il y a
hélium exerfcuiur , f e i hélium geri , ut p*x acquiratur.
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