frirent à Ton efprit avec toutes fes douceurs
, & il ne put réfifter à un attrait lî
flatteur.
I l fe retira donc en Ton particulier ;
réfolu déformais de s’occuper à lire & à
écrire , c’eft-à-dire ., de n’avoir d’autre
commerce qu’avec les morts. L e premier
fruit de fon trav a il, fut un Traité de la
priere publique , qui parut en 1 7 °7 *
la Broue, Evêque de Mirepoix , l’approuva
» comme très-utile pour entre-
» tenir dans le coeur des Prêtres de la
» nouvelle lo i , le feu facré que J. C .
» l’Evêque univerfel de nos âmes , eft
» venu allumer fur la terre , & c. » Et le
favant Evêque de S. Pons, M. Perjin de
Montgaillard, en fit compliment à l’A u teur
par une lettre pleine d’éloges. Notre
Philofophe le remercia par une belle ré-
ponfe auflï polie que modefte. Le rang
que vous tenez dans VEglife , d it - il, l'e-
xaEte connoifiance que vous avez de fa doctrine
& • de fon efprit, & Vexpérience que
vous avez par vous-même de ce qui peut
édifier nourrir la piété , mettent votre
témoignage au-dejfus de beaucoup d'autres,
qui ne réunifient pas comme vous Vautorité
, le favoir la vertu. J'efpere que vos
prières empêcheront qu'une approbation Jî
glorieufe ne m’enfle le coeur , Gr que vous
demanderez à Dieu qu'il augmente la per-
fuafion où je fuis• , que perfonne n'étoit
plus indigne que moi d’écrire fur des matières
JîJ’aintes. (a)
Malgré les approbations & les éloges
que les perfonnes les plus éclairées donnèrent
au Traité de la priere publique, ce
Traité efluya deux critiques , ou pour
mieux dire , ces éloges & ces approbations
fufciterent ces critiques ; car rien
n’éveille tant l’envie que les louanges.
L a première , qui eft du fameux Dom
Lami de la Congrégation de S. Maur,
eft intitulée : Réflexions fur le Traité de
la priere publique. Et tel eft le titre de la
fécondé , attribuée à M. Papin, Prêtre
de l’Eglife-Anglicane : Sentimens critiques
d'un Chanoine fur -divers Traités de
(*) Tom>. VIII. du ReccBili.de fes Lettres.,.
Morale, à l'Auteur de la Priere, publique
C e font deux brochures, dans l’une desquelles
( c’eft celle de Dom Lami ) il y,
a du mal entendu, comme D u g u e T
le fit voir dans une courte réponfe qu’il y
oppofa. Quant à la fécondé, elle eft moins
une critique qu’une fatire violente.
Notre Philofophe compofa encore dan£
fa retraite un Traité fur les devoirs d’un
Evêque. Quelques amis en virent le ma-
nufcrit, & le firent imprimer à Caen en
1 7 10 , fans l’aveu de l’Auteur. I l fit
après cela un Traité des Jcrupules, de leurs
caufes , de leurs efpeces , de leurs fuites
dangereufes , de leurs remedes généraux G?
particuliers , pour Dom D a u x i, Prieur
d’une Maifon de Bénédictins. C ’eft une
réponfe à une Confultation de ce Religieux.
I l paroît qu’elle fut finie en 1 7 1 3 *
mais elle ne v it le jour qu’en 1 7 1 7 .
Tous ces Ouvrages acquirent à leur
Auteur une réputation brillante. Elle
parvint au Pere Tellier , Confefleur du
Roi. C e Jéfuite cherchoit alors un bon
Ecrivain , qui fût en état de répondre à
une Differtation théologique, imprimée
en 1 7 1 4 fous ce titre : Témoignage de la
vérité dans l'Eglife, où Von examine quel
ejl ce témoignage tant en général qu'en par*
ticulier au regard de la derniere Corijlitu-r
tion , &c. La. connoiffance qu’il fit de
notre Philofophe termina fes recherches.
I l comprit qu’il ne pouvoit y avoir per--
fonne plus capable que lui de réfuter cette
DiflTertation. I l voulut l ’engager à en~
treprendre ce travail : mais D u g u e T
ne crut pas devoir entrer dans cettexon—
troverfe. Pour fe fouftraire aux follicita-
tiens du Pere Tellier, il fe retira dans le
Piémont chez: l’Abbé de l’Abbaye de
Tamied , qui'étoit fon ami. I l y arriva
dans le temps que le Duc de Savoie pro-
jettoit avec cet Abbé un Ouvrage pour,
l ’éducation du Prince fon fils s deftiné par
fes alliés-à monter fur le trône d’Efpagne >.
& que celui-ci étoit occupé à découvrira
quelque habile homme pour l’exécuter
l’arrivée de D u g u e t le tira d’embarras«.
Comme il connoiftoit l’étendue de fes
lumières , il ne balança plus fur le choix
qu’il devoit faire. I l en parla au Duc de
Savoie. C e Prince voulut voir D u g u e t ÿ
& les converfations qu’il eut avec lui ,
répondirent à la haute idée qu’on lui avoit
donnée de fon mérite. Notre Philofophe
commença à travailler dans l’Abbaye
même , où il jouifloit d’un grand loifir &
de beaucoup de tranquillité. De retour a
Paris en 1715*, il acheva les deux premières
parties de fon Ouvrage, les fit
tranferire & les envoya au Duc de Savoie.
I l compofa les deux autres parties
à Paris 5 mais on ignore en quel temps
elles furent achevées : car d’autres occupations
interrompirent fon travail. L a
ledure qu’il fit du fyftême de M. Nicole
fur la grâce générale l’affeéta fi fo r t , qu’il
ne put réfifter au défir d’écrire fur cette
matière. Ce fyftême lui parut fe rapprocher
un peu trop de la plupart des Tho-
miftes modernes. I l voulut lè faire voir au
Public. A cette fin il compofa une Réfutation
du JyJlême de M. Nicole touchant
la grâce univerfelle, qui fut imprimée en
1 7 1 6 ; mais fur une copie fi défeâueufe,
que l’Auteur n’y reconnut pas fon propre
Ouvrage.
D u g u e t publia dans le même
temps des Réglés pour l'intelligence de l'Ecriture
Sainte. C e livre efiuya plufieurs
critiques. M. Fourmont , de l’Académie
Royale des Infcriptions & Belles - Le ttres
J^fiit le premier agreffeur. Sa cen-
fure eft intitulée : Monaach , Ceinture de
douleur , ou Réfutation du livre intitulé :
Réglés, &c. On ne fit aucune réponfe à
cette cenfure ; & les adverfaires de notre
Philofophe qui en furent peu contens.,
fongerent à attaquer le livre des Réglés
avec plus de fuccès. Les approbations &
les-éloges qu’on donna à cet Ouvrage ralentirent,
leur travail. Ils attendirent un
temps plus calme pour diftiller. leur fiel.
D ix ans s’écouler-ent fans qu’ils ofafient
fe montrer. Mais enfin en 1 7 2 7 , un anonyme
publia une critique févere , fous le -
titre de Réfutation des réglés pour VinteU
ligence des Saintes Ecritures, dans laquelle
il . prétend prouver que les principes de.
les réglés de celui qu’il attaque font faux,
défendre le fens littéral de l ’hiftpire &
des prophéties de l’Ancien Teftament,
contre les atteintes qu’il foutient que fon
ad ver faire lui donne perpétuellement, &
établir des principes fixes contre ce qu’il
appelle l’abus & l’excès des allégories.
D u GUE T , naturellement ennemi de
toute conteftation, & qui d’ailleurs n’é -
toit pas dans une fituation convenable
pour fe défendre , ne répondit point.
Seulement il confentit qu’un habile
Théologien de fes amis le juftifiât. C e
Théologien publia donc dans la même
année 1 7 2 7 , un Ecrit intitulé : Lettre-
d'un Prieur à un de fes amis, au fujet delà
nouvelle Réfutation du livre des Réglés
&c. Peu de temps après , il joignit à cet
Ecrit une expofition des principes pou£‘
l’intelligence des Ecritures, tirés des O uvrages
de MM. Arnaud & Nicole , afin-
de faire voir que ces deux Savans rai*
fonnoient très-différemment que l’A u teur
anonyme de la Réfutation. Celui-
ci oppofa à cette réponfe prefque dans;
le même temps, un nouvel Ouvrage encore
plusegros que le premier , intitulé :.
Traité du fens littéral & du fens myjtique
des Saintes Ecritures, félon la doElrine des
Peres. Son but eft de faire, voir l’oppo-
fition chimérique du fyftême de ceux'
qu’il appelle Figuriftes modernes , aux
principes de l ’antiquité fur l’explication
des Ecritures-, & de montrer que ce fyftême
eft conforme avec- celui qu’il attribue
à Origenes, & qu?il prétend avoir été
condamné par les Peres.
Les ennemis de D u g u e t applaudirent
à. cet O uv rage, & décernèrent le
triomphe à l’anonyme. Cet Auteur enle-
voit au Prieur, félon eux , l’argument dé-
cifif que lui fourniftbit la conformité de
fes principes avec ceux des Peres. Celui-ci
fe hâta de leur montrer que leur viétoire
n’étoit r-ien moins qu’affurée. I l publia en
1 7 2 9 quatre nouvelles lettres , où il
prouve que les efforts des adverfaires du
livre des Réglés , fe tournent à l ’avantage
même de ce livre., &.que dans tout
ce qu’on . objefte à fon Auteur . il n’ÿ a
rien ou.qui nefoit formellement défavoué