, j o G R O
» gens de bien l ’admirent >. <3c le Roi fur-
» tout, (a) «
A Ton retour d’A nglete rre, Grotius
en entrant aux Etats , fut oblige de difcu-
ter & de décider une queftion touchant
les Armateurs, auffi délicate qu’imporr
tante , laquelle l’occupa beaucoup.^ A
cette affaire d’autres embarras, fiiccede-
rent. I l fut. encore obligé de faire des
.voyages preJque continuels ; & il fe vit
ainfi privé du doux plaifir de cultiver les
Lettres & la Philofophie. Cependant M.
du Maurier, Ambafïadeur de France en
.Hollande , fou ami particulier , l ’ayant
: prié de le guider dans le projetqu’il avoit
: formé de s’inftruire , - G R o T i u s com-
Lpofa une méthode d’étudier , ou il indi-
. que l’ordre qu’on doit Cuivre & les livres
qu’il faut confulter. C e h’étoit qu’une
lettre ; mais la matière :y ét.oit fi bien
;traitée, que M. du Maurier n’e.n put re-
fufer des copies , qu’onlubdemandoit de
|toutes parts..Elle parvint par ce moyen
entre les mains, des fameux Elçevirs , qui
la publièrent dans un .Recueil 4e diverfes
méthodes pour étudier, intitulé : De ornni
genere Jïudiorum .reëlè inftituendo. Malgré
cet empreffement, il ne faudroit pas juger
à la rigueur cette compofition. .Elle , a
pû être. eftimée dans fon temps : mais il
a paru depuis de fi bons Ouvrages fur les
études, qu’on .peut la regarder comme
non avenue.
A u milieu.de toutes les affaires& les
.embarras multipliés que la place de Grand
Penfionnaire de Roterdam donnoit a
G R o t .i u s , il menoit une vie allez
tranquille 5 parce que les difcuffions des
.biens temporels fe terminent toujours fans
emportement &fans violence. I l n’en eft
pas ainfi des ehofesqui regardent la.Religion.
Lorfque la fpperfîition & le fa-
■ natifme en conduifent l’intrigue, on n’é-
.coûte ni les raifons ni les fentiraens-d’hu-
.manité. Le tonnerre gronde fans ceffe,
'& la fondre tombe toujours fur quel-
T 1 U s.
. qu’un. C ’eft ce qu’éprouva-ttialheureufe-
j ment notre Philofophe. Deux Théologiens
fougueux fufciterent en 1608 une
guerre de Religion , qui mit la République
à deux. doigts de fa perte. L ’un ,
nommé Arminius, Profeffeur dans l’U -
niverfité de L e y d e , .s’éloignant des fen-
timens rigides de Calvin, foutint publiquement
des propofitions qui fouleverent
tous les Calviniftes, & fur-tout celle-ci :
.Dieu n’a prédeftiné ou réprouvé que ceux
qu’il a prévu devoir être dociles ou rebelles
à la grâce qui le.ur feroit offerte^
.L’autre Théologien , Profeffeur dans .la
même .Univerfité y (.Gomar) s’éleva vi-
.vement contre cette doétrine. I l foutint
que Dieu avoir prédeftiné les âmes par
fin décret éternel & irrévocable-; les .unes
à la vie éternelle ; les autres à la mort
éternelle , fans avoir égard à leurs actions,
(b) La difpute s’échauffa ; & il fe
forma tout-à-co.up deux partis puiffans,
qui ménacerent les Magiftrats d’em venir
à des voies de fa i t , s’ils n’employoient
pas leur autorité , non pour les accorder
& les faire vivre enrpaix & en bonne intelligence,
mais pour, exterminer abfolu-
ment l’un d’eux. Les Etats. de Hollande
& de Weftfrife furent;donc obligés de
prendre, connoiffance de cette difpute. L e
Grand Penfionnaire.de Hollande, M .
de Barnevelt, après avoir écouté avec attention
l’expplition de ce différend , dit
qu’il remercioi-t Dieu de ce • qu’il n’étoit
pas queftion des points fondamentaux de
la Religion. C e difcours indigna Gomar,
qui ne vouloit point me nager Arminius $
Sc il jura dès-lors la perte.de ce grand
Miniftre. G r o t r u s entra.-malheureu-
fementdans cette controvçrfe. I l parut
favorifer Arminius , dont.ilfit l’éloge en
vers lorfqu’il mourut-(.en 1 <509. ) I l fut
ainfi enveloppé dans le projet de vengeance
de l’implacable adverfaire du défunt.
Cette affaire eut des fuites ; & on
ne.lit-point fans une extrême furprife,
fh) Scito ivitttr,me valere & to qnod confuetudine ma-
ximi viri Hugoiiis G R O T l‘ l , intcrdum frtiar, feliçj-
. ratent rrneam Jati's fradicare non pojfe. O vinim admirx-
iiltm ! .Equidem J i iv i bot etiam fo i prajlanti^»
divins illius, &c. Cafaub. Epift.-8S i , pag. 5 ij -
(t) Voyez la Vie d’Epifcopius par Limborc , 1‘Hifioire
des Variations par M.Boffuet, & le J)iilionnairc
articles Arminius ôc GomAntf.
g r o T r u s:
dan# f fliflo ir e de la Hollande , tous les
mouvennens qu’elle excita dans cette République.
L a licence de la part des con-
tendans étoit te lle , qu’ils né refpeétoient
plus les Etats, dès qu’ils ne lesfavorifoient
point. C ’étoient M . de Barnevelt & G r o-
T-i U s qui en avôient alors la direétio'B.
Notre Philofophe fut chargé par eux de
travailler à un Edit capable de rétablir la
paix. I l ‘exéëuta leurs ordres , & ils approuvèrent
ce qii’il avoit fait. Cet Edit
pfefcrivoit la fage loi du filence fur toutes
ces matières & défendoit en même
temps j qu’on inquiétât ceux qui pouvaient
avoir des fentimenspartieuHersfur
la prédefiination. Ni Armimus ni Gomar
VsJ étoient nommés. I l ne s’agiffoit que
d’union , de concorde & de tolérance. C e
parti doux & raifonnable ne plut point à
ce dernier Profeffeur, qui vouloit détruire
abfolument tous les Arminiens. Les G o -
mariftes fe fouleverent contre les Etats.
Ils mirent dans leurs intérêts le. Prince
Maurice de NaJJau, Sc lui firent entendre
que tout- ce que les Etats faifoient fans
fon confentement, étoit attentatoire à fes
dignités de Gouverneur-& dé Capitaine
général. Maurice fe laiffa d’autant pl.us-
aifénïent perfuâder, qti’il haïffoit mortellement
le Grand Penfionnaire. I l prit les
armes & alluma le flambeau d’unë guerre
civile. Ses troupes furent viéborieufes. I l
fit juger M. de Barnevelt G r o t i u s
par des gens qui lui étoient dévoués. L e
premiér eut la tête tranchée. Inutilement
le Roi de France s’intéreffa en faveur de •
M. de Barnevelt : on fut four-d à fa- re--
commandation. L a fuperftition jouoit fon
rôle fans yeux & fans oreilles. Ce grand
Miniftre fut exécuté le 13 Mai 1 6 1 p .
Après ce jugement- ', on travailla au !
procès de G r o t i u s , qui étoit détenu
dans les prifons de la Haye & traité très-;
durement. Sa femme demanda en vain la
permiflîon de refier avec fon mari jufqu’à
la-fin du procès ; de4e: voir dû moins
lorfqu’il fut malade ;, enfin de ne lui parler ’
même que devant fes gardes. Tout cela
lui - fut inhumainement refufé. Dans le
premier interrogatoire qu’on fît fubir à
Pilluftre pçifonnier ,■ il répQndit qu’il étoit •:
Hollandois , Miniftre d’unè V ille de
Hollande ; qu’il avoit été arrêté fur les
terres de Hollande ; qu’il ne connoiffoit
pour Juges que les Hollandois , & qu’il
étoit prêt néanmoins à juftifiér ce qu’il
avoit fait devant qui qùece-fût. A cette
réponfe, il joignit plufieurs raifons vic-
torieufes, tant fur l’invalidité de fes Juges
, que fur l’intégrité de fa conduite.
Ses difcours blanchirent devant des per-
fonnes gagnées pour le perdre. Elles pro-'
noncerent le 18 Mai i é i p fon jugement
, portant que pour réparation de9
crimes, dont on le fuppofoit convaincu,
il feroit enfermé à perpétuité dans un lieu
qui feroit défigné par les Etats Généraux
,& que fes biens feroient confifqués*
Ces crimes fuppôfés étoiefit qu’il avoit
voulu détruire la Religion; opprimer &
affliger l’Eglife deDieu;& que pour y parvenir
, il avoit avancé contre la Republié
que des chofes énormes & pérnieieufes.
G r o t 1 u ;s a démontré dans fon A p ologie
, la ■ fauffeté dé ces imputations.
Mais à la feule inlpeélion de la Sentence ,
les perfonnes inftruites reconnurent que
les Juges favôient fi peu les loix , qu’ils
avôient décerné des' peines, qüi né font
établies que contre ceux qui font convaincus
de crime de Leze-Majefté, 6c
qu’ils avôient omis dans le jugement de
G r o T 1 u s , de le charger de cè crime.
On leur fit fentir l’irrégularité de leur
procédure : ils la comprirent. Pour réparer
cette bévüe , un an après la fin du
procès 3 ils déclarèrent que leur intention
avôit été de condamner G r o t i u s
& fes complices en qualité de criminels
de Leze-Majefté autre faute d’autant
plus ca'ra&érifée , que fuivànt les loix ,
les Juges délégués ne peuvent rien ajouter
à leur Sentence' , lorfqü’elle a été
rendue.
Cependant les biens dé G r o t i u s
furent confifqués ; & on le conduifit le 6
Juin 16 1p .d an s la fortereffe dé Lou-
veftèin , fituée près "da -Gorcum , à la
pointe de l’ifle que font leV a h a l ÔC: la
Meufe. On lui affigna vingt-quatre fols-9
par jpür pour fa nourriture ; mais Madame
Grotius‘ déclara qujelle avôit affez--