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une lutte d’Etres fucceffifs, c’eft comme
s’il ceü'oit d’exifter ; & par conféquent
les Etres permanens ne font comptés pour
rien dans une fuite d’Etres fucceffifs, s’ils
ne font des caufes. L ’enchaînement de
ces Etres- confifte dans la dépendance du
eaufè & de la caufe, & dans la dépendance
de la fin & du moyen, & tout ensemble
dans la dépendance de la caufe
efficiente de la fin.
La fuite des-Etres finis , Toit fimul-
tanés ou co-exiftans -, foit fucceffifs &
enchaînés les uns aux autres , c’eft le
monde ou Y univers. Ces Etres font enchaînés
l’un à l’autre & par rapport à l’efpace,
& par rapport au temps ; par rapport
à Tefpace , puifque les Etres co-exiftahs
y font placés de manière que L’un
renferme la co-exiftence de l ’autre , ce
qui produit de l ’ordre dans la manière
de leur arrangement, & Ÿefpace n’eft que
l ’ordre de l’arrangement des Etres ; par
rapport au temps, puifque leschofess’y
lùivent, de façon que celui qui précède
contient la r'aifon de la- fuceeffion de
l ’autre : ce qui produit de la conformité
dans la manière de leur fueceffion, 8c
s’accorde avec la définition du temps,
qui eft l’ordre des Etres-fucceffifs dar.s
une fuite continuelle. D ’ou il fuit que
dans le monde toutes les chofes-qui le
compofent y dépendent les- unes des autres
, quant à leur exiftence;
L ’efTence du monde confift'e-donc dans
la manière dont les chdfes qui exiftent
actuellement , font enchaînées l’une
à l’autre.- L e monde eft un tout dont
les Etres particuliers qui y exiftent ou
enfemble ou fucceffivement, font les par-
ties. Il y a dansle monde quantité d’Etres
diftinéts les uns des autres , 8c qui réunis
enfemble font un feul Etre. Sa totalité
embraffe les chofes préfentes , paftees &
futures. C ’eft une machine, puifque c’eft
un Etre compofé, & que fes mutations
ou changemens fe font convenablement
à-fa compofitionj &fuivant les loix du
mouvement. 11 y a dans cette machine
de l’ordre , puifque ce qui précédé eft
la caufe de ce qui fuit, 8c que les Etres
co-exiftans y font placés de manière que.
L F.
l’un peut être ou du moins paraître l'a
caufe de la naifiance- de l’autre. Cela fe
prouve par les raifonnemens tirés de la
Phyfique, qui enfeigne comment l’un eft
la caulè de l’autre, 8c par ceux que fournit
la Théologie , qui eft la fcience des
fins , en faifant voir comment l’ un
exifte par l’amour de l’autre. On trouve
encore dans le monde de la vérité , parce
que rien ne s’y fait fansraifon fuffifante,
8c que rien de contradictoire n’y a lieu*
Tout ce qui arrive dans le monde , n’y
arrive que par une néceffité hypothétique.
Cette néceffité ne détruit point la
contingence ; car les événemens du-mon-
de ne fontqu’hypothétiquement néceflai-
res : l’enchaînement des-Etres excluant
une néceffité abfolue -, puifque'cêt enchaînement
n’eft autre chofe que l’ordre :
de leur fituation 8c de leur fucceffion , 8c -
que cet ordre n’eft fondé que fur des ■
raifons fuffifantes..
Le monde eft compofé-de'corps. C ë
font des Etres compofés:, qui par confé-î
quent font étendus , doués de figure i
d’une grandeur déterminée , qui rem-
pliflent un efpace déterminé y 8c qui peuvent
fe former & fe détruire fans qu’aucune
de leurs» parties forte du néant, ou
foie anihilée. Leur grande propriété eft
de réfifter au mouvement. On nomme
force pajjive, le principe de cette réfif-
tance. Cette force n’eft point déterminée
par l’étendue , mais -elle eft fuppoféë
dans tout ee qui a de l’étendue , 8c elle
réfufte de la nature même des co-exifi-
tans dont lès-corps font compofés-/ Ainfi
tout corps, en-vertu de fa force paffi*
ve , réfifte à tout changement , puisqu'il
réfifte au mouvement, 8c que fans
mouvement il ne -fe fait aucun change- ■
ment dans les corps. Cependant il arrive
du changement dans les corps. I I
faut donc qu’ils ayent une autre propriété
qui opère ce changement , une
force aBive ou motrice qui foit le' principe
de ces ehangemens* Ces deux forces pro-
duifent tous les changemens qui arrivent
dans le monde.
L à puiffance aélive des corps réfultè
de leur elTence.-Les corps en vertu- ;de>
leur efTence ont de la dïfpofition a certaines
aérions, ou en font capables. C ’eft
dans cette dïfpofition que confifte la
fimple puifïance aétive. Elle eft le fondement
de la force aétive , qui fans elle
ne produirait aucune aftion 5 de meme
que la puiffance feroit fans effet, fi elle
n’étoit mife en oeuvre par la force aélive.
Comme les forces aétive 8c paffive opèrent
tous les changemens qui arrivent
dans les corps , il fuit que la nature n eft
autre chofe que la force aérivsdès corps
jointe à leur puiffance aérive & paffive, 8c
à la force d’inertie. Elle eft ainfi le principe
des aérions & des pallions dês'corps,
& en général le principe interne des actions
8c des pallions de l’Etre. •
La force motricé ou' aérive c-onfifte
dans un continuel effort de changer de
lieu. Or dans tout effort il y a de la célérité
8c de la direction : l’effort eft donc
déterminé dès qu’ on détermine 1er degré
de la célérité 8c la direérion. L a célérité
eft la borne de la force motrice ;
ôc comme elle n’ëft déterminée ni par
la matière ni pur l’effence des corps., la
fbree aélive des corps eft un fujet différent
de la matière ; 8c ce fujet étant modifié
par la célérité, eonïme la matière
l’eft parriafigure, il eft durable de-permanent.
Toute la matière eft donc dans un
mouvement continuel ; mais il n’y a rien
dans le mouvement que l’effort ; car le
mouvement eft un Etre fucceffif, 8c non
un Etre permanent comme l’effort..
Les corps étant des Etres compofés,
font des affemblages de fubftances Amples.
Ce font ces fubftances qui font les
élémens des corps. Tous les élémens
font diffemblables ; car s’il y avoit deux
élémens femblables , il n’y auroit rien
dans l’un qüi ne fe trouvât dans l’autre ;
8c ainfi l’un pourrait être fubftitué à
l’autre, fans nuire au compofé dans lequel
fe feroit la fubftitution ; mais alors il n’y
aurait point de raifons de ce changement
de lieu , ce qui ne peut être. De-îà il fuit
que les élémens peuvent être réunis y
puifque c’eft dans eux - mêmes que .fe
tæonve la,. raifon de la manière de leur
co-exiftence , 8c qu’étant tous diffem-
blables , on ne fauroit en détacher un
feul pour y en fubftîtuer un autre ,
fans troubler l’affemblage ou le corps
qu’ un certain nombre de ces élémens
forme actuellement. Cette union dépend
de l’effence & de la nature des élément,
c’e ft-à-d ire de leurs determinations in-
trinféques confiantes^ <3c de lar force aérir
v e dont ils font doués.
L ’afTemblage de toutes les forces motrices
qui fe trouvent dans tous les corps réunis
qui co-exiftent dans le monde, forment
ce qu’on appelle la nature. Toutes les
mutations dés corps, qui peuvent être
expliquées par la manière dont leurs
parties font jointes enfemble, par leurs
qualités & par les loix du mouvement,
font naturelles ou l’ouvrage de la nature.
Mais toute mutation des corps 5 qui ne
peut être expliquée ni par iû manière
dont leurs parties font jointes enfemble,
ni par leurs qualités, ni par les loix du
mouvement, eft un miracle. Il y a donc
un miracle , lorfque les caufes naturelles
qui déterminent l’aélualité de ce qui
n’étoit que poffible , n’exiftent point.1
G ’e f t -à -d ir e , que fi dans une fuite; de'
caufes naturelles, il ne s’en trouve aucune
qui puiffe produire dans certain"
temps 8c dans certain lieu certain effet,
cet effet-là furpaffe les forces de toute
la nature ; 8c dans ce cas il y ' a un mi-1
racle, car tout miracle furpalfeles forces’
de la nature. Lorfq-u’il fe fait quelque-
changement dans le monde par un miracle
; il n’arrive drautre mutation aux
ehofes co-exiftantes, & il ne s’introduit
d’autre diverfite dans la fuite future des
chofes , que ce qui en conféquence de ce
changement miraculeux doit arriver dans
tout le refte par la nature & par l’eftence
des corps. Mais fi l’on fuppofe qu’après
un miracle l’état fuivant du monde ne
fouffre aucune altération , il faut en ce
cas qu’un nouveau miracle rétablifte les-
effets qui auraient lien naturellement,
s’ils n’avoient été arrêtés par le premier
miracle. En un mot , le miracle reftem-'
ble au mouvement de l’aiguille d’une
montre., IL ne répugne point à la ftr-uc^