B A C O N . *
DA N s le temps que le premier Ref-
taurateur des Siences fecouoit le
joug de l’ignorance & du préjugé, il fe
formoit dans le monde un génie fublime,
qui donnoit des efpérances très-flatteufes,
& qui les réali fa par'fes fuccès. Non content
de blâmer la doélrine des écoles , il
ofa jetter les fondemens d’une nouvelle
Philofophie. Une imagination vive & une
fagacité admirable, lui dévoilèrent toutes
les connoiflances humaines. Il en fit l’ana-
ly fe , & aflïgna ce qu’il convenoit de faire
pour porter chacune d’elles à fon plus haut
degré de perfeftion. I l eut, fans contredit,
infiniment plus de vues que Ramus, mais
il fut auflï moins Philofophe que lui. A ux
qualités les plus éminentes, il joignit les
plus grandes foiblefles. Cet homme, qui
étoit né pour fervir de maître aux Grands
die la terre, par l’élévation de fon efprit ,
en devint, par un de ces fecrets impénétrables
de la Providence, l’efclave & pref-
que le valet. Ambitieux à l’excès des honneurs
de ce monde, il les rechercha avec
le plus grand emprefiement ; &puifque la
vérité de l ’hiftoire m’oblige de tout d ire ,
il fit, pour les obtenir, des balfelTes indignes
d’un homme libre. Si la nature de cet
Ouvrage pouvoit comporter^une exclamation,
je m’écrierois volontiers, à la vue
de ce mélange de biens & de maux : Grand
Dieu! n’avez-vous allié tant de foibleiïes
& tant de vertus, que pour humilier l ’ef-
pece humaine ; ou avez- vous voulu par-là
conloler cette quantité innombrable de
mortels, de la fupériorité qu’a fur eux le
fuccefleur de Ramus ! Mais le ftyle d’un
Hiftorien doit être fimple, & j’avoue que
c ’ell beaucoup pour moi que de le foutenir
dans cette compofition.
Mademoifelle Cooke, fille d’Antoine
Cooke, Précepteur d’Edouard V I , mariée
à Nicolas Bacon, Garde des Sceaux &
Grand Chancelier d’Angleterre, mit au
monde , à la maifon d’Y o r c k , dans le
Stran, le 22 Janvier 1 y 6 1, un fils qui fut
le dernier de fes enfans, & qu’on nomma
François B a c o n . L e nouveau né v it à peine
le jour, qu’il donna des marques d’une
grande adivité. Dès qu’il put parler, il fe
montra d’une maniéré très-agréable. L a
vivacité de fon efprit amufoit tous ceux
qui étoient auprès de lui. Son pere, qui
l ’aimoit tendrement, le menoit fouvent à
la Cour de la Reine Elifabeth. Cette Prin-
cefie prenoit plaifir à l’entendre parler, &
à lui faire des queftions. Ses réponfes toujours
fermes & judicieufes lui plaifoient
tellement, qu’elle l’appelloit fon petit
Garde des Sceaux. Un jour Elifabeth lui
demanda quel âge il avoit; & le jeune B a con
répondit fur le champ : Madame, je
fuis né deux ans avant le régné fortuné de Votre
Majefé.
L e Chancelier, qui étoit très-favant
& très-vertueux, crut devoir cultiver lui-
même cette jeune plante. I l le fit élever
chez lui julqu’à l’âge de douze ans. I l l’envoya
alors à l’Univerfité de Cambridge ,
au Collège de la Trinité. Bacon y fit des
progrès fi rapides, qu’il finit fes études
dans quatre ans. Mais ce qu’il y a de plus
furprenant, c’élî qu’il commença à entrevoir
dès-lors le peu d’utilité de la Philolb-
phie de l’Ecole, & la futilité de lès principes.
I l comprenoit déjà que les Sciences
Hijloire de ta Vie & des Ouvrages de FRANÇOIS.
Bacon , Grand Chancelier d’Angleterre } peinture exaSe,
qtioicju,'anticipée , de la conduite & du renverfement du dcx-
nier Minijlere, tradutfion del’Anglois : à la Haye , 1742.
11 ne faut pas confondre cet Ouvrage avec la Vie du
Chancelier François BACON , traduite de l’Anglois , qui a
etc' imprimée en 17 s s à la fuited’un Livre intitulé,
Analyfe de la Philofophie de Bacon. Cette Vie du Chance-
(ter n’eû point traduite de l’Anglois > niais bien capiée
prefque mot à mot de la traduction de Y Hijloire
de la Vie, &c. On a fupprime' feulement les citations,
pour dérouter fans doutele LeCleur, quoiqu’une Hif-
toire fans citations foit un édifice fans fondement.
Difcours fur la Vie de Bacon»
Letters and remains of the Lord Chancelier Bacon. Lond.
173-4 Jacohi Brukcrt Hijloria critica Philofophia , Tom.
IV. pars altera. Dictionnaire Hiflorique & Critique, de
M. ChauffepU, Alt. Bacon. Et fes Ouvrages.