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proportions entre le poids de l ’air & les
différentes élévations. Cela acheva de le
convaincre que l’air étoit pefant. I l dédui-
lît de cette découverte plufieurs vérités
très-belles & très-utiles, & en compofa
un grand T ra ité , ou il expliquoit à fond
toute cette matière, & ou il répondoit à
toutes les objections qu’on lui avoit faites.
C e t Ouvrage lui parut trop prolixe; ôc
comme il aimait la précifion Ôc la brièveté, il en forma deux petits Traités, qu’il intitula
; l’un , De l'équilibre des Liqueurs • -v
l ’autre, De la pefanteur de la majjè de l’Air.
Tous ces travaux procurèrent à Pascal
une réputation brillante. Les Phyfi-
ciens ôc les Géomètres s’empreflerent à
l’envi à le çonfulter, ôc à lui envoyer des
difficultés dont ils ne pouvoient pas trouver
la folution. En 1 o n lui propofa
ce Problème : » On demande en combien
9>de coups on peut entreprendre d’ame-
» ner fonnés avec deux dés»? Notre Philofophe
, à l’aide d’une nouvelle Arithmétique
qu’il inventa, donna aifément la folution
de ce Problème. Il trouva qu’il y a
de l’avantage à l’entreprendre en vingt-
cinq coups ; mais qu’il y a du défavantage
à l’entreprendre en vingt-quatre. Tous les
Géomètres approuvèrent cette folution.
Up bel efprit, nommé M, le Chevalier
de Merç, qui fe mêloit fort mal-à-propos
de Géométrie, ne la goûfa cependant pas.
I l donna- de fort mauvaifes raifons pour
foutenir fon fentiment, & défia P ascal
de réfoudre ces Problèmes. i 0* II manque
à deux joueurs un certain nombre de
points, on demande leurs forts. 2°. D é terminer
en combien de coups on peut
amener une certaine rafle. I l en ajouta encore
plufieurs autres de la même efpèçe,
à chacun defquels notre Philofophe donna
une folution. La clef dont il fe fervoit
pour ces folutions étoit la découverte d’un
triangle arithmétique , qui contenoit la
propriété des nombres figurés, ôc dont
il faifoit des applications aux règles des
parties & aux combinaifons. Auffi l’écrit
qu’il forma de tout cela , il l’intitula :
Traité du Triangle Arithmétique, avec quelques
autres petits Traités fur la même matière.
.On trouve dans çe petit livre des çjrpfes
CA l :
très-fines ôc trèsrfieuVêS en fait de calcul:
L ’Auteur s’y joue en quelque forte des
plus fortes difficultés fur cette matière. I l
y réfout de trois maniérés différentes le
Problème des partis entre deux joueurs ,
qui ont un nombre inégal de points. Il
commence par le cas où un des deux joueurs
joueroit pour un point, & l’autre pour
deux. I l détermine enfuite le cas où chacun
des joueurs joueroit pour deux points;
enfuite le cas où l’un joueroit pour trois
points, & l’autre pour deux ; ainfi de fuite:
de façon qu’il trouve qu’il revient à chacun
des joueurs la moitié de ce qui eft au
jeu. I l fe fert après cela des combinaifons
pour réfoudre ce même Problème , & il
en donne une troifiéme folution par fon
triangle arithmétique. Enfin il pouffe l’art
des combinaifons auffi loin qu’on pouvoit
le défirer.
Ses infirmités qui fe renouvellerent, in-*
terrompirent fps études. Elles fe déclare^
rept par un mal dç dents qui le priva abfo-
lument du fomme-il. Lorfque fon mal lui
donnait quelque relâche, il divertiffoit
fon ennui par des penfées géométriques.
Un Mathématicien habile ( M. de Carcavï)
ne ceffoit de lui demander la folution de
quelques Problèmes géométriques , »dont
il avoit parlé vaguement comme de cho-
fes très-faciles : c’étoit de. déterminer le
centre de gravité de la ligne courbe qu’on
appelle la Roulette ou la Cycloïde ; celui
de fes parties ; la dimenfion des furfa-
ces ôc» des folides ôc demi folides de cette
courbe, tant autour de la bafe qu’autour
de l’axe, Ôc le centre des gravités de ces
. corps. Tous ces Problèmes lui vinrent
dans l’efprit, & il s’en occupa pendant qu’il
ne dormoit pas. I l écrivoit les folutions à
mefure qu’il les trouvoit, ôc les envoyoit
à ^Imprimeur : ce qui lut le travail de huit
jours. Mais comme il commençoit à fe
dégoûter de l’étude des Sciençes , il ne
voulut pas' mettre fon nom à la tête de cet
Ouvrage. I l prit celui de A . Dettonville,
L e Livre parut donc fqus ce titre : Lettres
de A . Dettonville, contenant quelques-unes
de fes inventions géométriques : favoir, la résolution
de tous les Problèmes touchant la
KQulçtte, qu'il avoit propofés au mois de
. P A S
Juin 1 L'égalité entre tes lignes courbes
de toutes fortes de roulettes & des lignes elliptiques.
L'égalité entre les lignes fpirale parabolique
, démontrée à la maniéré des A n ciens.
La dimenfion d un folide formé par le
moyen d'une fpifale autour d'un cône. La dimenfion
le centre de gravité des triangles
cilindriques. La dimenfion U1 le croître de gravité
de l'efcalier. LIn Traité des 7 rilignes Gr
de leurs onglets. Un Traité des Sinus & des
Arcs de cercle. UnTraité des folides circulaires.
in-40. Ce fut ici fon dernier ouvrage fur
les Mathématiques. Ses infirmités continuant
toujours fans lui donner un feul
moment de relâche, le réduifirent à ne
pouvoir plus travailler, ôc à ne voir pref-
que perfonne.
Pour fe diffiper, il alloit fouvent à Port-
Royal des champs , où une de fes fceurs
étoit Religieuie. Il y voyoit le célébré
M. Arnaud 5c fes amis. On y parloit de
l ’affaire que ce Doéteur avoit à la Sorbonne
, qui travailioi t à la condamnation de fes
fentimens. M. Arnaud, preffé de fe défendre,
avoit fait un écrit qui ne fut pas goûté,
ÔC qu’i 1 ne trouvoit pasbon lui-même. Quelqu’un
de la compagnie où notre Philofophe
é to it, lui dit : » Mais vous qui êtes jeune,
» vous devriez faire quelque chofe * . P a s c
a l le prit au mot, ÔC compofa une lettre
qu’il lut à fes amis.qu’ils trouvèrent fi belle,
qu’ilslafirent imDrimer.il s’agiffoit d’expliquer
ce que c’eft que le pouvoir prochain, la
grâce fuflifante, & La grâce actuelle. P a s c a l
fit voir dans/Cette lettre, & dans deux qui
la fuivirent, qu’il ne s’agififoit point de la
foi dans là difpute de M. Arnaud avec la
Sorbonne, & qu’on n’avoit en vue.que
d’opprimer un Théologien pour des quef-
tions ridicules. II attaqua dans d’autres
lettres qu’on imprima à la fuite de celles-
ci , il attaqua, dis-je, ceux qu’il croyoit
être les auteurs de cette querelle ( les Jéfuites).,
St il employa la forme du dialogue.
Il fuppofe une perfonne peu inf-
truite, comme le font ordinairement les
gens du monde, qui demande des éclair—
ci fié me ns fiur les queftions dont il s’agiffoit,
à des Dofteurs qu’elle confulte en
leur propofant fps doutes, & elle réplique
à leurs réponfes avec tant de naïveté, de
C A L. lof
clarté ôc de juftefie, que l’objet eft mis dans
le plus grand jour. Il expofe enfuite toute
la Morale des Jéfuites dans quelques entretiens
entre lui & l’ un de leurs cafuiftes,
où il repréfente encore une perfonne du
monde qui fe fait inftruire, ôc qui apprenant
des maximes tout-à-fait étranges,
s’en étonne, & les écoute cependant avec
beaucoup de modération. L e Pere Ca-
fuifte croit qu’il eft de bonne f o i , qu’il
goûte ces maximes, ôc dans cette perîua-
fion il les lui découvre naïvement. L ’autre
eft toujours furpris ; ôc comme fon interlocuteur
n’attribue cette furprife qu’à
la nouveauté de ces maximes, il continue
toujours à les lui développer av<. c la même
confiance Sc la même ingénuité. Cet interlocuteur
eft un bon homme qui n’eft pas
plus fi.i qu’il ne faut, ôc aui s’engage in-
fenllblement dans des détails qui deviennent
toujours plus particuliers. Celui qui
l ’écoute ne voulant ni le choquer . ni con-
fentir à fa doétrine, la reçoit avec une
raillerie ambiguë’ qui fait pourtant con-
noître ce qu’il en penfe. Ce dialogue eft
continué jufqu’à des points très-eflentiels,
ôc eft écrit avec une finelfe ôc une pureté
admirables.
Ces lettres publiées fous le nom de
Montalte à un Provincial, & intitulées
par cette raifon Les Lettres Provinciales ,
furent cenfurées par les Jéfuites. Ils reprochèrent
à l’Auteur d’avoir employé la
raillerie, & de n’avoir pas fidèlement rapporté
les paftages de leurs Auteurs. P a s c
a l compofa huit autres lettres pour fe
juftifier là-deftus.
I l avoit alors trente ans, ôc il étoit toujours
infirme. Ses maux accrurent même
à un tel point, qu’il comptoit qu’il n’avoit
pas long-temps à vivre. Cette penfée
le détacha abfolument de toute compofi-
tion fcientifique ou littéraire. I l réfolut
de pafler le refte de fes jours dans la retraite
& le recueillement pour méditer fur
fa derniere fin. I l rompit toutes fes habitudes,
ôc changea de quartier. Il ne parloit
pas même à fes domeftiques. I l faifoit
fon lit lui-même ; alloit prendre fon dîné
dans la cuifine, le portoit dans fa chamb
re , ôc reportoit les plats Ôc les affiettes
O