compofer une nouvelle théorie de la
manoeuvre. I l fa llo it, pour cette entre-
prife, combiner dans différentes hypothè-
fes l’impulfîon du vent fur les voiles ,
la réfiftance de Peau fur le corps du
vaiffeau, & l’équilibre de ces deux aétions ;
6c cette combinai fon formoit différens
problèmes très - difficiles à réfoudre. L a
fagacité de B e r n o u l l i étoit fi grande ,
qu’il furmonta toutes les difficultés. I l
détermina la vîteffe du vaiffeau dans tous
les cas poffibles, & donna des régies pour
orienter les voiles 6c pour la manoeuvre.
Son ouvrage parut en 1 7 1 4 fous le titre
6'EJJ'ai d'une nouvelle théorie de la marioeu-
vre des vaijfeaux.
Dans la même année il réfolut un problème
fort compliqué : c’étoit de trouver
le centre d’ofcillation d’un pendule
compofé; c’eft-à-dire, de déterminer la
longueur d’un pendule fimple qui feroit
fes ofcillations dans le même temps qu’un
pendule compofé. IMJ Taylor , célèbre
Géomètre Anglois, donna une foîution
de ce problème dans le même temps, &
par une méthode femblable à la fienne. I l
voulut avoir la gloire de la découverte,
ou du moins prétendit - il à la priorité.
De-là naquit une conteftation qui devint
afïèz vive par rapport aux circonftances;
car ce fut alors qu’éclata la difpute fur
l’invention du calcul différentiel. Taylor
foutint fes prétentions avec ardeur; mais
il traita toujours avec beaucoup d’égards
fon adverfaire, dont ibfavoit apprécier le
mérite.
Pendant que notoe Philofophe1 fe fa-
crifioit fans réfervé à l’utilité du genre
humain par des travaux continuels , le
Collège de Bâle tomboit dans un relâchement
de difcipline très-préjudiciable
à la jeuneffe. Les Magifirats effrayés
des malheurs que ce relâchement pou-
voitcaufer à la République, fongèrent à
en prévenir les fuites. B e r n o u l l i étoit
l’Oracle de fa Patrie , 6c il fut prié de
travailler fans délai à un réglement qui
pût remédier à ce défordre. Il n’étoit
plus queftion ici de Mathématiques. I l
falloit oui fer dans la Morale 6c dans la
Métaphyfique , des moyens,, de diffiper
abfolument tous les abus. L e grand homme
, dont j’écris l’Hiftoire, devint tout
à coup Métaphyficien 6c Moralifte. D ’après
une connoiffance réfléchie du coeur
humain, il forma un nouveau réglement
qui remédia à to u t, & qui établit déformais
un ordre admirable, lequel maintient
encore aujourd’hui le Collège de
Bâle en vigueur.
Il continua d’enrichir les A êtes 'de
Leipfick de différens Mémoires très-curieux
6c très - fa vans fur les Mathématiques.
Maïs l’Académie des Sciences de
Paris ayant propofé. pour fujet du prix
de '1 7 2 4 , cette queftion : Quelles-font
les loix fuivant lefquelles un corps parfaitement
dur mis en mouvement en
meut un autre de même nature, il voulut
concourir à ce prix. A cet effet il corn«-
pofa un Difcours fur les loix de la communication
du mouvement, qui eft un chef-
d’oeuvre de raifonnement. L ’Auteur commence
par examiner s’il y a des corps
parfaitement durs , c’e ft-à -d ire , des
corps dont les parties ne pourraient être
féparées par un effort fini, quelque grand
qu’on le fuppofât ; 6c il prétend que de
pareils corps ne fauroient exifter, parce
que dans ces corps la loi de continuité ferait
violée. Leibnitq appelle ainfi cette
lo i, par laquelle tout ce qui s’opère dans
la nature, s’exécute par des degrés in-
fenfibles. B e r n o u l l i donne donc l’é pithète
de dur à un corps dont les parties
fenfibles changent difficilement de
fituation ; ainfi un corps dur e ft, félon
lu i , un corps raide.
Après cette définition de la dureté, ce
„ grand Phîlofophe fait voir comment le
mouvement fe détruit par la force du
relfort ; & il démontre qu’un corps
qui ferme ou bande un reffort avec
une certaine vîteffe, peut avec une vîteffe
double, fermer tout à la fois , ou fuccef-
fîvement, quatre refforts femblables au
premier, 6c neuf avec une vîteffe triple.
De -là il conclut que la force des corps
en mouvement eft comme le quarré des
vîteffes. C ’eft un principe- de Leibnit%
qu’il appuie & fortifie par un grand nombre
de preuves. I l fait fur-tout valoir1
en faveur de ce principe une vérité découverte
par Huguens ; c’eft que dans
le choc des corps élaftiques, la fomme
des produits des maffes par les quartes
des vîteffes demeure toujours la même.
Ce Difcours ne fut pas couronné, parce
qu’il ne répondoit pas précifément,
félon l’Académie, à la queftion propofée.
Cette Compagnie demandoit les loix des
corps durs , 6c l’Auteur foutenoit que
ces corps ne pouvoient pas exifter. Il
eftimoit encore la force des. corps proportionnelle
au quarré de la vîteffe ; 6c
c ’étoit une eftimation nouvelle qui n’é toit
point adoptée. Cela n’empêcha pas
qu’on ne rendît juftice à fon travail ,
qu’on ne le' comblât d’éloges , 6c qu’on
ne l’invitât en quelque forte à prendre
la revanche à la première occafion. C ’eft
auffi ce que fit notre Philofophe. L ’A c a démie
ayant demandé en 17 30 la caufe
de la figure elliptique des orbites des
Planètes, 6c celle du changement de po-
fition du grand axe de ces ellipfes ,•
B e r n o u l l i compofa une pièce qui remporta
le prix. Elle eft intitulée : Nouvelles
penfées fur le Jyftême de M. Defcartes^ On
y trouve un parallèle des fyftêmes de
Defcartes 6c de Neivton^ C e dernier n’a
pas la préférence. L ’Auteur foutient qu’en
admettant le vuide 6c Pattraétion, on tend
à rétablir fur le trône le Péripatétifme, qui
a tirannifé Ji long-temps les anciens Philo-
Jophes. I l trouve , au contraire, que les
tourbillons de Defcartes fe préfentent fv
naturellement à Vefprit , qu’on né fauroit
prejque fe dfpenfer de les. admettre.. I l convient
cependant que Defcartes ne fait-
pas toujours un ufage heureux de ces
tourbillons , 6c que fon fyftême a bien
des défeétuofités ; rqais comme les principes
de ce fyftême lui paroiffent évi-
dens , .il tâché de le rectifier , 6c d’expliquer
par ce moyen la caufe de la
figure de l’orbite des Planètes.
Les Newtoniens prétendent que leur
Maître a démontréque les tourbillonsdans
î’efquels les Planètes font emportées , ne
peuvent pas décrire des ellipfes ; ôc la?
rai fon qu’ils en donnent, c’eft qu’une Pla-
nè-te.. qui eft placée dans- une couche
dont la matière eft de la même denfité
qu’elle,doit fuivre exactement le cours
de cette couche, ôc décrire par conféquent
un cercle parfait autour du centre du tourbillon.
C’eft unedesfortes objections qu’ils
font à Defcartes fur fon fyftême.Mais notre
Philofophe nie qu’une Planète foit auffi
denfe que la couche dont elle fuit le
cours, ôc il examine ce qui a dû arriver
à cette Planète au commencement de-
fon exiftence. Or il trouve que n’étant
pas dans fon point d’équilibre, elle doit
ou defcendre ou monter, félon qu’elle eft
ou plus ou moins denfe que la matière
qui l’environne ; 6c pendant qu’elle change
ainfi de place en ligne droite ,par rapport
au centre du tourbillon , elle eft
auffi emportée autour de ce centre par
le mouvement circulaire de la matière
célefte. La' Planèté eft donc en proie à.
un mouvement compofé , qui lui fait
décrire une ligne différente de la circonférence
d’un cercle.. I l ne s’agit-plus que
de faire voir que cette ligne eft une ei lipfe
dont le grand axe ne change fenfible-
ment de pofition qu’après un grand nombre
de révolutions. C ’eft en effet ce que
démontre l’Auteur.De-là il fuit, i° . que
la- figure elliptique des orbites des Planètes
peut fort bien fubfifter avec les
tourbillons dans toutes les circonftances
qu’on remarque ; 2 ° . que lesapfides doivent
être mobiles-; c’e ft -à -d ir e , que
le grand axe des orbites elliptiques change
de pofition par rapport aux étoiles fixes.*
B e r n o u l l i eut encore occafion de
faire ufage des tourbillons, pour expliquer
en général les phénomènes céleftes , 6c
particulièrement pour rendre raifon de
l’inclinaifon des plans des orbites des-
Planètes par rapport à l’équateur. C ’étoit
une queftion que propofoit de réfôudre
l’Académie Royale des Sciences de Paris
en 1 7 3 4 > & à- la foîution de laquelle-;
étoit attachée la récompenfe d’un prix
double. Notre Philofophe imagina à ce-
fujet un nouveau fyftême un peu femblable
à celui dé Defcartes-, qui parut fous;
le titre de Nouvelle Phyfque cétefie^ fl expo
fe d’abord celui de Defcartes 6c celai;
de Newton-, & fait voir dans l’un & dans;