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H N I C O L E .
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N I C O L E .
LA partie la plus importante de la
Métaphyfîque a pour objet les opérations
de l’e fp r it, c’eft-à-aire l’art de
penfer ou la Logique , parce que c’eft
par cet art feul qu’on peut découvrir tous
les autres. Auffi les Anciens en avoient
fait une étude particulière. L a Logique
d ’Ariflote eft fans contredit fon meilleur
ouvrage ; ôc cet Auteur a été généralement
fuivi jufqu’ au commencement du
fiècle dernier. Cependant , quoique dans
cet ouvrage il établifle des principes ex-
cellens 5 qu’il démêle quelquefois la liai—
fon des idées, & qu’il les fuive dans leurs
écarts , il s’en faut bien que fa méthode
foit eftimable. Deux points qui en font la
bafe y forment un grand embarras : ce
font fes Univerfaux ôc lès Catégories. I l
appelle Univçrfaux toutes les chofe? fem-
blables ; il donne le nom d,e Catégories
aux çhofes différentes qui font dans un
même fujet, & rangées en certains ordres ;
& il prétend réduire par-là tops les objets
de nos penfées ? en comprenant toutes
les fubftances fous une clafle, ôc tous
les açcidens fous une autre.. Or tout cela
forme une fcience de mots dont on ne peut
fe faire aucune idée claire ôc diftinÇlè.
I l importoit donc beaucoup dans la
renailfance des Lettres qu’on çompofat
une nouvelle Logique, dépouillée de toutes
ces diftinCtions imaginaires, ÔC établie
flir la raifon ôc la vérité. Ç ’eff ce que voulurent
faire quelques Philofophes : mais ils ne
s’attachèrent qu’à donner des règles des
bons &des mauvais raifonnemens, ôc ils
négligèrent de rechercher celles qui peuvent
empêcher de fe laiflèr aller à de
faux jugemens, dont on tire de mauvaifes
conféquences. Ilfalloit compofer une Lq-
gique qui renfermât ces deux règles ; &
telle eft celle qu’on doit à Pierre N ic o l e ,
lié à Chartres le ïQ QCfcobre I 6% y.
Son père, Jean Nicole, étoit Avocat atf
Parlement, ôc Chambrier de la Chambre
Eccléfïaftiqüe de Chartres ; ôc fa mère
s’appelloit Louife Confiant, Jean Nicole
avoit beaucoup d’efprit. I l entendoit parfaitement
la Langue Grecque ôc la Langue
Latine , & étoit très-éloquent dans
fes difcours. I l a même publié plufieurs
traductions de quelques Poètes Grecs ÔC
Latins, recommandables par la fidélité ÔC
par l’élégance, mais très-blâmables par
des expreflions licencieufes. I l étoit auflî
Poète, & il a laifle des Poëfies tachées de
çe même défaut,
Notre Métaphyfîcien hérita de l’efprit
de fon père , mais il en fit un meilleur
ufage. Une mémoire très-heureufe, une
docilité raifonnable, & une vive pénétration
formoient fon carafière. Son père fut
fon précepteur, il étudia fous lui les
meilleurs Auteurs de l’antiquité , avec
une fatisfaCfcion mêlée d’amertume ; car
s’il fentoit le prix de l’élocution de çes
Auteurs , ôc la beauté de leur f t y le , il ne
popvoit goûter ce qui étoit çpntfaire aux
principes de la Religion Chrétienne, qu’il
avoit étudiés. Çes fentimens de Religion
éclatèrent dès fa plus tendre jeunefle, ôc
bien loin de retarder fes progrès dans l’étude
, ils les hâtèrent, A l ’âge de 14 ans,
il avoit achevé le cours ordinaire des H umanités
, ôc lu tous les bons Livres Grecs
Ôc Latins, qui étoient en grand nombre
dans la Bibliotèque de fon père. I l avoit
eu auflî recours à celle de fes amis ; ôc par
cette leCtiire auflî réfléchie qu étendue , il
avoit acquis un fonds de connoiiïances ,
dont il a tiré un revenu toute fa vie : en
quoi la mémoire le fervoit fî merveilleufe-
njent, qu’il lui fuffifoit de lire un Livre
une feule fois pour ei> retenir tout l ’efr
fentiel.
Son père, après lui avoir appris tout
* Di'liaannirs de Bayle, Art. Nicole. Continuation des Ljjais 4e Morale , contenant la %
& fç$ autres puvrages.
t de Nicolç. Ses Lettres,