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coup moindres que celles-là ; ôc les irrégularités
produites par ces aCtions font
toujours moins confidérabies dans toute
autre Planète , à mefure qu’elle efl plus
près du Soleil.
V I . Ce n’efl pas feulement à une puif-
fance attraCtive que les corps céleflesfont
en proie : ils font encore livrés à un
mouvement ou une force de projection,
qui les fait circuler autour du S o le il,
de qui combinée avec la force attraCtive ,
les oblige de décrire une ellipfe , dont
cet aflre occupe le foyer. Cette force de
projection , qu’on nomme force centrifuge,
varie continuellement, parce que l’attraction
efl plus ou moins grande , fuivant
que les Planètes s’approchent ou s’éloignent
du Soleil. Pour concevoir comment
cette révolution s’opère, fuppofons
qu’une Planète foit à la partie de fon
orbite (o u de l’ellipfe qu’elle parcourt)
la plus proche du Soleil. L a force attractive
eft dans cet état plus grande que
dans toute autre fituation,à proportion que
le quarré de la diflance eft moindre. Elle
devroit donc faire tomber la Planète fur
le Soleil ; mais la force centrifuge produite
-par le mouvement circulaire autour du
Soleil augmente en plus grande proportion
• favoir , comme les cubes des dif-
tances diminuent ; car cette force eft
en raifon direCte du quarré des vî-
teffes, ôc en raifon inverfe des diftances
compofées enfemble : elles augmentent
donc plus promptement lorftjue la Planète
defeend vers le Soleil par la force
de la gravité , que la force attraClive
elle-même, ôc quoique fuivant les proportions
de la force centripète ( c ’efl
celle de la gravité ) Sc de la force centrifuge
, la première prévale dans la partie
fupérieure'de l’orbite de la Planète, la
force centrifuge l’emporte à fon tour
dans la partie ^inférieure. L a gravité prévalant
dans la partie la .plus éloignée du
S o le il, fait approcher la Planète de cet
aflre; & la force centrifuge l’emportant
fur elle dans le point le plus proche,
l’en fait éloigner ; Sc par leurs aCtions,
la Planète fait continuellement fa révolution
de l ’un à l’autre de ces deux
points extrêmes de fon orbite.
V I I . C ’efl ainfî que par la théorie de
la gravité & de la force de projeCtion ou
centrifuge, on explique le mouvement
des Planètes. I l n’eft pas fi aifé de rendre
raifon de celui de leurs ^Satellites. Ces
petites Planètes font en proie & à la
force centrifuge , ôc à deux forces attractives
, celle du Soleil ôc celle de leurs
Planètes principales , autour defquelles
elles font leur révolution. L ’aCtion de
ces deux forces eft furtout fenfîble fur la
L u ne, qui efl le Satellite de la Terre.
L ’orbite de ce Satellite ôc fon mouvement
changent continuellement à mefure
qu’elle s’approche ou qu’elle s’éloigne du
Soleil ; & il efl très-difficile de déterminer
ces variations. Comme elles font plus
connues que celles des Satellites de Jupiter
ôc de Saturne, il fuffira d’expofer
la théorie de la Lune pour qu’on puilfe
juger de celle de ces Satellites.
V I I I . L a Lune circule autour de la
T erre , ôc la Terre fait fa révolution autour
du Soleil. Toutes deux enfemble
gravitent vers le Soleil. Mais pour déterminer
les mouvemens relatifs de la
Terre & de la L u n e , il fuffit de tenir
compte de l ’excès de fon aCtion fur la
Lune au-deffus de fon aCtion fur la Terre
dans leur conjonction , & confidérer cet
excès, comme tirant la Lune vers le S o leil
en la féparant de la Terre. Quand
la Lune ôc la Terre font en oppofition ,
on a feulement égard à l’excès de l’action
du Soleil fur la T e r re , au-deffus
de fon aCtion fur la L u n e , ôc on con-
fidere cet excès comme féparant la Lune
de la Terre dans une direction oppofée
à la première , c’efl-àdire vers le lieu
oppofé à celui où efl le Soleil ; ôc dans
les quadratures O n confidere l’aCtion du
Soleil comme ajoutant quelque chofe à la
gravité de la Lune vers la Terre. C ’efl
ainfî qu’on trouve que la force ajoutée
à la gravité de la Lune dans fes quadratures
, efl à la gravité avec laquelle.elle
feroit fa révolution dans un cercle autour
de la T erre, à fa diflance moyenne,comme
1 à 178— ; que la force fouflraite de fa
gravité dans les conjonctions ôc oppofi-
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tions efl double de cette quantité, &
que l’aire décrite en un temps donné dans
les quadratures efl à Paire décrite dans
le même temps dans les conjonctions
ôc oppofitions , comme 109.73 à
1 10 7 3 . On détermine par là l’orbite
de la Lune , ôc il réfulte de ces
rapports , que la diftance de ce Satellite
à la Terre dans les quadratures , efl
à fa diflance dans les conjonctions ÔC op-
pofitions comme 7 ° à 09.
D ’où il fuit que dans les quadratures
( ou quartiers de la Lune ) l’aCtion du
Soleil augmente la gravité de la L u n e ,
ôc que la force que cette augmentation
donne efl plus grande à mefure que la
diflance de la Lune à la Terre efl plus
confîdérable ; enforte que l’aCtion du
Soleil empêche que fa gravité vers la
Terre diminue autant, à proportion que
fa diflance augmente, qu’elle le devroit
fuivant le cours régulier de la gravité.
Par conféquetit lorfque la Lune efl dans
les quadratures , les points extrêmes de
fon orbite (q u ’on nomme apfides) doivent
rétrograder. Dans la conjonélion ôc
l ’oppofition , l’aCtion du Soleil diminue
la^gravité de la Lune vers la T e r r e , Ôc
cette diminution accroît à mefure que fa
diflance à. la Terre efl plus grande; en-
forte que par cette aCtion , fa gravité diminue
plus à mefure que la diflance augmente
, que fuivant le cours régulier de
la gravité ; Ôc dans ce cas les apfides ont
un mouvement progreflif. Enfin , comme
l’aCtion du Soleil retranche plus de la
gravité de la Lune dans les conjonctions
ôc oppofitions qu’elle n’y ajoute dans les
quadratures, ôc en général diminue plus
fa gravité qu’elle ne l’augmente , le mouvement
progreflif des apfides doit excéder
le mouvement rétrograde , ôc par confé-
quent les apfides doivent être emportés
fuivant l’ordre des lignes : ce qui eft conforme
aux obfervations.
IX . Outre les Planètes & les Satellites,
on obferve de temps en temps des corps qui
ont des mouvemens très-irréguliers,qu’on
nomme Comètes, lefquels font néanmoins
en proie aux forces centripète ôc centrifuge.
Leur orbite n’eft pas une ellipfe
comme celle des Planètes , mais une parabole
, ou du moins une ellipfe très-excentrique
, qui a fon foyer au centre du
Soleil. I l faut,pour déterminer la route
de ces Comètes, faire quelques obfervations
pour s’affurer de leur mouvement,
ôc on trouve enfuite que la loi de la gravitation
a lieu ici comme fur les Planètes.
X. Mais cette loi paroît être bien plus
exactement obfervée dans le mouvement
de la Terre. Comme ce globe a une ro-
■ tation diurne fur fon a x e , on remarque
que la gravité des parties fous l’Equateur
efl diminuée par la force centrifuge
produite par fa rotation; que la gravité
des parties de l’un ou de l’autre côté de 1 Equateur efl moins diminuée à me ure
que la vîteffe de rotation efl moindre ;
que la force centrifuge qui en réfulte,
agit moins directement contre la gravité
de ces parties, ôc que la gravité fous les
Pôles n’efl point du tout afFeCtée par la
rotation.
De là il fuit qu’un corps fous l’Equateur
perd au moins de fa g ra v ité ,&
que l’Equateur doit être par conféquent
#5 fois pour le moins plus élevé que les
Pôles. Et en calculant d’après ces principes
les dimenfîons des deux axes ou
diamètres de la Terre , on trouve.que le
diamètre à l’Equateur efl au diamètre aux
Pôles comme 230 à 229 , comme l’apprennent,
à peu de chofe près, les obfervations
affronomiques.
X I . C e qui peut nuire à cette exaCte
conformité entre la théorie de l’attraClion
& les obfervations aflronomiques fur la
figure de la Terre , c’efl que la Lune par
fon aCtion fur la Terre produit quelque
altération dans l’effet des forces centripète
ôc centrifuge. Cette aCtion efl fifen-
fible, qu’elle femanifefle dansce mouvement
fi connu de la mer, qu’on appelle
le Flux ôc le Reflux. La Lune attire l’eau
de la mer, ôc fuivant qu’elle efl fit'uéeà
fon égard , cette attraction efl plus ou
moins grande. L ’effet de cette Planète,
joint à celui du Soleil , fe trouvant plus
grand à l’Equateur , l’eau doit être alors
plus agitée. Auffi les vives eaux font dans
ce temps-là le plus confidérabies. Mais