« S S
MA L E B R ANCHE. *
S ’I t étoît permis d’afltgner des rangs
aux Métaphyfieiens, après avoir mis
L o k e au premier, je placerois le Phitofophe
dont on va lire l’hiftoire. Celui-là l’emporte
fans doute liir tous les autres par la
force & la fubtilité du rationnement ; celui
ci par la fublimité & la netteté des
penfées. L’un a déterminé les facultés' dè
l’efprit humain ; le fécond a fixé lesfources
de fes erreurs. Ainfi ces deux grands hommes
ont prefque perfeéKonné la Métaphy-
fique proprement dite. On vient de voir en
quoi confiftent les découvertes de L o k e :
on jugera bientôt ' de celles de Ma l e -
BRANCHE.
N i c o la s Ma.j.e br anche naquit à
Paris le. 6 Août i é j 8, de N i c o la s M a l e -
b r a n c h e , Secrétaire du Roi, & de C a t h e r
in e d e L a u j o n . Il étoit le dernier de dix
enfans. Une complexidn foibie & des.
infirmités continuelles furent un grand
obftacle aux progrès de fon éducation. Il
ne put fuivre le cours ordinaire des Collèges
, & un Précepteur lui apprit dans la
maifon de fon père le Latin & [ le Grec.
L’âge & les foins qu’on avoit eus de fa
fante, ayant fortifié fon tempérament, on
le mit au Collège de la Marche, afin d’y
faire fon cours de Philofophie. Il allAfsn-
fuite étudier la Théologie en SorbSnne.
Darfs fes études rien n’annonça ce que de-
voitètre M A L E, b RA N c H E. Seulement
on remarqua qu’il avoit du goût & pour
la retraite & pour une forte d’indépendance.
Il crut pouvoir fatisfaire ces deux
penchans dans la Congrégation de l’Oratoire.
Il demanda à y entrer & y fut reçu
à l’âge de 22 ans.
La première connoiflànce qu’il fit dans
cette Maifon , fut celle du Père L e c o in t e .
Cet Oratorien l’engagea à faire des recherches
fur les antiquités Ecdéfiaftiquesj
&leP.MAEEBRANCHEfe livra à l’étude
des anciens Ecrivains Ecciéfiaftiques.
Mais quoiqu’il travaillât nuit & jour, &
avec une ardeur inconcevable, il n’aran-
çoit guères, parce que fa mémoire étoit fi
ingrate , qu’il oublioit aifément tout ce
qu’il avoit lû. Il comprit par-là que cette
étude ne lui convenoit pas, & qu’il dévoit
en choifir une qui exigeât moins de mémoire.
Le Père R i c h a r d S im o n , fi célèbre
par fon Hiftoire cri tique de l’ancien & du
nouveau I eftament, crut que l’étude de
la critique facrée lui conviendroitmieuxc
il la lui confeilla. Le P. MalebrànghÉ
fuivit ce confeil ; mais comme il n’y fai-
foit pas grand progrès , il réfolut d’abandonner
l’étude, & d’attendre de la Providence
& du temps des lumières plus abondantes.
Le hafard développa fon goût.
Un jour en paiïant devant la Boutique
d’un Libraire, il lut une affiche qui annon-
çoit une nouvelle édition des Ouvrages
d tD e f c a r t e s . Il entra chez te Libraire; demanda
ces Ouvrages ; y jetta les yeux, &
fut fi faifi de la doârine de l’Auteur, qu’il
en fit l’acquifition. De retour chez lui, il
ne les lut pas , il les dévora. Il étoit même
obligé d’en interrompre de temps eh temps
la ieflure, pour fufpendre les accès d’une
palpitation de coeur qu’elle lui caufoit.
Il prit ainfi tant de goût à la Philofophie de
D e f c a r t e s , qu’il abandonna toute étude qui
ne conduifoit point à cette Philofophie. Il
voulut en démêler le noeud. Pour y parvenir,
après s’être profondément recueilli
en lui-même, il forma le projet de chercher
une voiefure de connoître la vérité.
Il examina d’abord quel obftacle pouvoit
apporter à la connoiflànce de la vérité ,
l’union qu’il y a entre Parue & le corps ,
Htfloire de l’ ficade'mie Royale des Sciences de I71
Jacobi BrukeriHiJloria critica PbilofopbU , Tom. VJ
rari alter* ' Memoires pour fervir d l’Hifioire des Homm
Illtiftres , par Niceron-, Tom. II. Diaionnaire Hifi».
rique & Critique de M. Chaufferie'. E t fes Ouvrages,
Hii