8c fans la détermination de quoi Tes autres
propriétés ne fauroient exifter actuellement.
Tout ce qui exifte eft déterminé
en tout fens ; car on ne fauroit exifter fans
cela. Ainfi un Etre univerfel ;qui n’eft pas
déterminé en tout fens , ne fauroit exifter.
L a quatrième propriété de l’Etre eft
la nécejjité 8c la contingence. Qui dit né-
cejjaire, entend ce dont l’oppofé eft im-
poftible, o,u renferme de la contradiction^
Par conféquent ce qui eft déterminé d’üne
manière unique eft néceflaire. On appelle
unique , ce qui n’a rien qui lui reflemble.
L a contingence eft ce dont l’oppofé ne
renferme aucune contradiction ©u ce qui
n’eft pas néceflaire. Un Etre nécejfaire eft
donc celui dont l’ejxiftence eft abfolu-
ment néceflaire , o u , ce qui revient au
même, celui qui a la raifon fuffifante de
fpn exiftence dans fon eflence même. Un
Etre contingent, c’eft le contraire..
L a néceflité abfolue a donc fa fource
dans l’eflenee de l’Etre y. 8c celle qui
provient bailleurs n’eft qu’hypothétique^
G’eft l’état de l’Etre contingent dont l’exiftence
n’eft que d’une néceflité hypothétique.
Tout Etre contingent n’exifteque
contingemment ; & dès qu’il commence
à- exifter , fon exiftence n’eft qu’hypo-
thétiquement néceflaire ; parce que n’étant,
pas déterminée par fon eflence, cette
eflen.ce ne fülfit pas pour établir fon
exiftence, & elle n’eft pas ab'folument,
mais hypothétiquement néceflaire. Ce qui;
eft abfolument néceflaire, ne fauroit donc
être, contingent ; mais ce qui n’eft que
d’une néceflité hypothétique, eft contingent
en foi ; de forte qu’il n’y a que la
néceflité abfolue qui répugne-à.la contingence.
L a quantité eft une qualité de l’Etre ,
par laquelle on évalue fa friafle ou fon
volume. Elle eft la différence intrinféque
de leurs femblables , c’éft - à - dire , ce
en quoi les femblables peuvent différer
intérieurement , fans altérer leur fimi-
litude. Et la qualité eft l’identité de la
quantité , comme l’inégalité eft ladiver-
fité de la quantité. La qualité d’un Etre
eft donc toute la détermination iritrinfé-
que de cet Etre que l’on peut concevoir ,
par elle-même & fans autre fecours.
Les trois dernières qualités de l’Etre
font telles. L 'ordre eft une reflerriblance
ou une conformité d’arrangement entre
des Etres qui font placés l’un à côté de
l’autre , ou qui fe fuivent l’un l’autre. U
eft néceflaire lorfqu’il ne peut être autre
qu’il n’eft, fans que l’eflence des chofes
arrangées n’en fouffre. I l n’eft que contingent
, fl c’eft le contraire. L ’ordre des
qualités qui conviennent à un Etre quel
qu’il fo i t , c’eft la vérité. Un Etre eft
dit vrai, lorfqu’il y a de l’ordre dans les
chofes qui lui conviennent. Enfin , la
perfection eft l ’aflortiment de plufieurs
chofes différentes l’une de l ’autre, ou leur
convenance en un même point. L ’af-
ibrtinaent ou la convenance eft la tendance
au même but. I l n’ÿ a point de perfeélion
qui ne foit fondée fur. quelque raifon générale
, par laquelle on puifle expliquer
pourquoi telle chofe fe trouve dans
l ’Etre en queftion plutôt qu’une autre,
8c plutôt de cette manière-ci que d’une
autre.
T e lle s font les propriétés de l ’Etre en
général.Pour leeonnoître en.particulier,
il faut diftinguer deux fortes d Etres ;
l’Etre compofé, ôc l’Etre Ample. L ’Erre
compofé eft un Etre qui a plufieurs parties
diftinéles les unes des autres. Ce qui
le forme c ’eft l’enchaînement de fés parties,
& par conféquent fon eflence con-
fifte dans la manière dont fes parties font
unies ou combinées;. les unes .avec les-
autres. Connoître l’eflence d’un Etre
compofé , c’eft donc connoître quelles
font fes parties/, & de quelle manière elles
font liées enferable. Cet Etre a diffé«-
rentes propriétés. L a première-.eft- Yéten-
due. O n entend par ce mot la coexiftence
réunie de plufieurs chofes différentes, o.u :
qui exiftent l’une hors de l’autre;de forte
que c’eft la réunion de ces chofes qui
conftitue l ’étendue.
La »féconde-propriété de l’Etre compofé
eft la continuité*C ’eft la poflîbilité
de l’exiftence d’une partie différente &
interpofée entre. deux*autres qui font intimement
unies. La fituation d’un Etre,
corop.ofé par rapport à . un point.s_ eft ce.
qu’on nomme la difîance,laquelle n’eft autre
chofe que la ligne la plus courte qui foitren-
fermée entre ce point & cet Etre. L e temps
que l’Etre compofé exifte eft la durée: quatrième
propriété.La durée eft uneexiftence
flmultanée avec plufieurs Etres fücceflîfs.
■ C’eft l ’exiftence de l’Etre qui forme le
temps. L e temps préfent eft défigné par
l ’Etre actuellement exiftant ; le tempspaffé
par l’exiftence des chofes qui ont ceué
d’exifter ; 8c le temps futur par l’exiftence
vde celles qui exifteront dans la fuite.
L ’idée du temps conduit à celle de
l’efpace ; car de même que l’idée du
temps naît de la poflîbilité des fuccef- 4ions, ainfi l’idée de l’efpace fe forme de
la poflîbilité des coexiftences. Uefpace
eft donc l’ordre des Etres fimultanés,
en tant qu’ils font co-exiftans l’un à l’autre.
I l n’y a point d’Etre compofé fans
Etres Amples ; car ce font les Etres
Amples qui forment l ’Etre compofé.
Ces Etres n’ont point de parties, parce
qu’un Etre qui a des parties eft un Etre
compofé. En effet, tout Etre eft ou n’eft
pas ; 8c ainfi tout Etre a des parties ou
n’en a point. S’il en a , il eft compofé :
s’il ri’en a pas , H eft fimple. Tout Etre
eft donc ou fimple ou -compofé. Et
comme il y a des Etres compofés, il faut
néceflairement qu’il y ait des Etres Amples
, puifque les Etres compofés ne fau-
Toient exifter fans les Etres Amples. Voici
la preuve de cette propofition.
.Les Etres compofés le font de parties
-diftinCtes les unes des autres. Ces parties
ne peuvent être compofées de nouveau
d e parties diftinftes les unes des autres,
puifque ce feroient de nouveaux Etres
compofés. L ’Etre fimple doit donc néceflairement
n’avoir point de parties. Par
conféquent s’il y a des Etres compofés qui
exiftent, il faut néceflairement qu’il y
ait des Etres Amples qui exiftent. Mais
qu’eft-ce que c’eft que ces Etres ? C ’eft la
fubftance de l’E tre compofé. On entend
par le mot de fubftance, un fujet durable
'8c fufceptible de modifications. C e qui
n’en eft pas fufceptible eft ce qu’on
nomme accident. O r l’eliencc de l’Etre
compofé ne confifte que dans la manière
dont fes parties font alTemblées'ou combinées
enfomble : donc cette eflence ne
confifte que dans de purs aecidens. I l fuit
de-Ià qu’il n’y a rien de fubftantiel dans
l’Etre compofé, que les Etres fimples.
Donc les Etres (impies font ce fubftantiel
, puifque fans eux l ’Etre compofé ne
fauroit exifter. Donc il n’y a d’autres
fubftances que les Etres (impies , & les
Etres compofés -né font que des afTém-
blages de fubftances. C ’eft la derniere
conciufîon qui forme la démonftratioa
de l’exiftence de l’Etre fimple, quoiqu’elle
ne donne qu’une notion métaphyfique de
fon eflence.
Syfi&ne de i T a ï f fur la Cojmologie ou
la Jcieilce du inonde.
L a Cofmologie eft la fcience du monde
en général. Elle a pour objet l’application
des attributs de l’Etre à l’Univers,
ceqai comprend l’enchaînement des chofes,
& la manière-dont l’Univers en refaite
; l’ effence & la nature des corps
dont le monde eft compofé ; les élémens
des corps & leur origine ; le mouvement
& fes loix ; l’ordre du monde & de la
nature, & leur perfeftion.
U enchaînement des chofes & leur liai—
fon. Deux Gbofes font enchaînées l’une à
l ’autre , lorfque l’une des deux Contient
la raifon fuffifante ( i ). de la co-exiftence
ou de la fucceffion de l’autre. Quand dans
cet enchaînement un Etre eft lié continuellement
avec celui qui le fuit de plus
p rè s , chaque co-cxiflant ou chaque Etre
fncceffif eft enchaîné avec chaque^iutre.
Le s Etres enchaînés de cette manière
dépendent réciproquement l’un de l’autre
quant à leur exiftence. Dans les chofes
qui fe fuccèdent, l’enchaînement confifte
dans la dépendance de l’ effet & de fa
caufe efficiente. A in fi, lorfque ce qui précède
ceffe d’être la caufe du fuivant dans
Voyez l'explication de ce mot dans.la Méta^hy%ue de Letbnuz., ci-devant expo fée,
M ij