eret fous ceux de îa Société Royale de
Londres. Dans l’une & l ’autre de ces
théories, L e ibn it z admettoit le vuide,
6c regardoit la matière comme une {impie
étendue indifférente au mouvement
ôc au repos. I l changea enfui te de fenti-
ment fur ces deux points, & reconnut
q ue, pour découvrir l’eflence de la matière
, ilfalloit la compofer ôc d’étendue
6c d’une certaine force, d’où il concluoit
que le repos abfolu eft impoffible.
Pendant qu’il étoit occupé à cette étude
philofophique, le Baron de Boinebourg
le pria de vouloir bien fè joindre à lui
pour réfoudre les difficultés que lui faifoit
un Socinien, petit-fils du fameux'
Socin j nommé le Chevalier JViJfowatius ,
fur le dogme de laTranflubftantiation.Ce
Seigneur venoit d’embraffer la Religion
Catholique , ôc avoit voulu engager
B^iJJowatius à faire la même démarche ;
6c c’eft ce qui avoit donné lieu aux
difficultés dont M. de Boinebourg demandait
la folutiôn à notre Philofophe. L e
Chevalier prétendoit qu’avant d’admettre
le dogme de la Tranflîibftantiation ,
il falloir établir celui de la Trinité ;& il
défioit le Baron de répondre aux argu-
mens qu’il lui envoyoit contre ce dogme*
G ’eft ce dont L e i b n i t z fe chargea. I l
compofa une brochure latine qu’il intitula:
SacrofanBa Trinitas per nova argumenta.
Logica defenfa, c’eft-à-dire, lafainte
Trinité djfendue par de nouveaux rafonne-
mens de Logique. C e n’eft pourtant point
par forme de raifonnemens qu’il y établit
le dogme de la Trinité. I l n’admet que
la révélation ou la parole de Dieu pour
le fondement de ce myftère ; ôc il prétend1
qu’on doit s’en tenir Amplement aux-ter-
mes, parce qu’il n’y a rien dans le monde
qui puifîe nous donner une notion des
perfonnes divines.
Pour reconnoître cette complaifanee
que notre Philofophe avoit eue pour le
Baron de Boinebourg ce Seigneur, qui
eonnoifloit le deflr qu’ilavoit de voyager,
Voulut lui en fournir l’oecafion. I l le pria
d’accompagner fon fils à Paris, On- ne
pouvoit lui faire une propofitïon plüs
agréable. L e i b n i t z ne fe hâta pas de fe
rendre dans cette grande ville ; il y vola*
Ce fut en 1.672 qu’il y arriva, temps où
s’y trouvoient raflera b lé s , la Hire , Ro-
berval, CaJJini, Picard, Huguens, Arnaud
Mallebranche, &c, Son premier foin fut
de fe lier avec ces hommes célèbres , ôc.
cette liaifon le ramena à l’étude des Mathématiques.
I l lut avec beaucoup de
fatisfa&ion le livre de M. Huguens, de
Horlogio occillatorio, les ouvrages de
Pafeal, ceux de Grégoire de Saint• Vincent'y
Ôc cette leéture lui ouvrit tout d’un coup
l ’efprit, ôc lui donna des vues qui l’éton-
nerent. I l s’offrit à fon imagination ua
grand nombre de découvertes qu’il trouva^
dans la fuite dans les ouvrages de Jacques
Gregori ôc dTj'aac Barrow, Mathématiciens
Anglois». Toutes ces idées flot-
toient dans fon cerveau,fans fe fixer. I l
y erneut pourtant une qu’il voulut déve*-
lopper : c’étoit fur la machine arithmétique
de Pafeal. I l trouva cette machine
défe&ueufe,. ôc il en imagina une nou>*
v e lle , dont il expliqua le deflèin à M*.
Colbert, qui le communiqua à l’Académie
des Sciences,. Cette Compagnie fît beaucoup
d’accueil à cette invention. E lle
offrit même à fon Auteur une place de1
Penfionnaire, s’il embrafloit la Religions
Catholique: mais, quoique notre Philofophe
fût très-tolérant, il rejetta abfo-
lument cette condition. I l penfoit, die
l’Auteur de fa vie ( '£ ) , que le Sage doit-
bien être citoyen de toutes les Républiques
, mais qu’il ne lui convient pas d’être
le Prêtre de tous les Dieux..
L ’eftime qu’on faifoit à Paris-de L e i e *
N i t z engageaM. Huet, ancien Evêque
d’Avranches, à le prier de vouloir bien
donner au Public une nouvelle édition,
des Noces de Mercure Gr de la Philologie-
de Martianus Capella , avec des notes fu»‘
l’hiftoir-e ôc une paraphrafe du-texte. N o tre
Philofophè fe chargea volontiers d e
ce travail : mais le Baron de Boinebourg•-
étant mort dans' c e temps-là , ôc dès-
lors rien ne le retenant plus à Paris, il fe
G-) M, de Jattcourt, c ité dans la note au commencement de cette Hi&oiie de. Leibnitz»
hâta de paffer en Angleterre. C ’étoit en
16 7 3 . Il fit connoiflance à Londres avec
Boile, ïPallis, Gregori, Barrow, Newton ,
Collins, Oldembourg, ôcc. tous Mathématiciens
du premier ordre. Ces Savans le
comblèrent de politefles; dciicommen-
çoit à jouir des agrémens de leur commerce
, lorfqu’il apprit la mort de l’Electeur
de Mayence. Cette nouvelle perte
le dépouillant des appointemens qu’il tou-
choit de ce Prince , il ne fut plus en état
de demeurer à Londres. Il prit le parti
de retourner en Allemagne. L a Société
Royale de cette ville ne voulut point le
laifler aller fans l’avoir reçu. Notre Philofophe
quitta avec douleur une ville où
on lui faifoit tant d’amitiés, ôc prit le chemin
de Paris.
I l étoit à peine arrivé dans cette Capitale,
que fes fonds lui manquèrent. Incertain
fur ce qu’il devoit faire, il fe détermina
à la fin à écrire au Duc de Bruns-
ivick-Lunebourg , qui avoit voulu fe l’attacher
dans le temps que l’Ele&eur de
Mayence le prit à fa Cour. I l l’informa
de fa fîtuation : le Duc y fut fenfible ;. ôc
toujours animé des mêmes fentimens de
bienveillance ôc d’eftime à fon égard, il
lui fit une réponfe auffi honorable que
fatisfaifante. I l lui offrit une place de
Confeiller , une penfion , ôc l ’entiere
liberté de demeurer dans les Pays étrangers
autant qu’il le fouhaiteroit. Cette
offre fi noble & fi obligeante combla de
joie notre Philofophe. Il ufa de cette per-
miffion pour approfondir avec les Mathématiciens
François la Géométrie. I l
voulut auffi exécuter fa machine arithmétique
• mais il rencontra tant de difficultés,
qu’il abandonna ce projet.
I l y avoit déjà quinze mois qu’il étoit à
Paris, C’étoit fans, doute bien différer
d’aller remercier 1« Duc de Brunfivick des
grâces qu’il en receyoit. Il le comprit, ôc
fe détermina à fe rendre auprès* de lui. Il
commença en arrivant par. enrichir la
Bibliothèque du Prince de plufieurs ouvrages
importans. Enfuite il fît avec lui
des expériences de Phyfique ôc de Chy-
mie. Toutes ces attentions étoient fort
agréables au.Duc j.mais il fe préfenta. une
occafion où notre Philofophe put lui
donner une marque plus éclatante de fon
dévoûment : ce fut de prouver dans un
écrit public les droits ôc prérogatives que
le Duc de Brunfwick avoit avec les Princes
libres de l’Empire au fameux Congrès
que les Puiflances de l’Europe tenoient à
Nimegue, pour un traité de paix. L eibn
i t z , fous le nom de Ccefarinus Furjl-
nerius, publia un ouvrage intitulé : Du
Droit d’AmbaJfade & de Souveraineté des
Princes de l’Empire ( Cæfarini Furjlnerii
de jure fuprematus legationis Principum
Germaniæ ) , dans lequel il prouva que
l ’origine, la puiflance ôc l’élévation des
Princes libres de l ’Empire leur donnoit
le droit de prétendre qu’on ne mît aucune
diftin&ion entre eux ôc les Electeurs par
rapport au droit d’Ambaffade. Notre
Philofophe développa dans cet ouvrage
beaucoup d’érudition , ôc y répandit cet
efprit philofophique qui donne la vie &
de l’intérêt aux matières les plus indifférentes.
Ce fut ici le dernier fervice qu’il rendit
au Duc de B r u n fw i c k . C e Prince mourut
en 16 7P peu de temps après la publication
de cet ouvrage. L e Duc E r n e f l - A u -
g u f l e , qui lui fuccéda, n’oublia rien pour
conferver L e ib n it z . Il lui témoigna-
les mêmes fentimens de bienveillance.
Notre Philofophe répondit à ces fentimens
comme il favoit le faire 5 & libre
déformais de difpofer de fon temps, il
reprit fes études philofophiques. Afin de-
retirer plus de fruit de fes méditations ,
il les communiqua à plufieurs favans dont
il faifoit beaucoup de cas : c’étoient M.
E c c a r d , Profefleur de Mathématiques-
dans l’Académie de Rintel, M. S t e n o n y
le Landgrave de Hefle, Prince curiéux,,
qui fe faifoit gloire d’être en correfpon-
dance avec lui , ôcc. I l apprit d’eux
qu’une Société de Gens de Lettres fè
propofoit de donner un Journal latin y
fous la direction de M. Q t t o n M e n c k e n iu s f
intitulé , A S l a eru d ito rum . L e projet lui
plut beaucoup, ôc il n’oublia rien pour
contribuer à fon fuccès. Il avoit déjà«
publié dans le J o ium a l des- S a v a n s phr-
fieurs. Mémoires fur les Mathématiques;