mité de toutes les vertus avec la raifon,
la fpiritualité <5c l’immortalité de Famé ,
les peines «5c les récompenfes. d’une autre
v i e , Sc d’autres vérités capitales, de la
Religion naturelle <5c de la révélation.
Ces fentimens éclatent dans l’Ebauche de
la Religion naturelle , où l ’on trouve les
principes de la pure équité naturelle 8c
de la re&itude intrinfeque des aétes moraux.
C ’eft fans contredit le plus beau
livre de morale qui ait été fa it, & une
des plus excellentes productions de l ’ef-
prit humain. Dès qu’il parut dans l ’état
où il eft aujourd’h ui, il excita une ad--
miration prefque univerfelle. L e débit
en fut prodigieux. Plus de dix mille
exemplaires furent enlevés dans l’Angleterre
feule en peu de temps. W o l l a s -
T O N ne jouît pas du fruit de fon travail
: il n’étoit plus lorfqu’on lui faifoic
un accueil fî diftingué. On peut même
dire qu’il n’a été connu qu’après fa mort ;
car fes autres productions ne font rien
en comparaifonde celle-ci. L a feue Reine
d’Angleterre, qui eftimoit tant les grands
hommes , voulut conferver l’image de
fon Auteur à la poft'érité. Elle fît faire
fon bufte, & le fît placer dans fon jardin
de Richemont avec ceux de Newton,
Loke Sc Clarke,
Morale ou Doftrine de W o l l à s t o m
fur le bien & le mal , ou fur la
Religion naturelle.
L e fondement de la Religion confîlte
dans la différence qu’il y a entre le bien
Sc le mal moral, entre les qualités des
aCtiohs des hommes bonnes ou mauvai-
fes , ou indifféréntes : je dis les aCtions ,
parce qu’elles font les propres effets de
nos idées, hos penfées réduites en aCtes,.
les conceptions de notre efprit parvenues
à leur maturité, les paroles feules n’e-
tant que les fîgnes arbitraires de nos
idées , ouïes indices de nos penfées. Tout
homme qui agit comme fî les chofes
étaient ou n’étoîent pas d’une certaine
maniéré, déclare par fes aCtions, que les
chofes font ou ne font pas de cette matière
, avec autant d’évidençç Sc plus de
réalité , qu’il pourroit le faire par fes paroles*
A infi pour favoir fî un homme v it
bien, s’il eft vertueux ou non , il ne faut
pas s’en rapporter à ce qu’il d it, mais à
ce qu’ il fait. On connoît fî ce qu’il fait
eft bon , lorfque fes aCtions s’accordent
avec une propofition vraie. De forte que
l ’aCte , qui renferme une propofîtion
fauffe , eft néceffairement mauvais ,
parce que cet aCte n’eft autre chofe que
la propofîtion même réduite en pra-,
tique.
Ceci eft également vrai pour Tes omif-
fîons <5c les négligences. Je veux dire
qu’on peut nier par des négligences ,
que des propofîtions véritables le foient
réellement ; Sc alors, les négligences »
qui produisent cet effet, doivent être
mauvaifes. De-là i l fuit :
i ° . Que quand un aCte eft mauvais^
fon omiffion eft néceffairement bonne ;
& lorfque l’omifîïon eft mauvaife, l’aCte
eft néceffairement b on , parla raifon des
contraires.
2° . Qu’une aCtion moralement bonne
ou mauvaife, eft par-là même jufte ou
injufte ; car ce qui eft injufte , ne peut
être bon ; Sc ce qui eft mauvais, ne peut
être jufte.
3 °. Que tout aCte 8c toute omiffion i
qui détruifent la vérité , c’eft-à-dire, qui
nient qu’une propofition véritable foit
vraie , ou q,ui fuppofent qu’une chofe,
foit ce qu’elle n’eft pas à quelqu’égard
que ce foit , cet afte , dis-je, & cette
omiffion , font moralement mauvais à
quelque dégré. L ’omiffion d’un tel aCte >
Sc l’aftion oppofée à cette omiffion, font
moralement bonnes. E t quand cette action
peut être faite ou omifë iâns comi-
battre la vérité,. cette a&ion eft indifijî-
rente..
i . Concluons donc que la nature dif-
tinéUve du bien Sc du mal m oral, confifte
dans.la conformité entre les aétes des hom-,
mes 8c la vérité des chofes ,f& entre la vérité
des chofes. «5c les aétes des hommes*
Mais s’il y a un bien <5cun mal moral, il y
a conféquemment une Religion naturelle*
c’eft-à-dire , une obligation de faire ce
qui ae doit pas être omis, Sc de s’abftcs
nir de ce qui ne doit pas être fait. Ainfî
la grande loi de cette Religion , doit
-porter que tout E tre intelligent, libre &
capable d’agir , fe comporte de maniéré
à ne point contredire la vérité par aucun
de fes aétes, ou autrement qu’il traite
chaque chofe, comme étant ce qu’elle
eft. En fe conduifant de cette maniéré -,
cet Etre fe rendra heureux. Car la v é rité
eft intimement unie à la félicité,
puifque c’eft par la pratique de la vérité
que nous marchons vers une félicité v éritable.
C ’eft donc une chofe très-importante
que de favoir ce qui conftitue la félicité
, puifque l ’obfervation de la Religion
naturelle en dépend.
2. Un des grands mobiles du bonheur
eft le plaifir. On appelle ainfi une con-
noiflance intérieure Sc un fentiment fe-
eret d’une chofe agréable. Par confé-
quent la douleur eft une connoiffance intérieure
Sc un fentiment fecret d’une chofe
défagréable. L ’un Sc l ’autre ( le plaifir Sc
la douleur ) augmentent à proportion des
perceptions 8c du fentiment intérieur de
leur fujet, c’eft-à-dire, des perfonnes qui
les reffentent. L a douleur confidérée en
elle-même, eft donc un mal réel ; & le
plaifir un bien réel. Donc le plaifir eft dé-
firable en lui-même, 8c le mal eft à éviter.
L e premier comparé avec le fécond,
peut être plus grand ou moindre. L o r f que
les plaifirs font égaux aux peines, ils
fe détruifent les uns les autres. I l peut y
avoir même des plaifirs, q u i, comparés
avec ce qui les accompagne Sc avec ce
qui les fuit, non-feulement font réduits à
rien , mais encore dégénèrent en peines ;
comme il peut y avoir des peines qui doivent
être comptées parmi les plaifirs.
I l faut donc bien diftinguer un plaifir
réel de celui qui n’en a que l’apparence.
On n’eft heureux qu’autant qu’on jouit
de véritables plaifirs ; Sc on ne l’eft ab-
folument & finalement,.que lorfque la
fomme totale des plaifirs furpaffe celle
de toutes les peines. A u contraire on eft
(*) W o 11 a s ,t o n calcule les degrés des pîai-
firs & des peines , & les compenfe l’ un par l’autre,.
Cette théorie ne ie io it -e llc p as 1% même que celle
finalement malheureux, quand la fomme
de toutes les peines excede celle des plair
fîrs. (a)
A u refte , par véritables plaifirs, on
entend ceux qui font conformes à la raifon.
Car fi tout plaifir Sc tout bonheur
doivent confifter en quelque chofe d’agréable
, rien ne fauroit être agréable à
une créature raifonnable, s’il ne convient
pas à la raifon. O r comme la vérité feule
s’accorde avec e l le , les véritables plaifirs
font ceux qui l’accompagnent, qui en
fuivent la pratique , Sc qui ne font pas
incompatibles avec elle. On entend ici
par raifon, la faculté qu’un Etre intelligent
a de pouvoir examiner fes propres
idées 8c de les comparer enfemble ; de
s’en former des vérités générales «5c fondamentales
, dont il puiffe toujours être
affuré. C ’eft en un mot par cette faculté
que l ’homme découvre toutes les vérités
abftraites, Sc lorfqu’elle eft aidée par les
fens , toutes les chofes de fait. De-là découlent
les réglés fuivantes pour con-
noître la vérité.
I . Lorfqu’une obfervation a été conf-
tamment tenue pour véritable, Sc que
l’événement en a toujours juftifié la vérité
, elle s?eft acquife par-là une autorité
inconteftable.
I I . Lorfque ni la nature, ni les ob-
fervations n’indiquent point le parti le
plus probable, on doit s’en rapporter au
témoignage, c ’eft-à-dire, au fentiment
de ceux qu’on reconnoît pour les meilleurs
connoiffeurs 8c les plus gens de
bien.
I I I . Quand la nature, l’expérience,
ou la réitération du même événement &
l’opinion des meilleurs juges fe réunifient
à rendre une opinion probable, elle eft
alors au fuprême dégré de certitude.
IV . Quand la certitude nous abandonne
, nous devons prendre la probabilité
pour réglé de nos jugemens, parce
qu’elle eft alors l ’unique guide que nous
ayons*
qu’on trouve dans l'E(fai Je Pbilofophic morale de M.
de Maupertuis ? Voyez la feftiou. de la félicite de l’£-
bauehe de la Religion naturelle.