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lie (e) j eft en même proportion que fa dif-
tance du foleil augmente. I l repréfente en-
fuite l’Univers comme une machine-,
dont les mouvemens continuent toujours
dans l’état le plus parfait par une nécef-
fitç abfolue& inviolable. Mais uneerreur
très-confidérable dans ce fyflême, c’eft
que les vîteffes des planètes à leurs
diilances moyennes ne diminuent point
en proportion fimple, mais comme les
racines quarrées des nombres qui les
expriment. Cela n’empêcha pas qu’à fon
arrivée notre Philofophe ne voulût expliquer
par fou fylleme la caufe de la
pefanteur.
I l publia aprè&çelâ par la même voie
plufieurs mémoires géométriques tres-
favans. Dans ce temps-là M. I^mani ,
célèbre Géomètre Italien, ayant propofé
dans ces mêmes actes de Ûeipfick (c’étoit
en 1651a ) de percer une voûte hcmif-
phérique de quatre fenêtres telles que le
refte de la voûte fût abfolument quar-.
râble, notre Philofophe réfolut ce problème
le même jour qu’ il le v i t , en une
infinité de manières, & il en envoya la
folution aux Auteurs du Journal des Sa-
vans, qui le firent imprimer au mois de
Mars de la même année. I l donna egalement
& a v ie la même facilité la folution
dé plufieurs autres problèmes géométriques
très-difficiles, propofés par MM.
Bernoulli ( f ) . C ’étoit une forte de prodige
qui étonnoit toute l’Europe favante:
mais notre Philofophe, moyennant le
nouveau calcul des infinis qu’il avoit
imaginé, & dont il avoit déjà publié
les principes dans les actes d eL eipfick,
comme on a vu ci-devant, Ce jouoit des
plus grandes difficultés. Il continua d’enrichir
les Journaux de foîutions des
différens problèmes géométriques, & de
mémoires philofophiques , qui lui firent
une très-brillante réputation. Parmi ces
derniers morceaux, on diftingue fur-tout
fon explication du mouvement du mercure
dans le baromètre, fùivant le chan(
e ) On appelle Aphélie le point de l’orbite d’une
Tsrihélie , le point de fa plus grande proximité.
i f ) Voyez l’Hiftoire de Jean Bernoulli d^ns pe
gement de temps, & une lettre for une
manière deperfeftionner la Médecine, inférée
dans le Journal des Savans
Cette manière confîfte à donner chaque*
année une lifte des baptêmes & des morts,
à tenir regiftre des viciffitudes du temps,
de la qualité des faifons, & de celles des
maladies qui ont eu cours parmi les
hommes & chez les animaux, & à faire
imprimer tous les ans un recueil fuccint
dé ces obfervations. On lit à la fin de
cette lettre une vérité bien, déplorable,
c’eft que le foin de l’ame & du corps eft
la première chofe à laquelle on devroit
penfer , & la dernière à laquelle on
penfe. I l parut encore dans le Journal
des Savans de la même année un fyflême
nouveau delà nature & delà communication
desfubjlancesy auffi bien que de Vunion
qu il y a entre Vame & le corps ; fyflême
d’une Métaphyfique très-fubtile qui le
combla de gloire : car c’eft une chofe
extraordinaire , 8c qui fut admirée de
tout le monde, que la facilité avec laquelle
L eibnitz pafloit d’une matière à
l’autre, & les approfondifloit. C e n’étoit
point une connoiffance acquife par le
temps 8c par l’habitude d’apprendre, qui
les lui rendoit propres ; c’étoit uniquement
l’ouvrage de fa fagacité extrême ,
8c de fa prodigieufe pénétration ; 8c voilà
le çara&ère du grand génie.
A u milieu de fes dodes occupations,
notre Philofophe étoit toujours pénétré
des fentimens de la reconnoifiance qu’il
devoir aux attentions continuelles du
Prince de Brunfwick , 8c il ne négligeoit
point les occafions où il pouvoit les lui
témoigner. Par un effet de ce zèle, il
foutint en contre Kulpitius ,que le
titre de Grand Porte-Enfeigne de l’Empire
appartenoit au Duc d’Hannovre. I l fit
enfuite paroître une lettre fur la Maifon de
Brunfwick 8c d’Eft, au fujet du mariage du
Duc de Modène.Senfible à toutes ces marques
d’attachement,le Duc d’Hannovre le
nomma Confeiller privé de fa Juftice, I l
Planète de fon plus grand éloignement du Soleil j de
volume,
apprit
Apprit dans le même temps que l’A cadémie
Royale des Sciences de Paris, ayant
eu la liberté de choifir des Affociés
étrangers, fans avoir égard à leur religion
, il avoit eu part à fon choix.
Cette affociation lui infpira la penfée de
fonder une femblable Académie à Berlin
, Capitale de la Pruffe. I l propofa fon
projet à l’Eleéteur de Brandebourg, qui
fut reconnu Roi en 1 7 0 1 , 8c il eut la
fatisfaélion de le voir agréé. Ce Prince
lui fournit tous les fonds néceffaires pour
le mettre à exécution , 8c l’en déclara en
même-temps Préfident perpétuel.
T ou t concouroit à accumuler fur la
tête de notre Philofophe les fatisfaélions
8c les honneurs. Son nom étoit avanta-
geufement connu aux quatre coins de
l ’Univers ; & l’Allemagfie glorieufe de
l’avoir produit, ne ceffoit de lui rendre
toutes fortes d’hommages. Son nouveau
calcul de l’infini excitoit fur-tout l ’admiration
, parce qu’il enfantoit tous les
jours de nouvelles merveilles. Newton en
avoit bien inventé un femblable , mais
on ne parloit dans le monde que de celui
de L eibnitz. Les Anglois furent jaloux
de cette prédilection; 8c cette jaloufîe augmentant
chaque jou r, elle vint au point,
de refufer à notre Philofophe l ’invention
de fon calcul» Pour perfuader au Public
cette étrange opinion, on fit jouer une
infinité de refforts , on pratiqua différentes
manoeuvres , & non content de
le dépouiller de fon propre bien, on le
taxa encore de s’approprier celui d’autrui.
L eibnitz n’étoit pas feulement
doué de beaucoup d’efprit 8c de pénétration
: il avoit encore , comme tous les
grands génies, une pobleffe d’ame , qui
le rendoit fenfible à toutes les imputations
qui pouvoient donner atteinte
aux- qualités de.fon coeur. I l fut donc
très-touché de ces injuftices qui empoi-
fonnèrent le refte de fes jours. Le détail
de toute cette affaire forme l’Hiftoire
du calcul de l’infini. Comme ce morceau
eft très - important, & par lui - même, 8ç
par rapport à la gloire de notre Philofophe
, je vais expofer les découvertes
qu’il fit au milieu de ççtt£ 4i£-
pute , afin de ne point interrompre Je
fil de ma narration, qui nous conduira à
la fin de fa vie.
C ’eft en 1700 que fut fondée par fes
foins l’Académie de Berlin. I l reçut
dans ce temps-là des pièces rares pour
le fécond volume de fon Code Diplomatique
; & il crut devoir faire honneur à
ces pièces , en publiant ce volume. I l
reprit enfuite fes travaux philofophiques.
Ces occupations rappelèrent à fa mémoire
, qu’il avoit envoyé à un Jéfuite
François, qui rélîdoit à Pékin, ( le Père
Bouvet ) une nouvelle manière de compter.
C ’étoit une idée imparfaite qui lui
revint dans l’efprit, 8c qu’il voulut approfondir,
Il s’agiftôit de Amplifier le calcul
ordinaire d’Arithmétique. A u lieu des
dix caractères 0 , 1 , 2 , 3 , 4 , &c. qu’on
emploie dans ce calcul, L eibnitz vou-
loit qu’on ne fe fervît que de deux caractères
1 8c o ; le zéro multiplioit tout
par deux. Ainfî 1 fait u n , mais 1 o fait
deux , 1 1 trois , 100 quatre , 10 1
cinq, 1 1 0 f îx , n i fep t, 1000 h u it,
10 01 neuf, & r o i o d ix , ainfî de fuite.
Son deffein , en réduifant les nombres
aux plus fimples principes , comme font
o & 1 , étoit de former un ordre commode
par toutes les çombinaifons ; 8c il
appeloit cette invention VArithmétique
Binaire,
Les réflexions que fit notre Philofophe
fur cette Arithmétique, le condui-
firent à la recherche d’une caraCtériftique
univerfelle ; je veux dire, à l’art de rendre
les idées par des caraÇtères réels ,
au lieu qu’elles n’expriment que des
noms. A cette fin il avoit formé une
efpèce d’A lphabet de pen fées humaines,
8c un homme intelligent s’étoit chargé de
mettre en ordre fous fes yeux les définitions
de toutes les chofes ; mais di-
verfes occupations interrompirent ce
travail, & il fit volontiers le facrifice de
la fuite de cette idée brillante, au Roi
de Pruffe, qui avoit befoin de fa plume. I l
étoit queftion de prouver les droits de ce
Prince à la fucceflîon delà Principauté de
Neufçhatel. Notre Philofophe compofa
à eet effet un beau Mémoire, dans lequel
E.