lignai de la révolte, ôc la révolution
fe fit. C’eft aux Grecs qu’on en fut
redevable. Quelques-uns d’entre
eux s’étant expatriés volontairement,
ou fugitifs de Conftantinople,
dont Mahomet I I s’étoit emparé ,
vinrent en Italie vers le milieu du
quinziéme fiècle, & déclamèrent
hautement contre l’ignorance &
contre les vices qu’elle traîne à fa
fuite. De l’Italie, ce renouvellement
paffa en Allemagne, ôc de-là
il gagna toute l’Europe.
C ’eft - là l’époque de la re-
naiffance des Lettres , ôc du quatrième
âge de la Philofophie ,
lequel eft celui des Philofophes
modernes dont je me propofe
d’écrire l’Hiftoire. Il eft naturel
de penfer que cet âge eft com-
pofé des plus beaux jours de la
Philofophie. Montés fur les épaules
des Sages de l’antiq uiré,pour me fer-
vir d’une expreffion de M. de Fonte-
nelle, les Philofophes modernes ont
vu beaucoup plus loin qu’eux. Ils
©nt corrigé ce qu’ils avoient établi
de défeôtueux ; ils ont profité de
ce qu’ils ont laiffé de bon, ôc l’ont
perfeâionné : aux découvertes qu’ils
avoient faites , ils ont ajouté les
leurs ; ôc l’efprit échauffé par cette
double clarté, a prefque ofé fixer
les limites de nos connoiffances.
Ce qu’il y a de certain , c’eft que
les grands coups font frappés. Les
Sciences exaôtes touchent à leur
terme. Les fens font aufti perfectionnés
qu’ils peuvent l’être. Et
quoique l’étude de la nature fbit
immenfe, les forces de l’entendement
humain font déterminées.
On doit donc s’attendre à trouver
dans cette Hiftoire des Philofopl ies
modernes les choies les plus curieu-
fes ôc les plus tranfcendantes. Tout
ce que la Métaphyfique a de plus
fublime ôc de plus fenfé, la Morale
de plus vertueux , les Mathématiques
de plus utile , la Phyfique de
plus curieux, ôtl’Hiftoire naturelle
de plus rare, en forme le riche tableau.
Les matériaux en font auffi
tres-abondans ; ôc la principale difficulté
confifte fans doute à faire un
bon choix ; à faifir l’effentiel des
chofes , à le préfenter avec netteté
, ôc à concilier l’élégance ôc la
clarté avec l’érudition ôc la critique.
Je ne me flate pas d’avoir réuni
toutes ces qualités dans cette
Hiftoire. Ce feroit penfer que j’ai
fait un Ouvrage parfait ; ôc bien loin
d avoir cettepenfée, je fens qu’il ne
m’eft pas même permis de î’ambi-
tionner. Je rends compte ici de
mon travail ; je pourrois ajouter du
defir que j’aurois de plaire ait. Pu*
blic : du refte c’eft aux Savans à juger
de l’un ôc de l’autre. Mais je
dois dire que j’ai confulté tous les
Ouvrages , Mémoires , Eloges ,
Notices, ôcc. qui ont paru fur les
Philofophes modernes , ôc que je
me fuis attaché fur-tout à puifer
leur morale , leurs fyftêmes , ôc
leurs découvertes dans leurs pro»
près Ecrits. Parmi ces Ouvrages ,
il en eft un trop eftimable ôc qui
m’a été trop utile , pour nen pas
faire une mention particulière. Il
eft intitulé : Jacobi Brukeri Hijioria
Critiea Philofophioe à mundi incuna-
bulis ad nojlram ufque ætaterrl deduSia,
cinq Volumes i»-4°. C’eft un Livre
très-favant , qui contient des recherches
immenfes , ôc une critique
prefque toujours judicieufe,
ôc qui laifferoit peu de chofes à
defirer, fi l’Auteur n’eût pas fuivi
le plan dont je viens de faire voir
les inconvéniens ; (je veux dire l’ordre
des fiècles, fans diftinôtion de
elaffes de Philofophes ; ) s’il étoit
moins diffus ; s’il ne coupoit pas
fans ceffe fa narration par des di-
greflions affommantes , ôc fi fon
Latin fe reffentoit un peu de celui
du fiècle d'Augufte.
J’ai cité au bas de la page où
commence l’Hiftoire particulière
d’un Philofophe, les Mémoires d’après
lefquels j’ai Compofé fa vie ;
mais je n’ai indiqué que les principaux
, pour ne point faire parade
d’une érudition faftueufe. J’ai fup-
primé par cette raifon les citations
des Ouvrages où j’ai puifé plufieurs
anecdotes , parce que ces Ouvrages
ont un rapport trop éloigné
avec l’Hiftoire des Philofophes ; ôc
j’ai cru ne devoir nommer que ceux
qui les concernent particulièrement.
Cela m’a paru fuffifant pour
mériter la confiance du Lecteur :
car un bon choix fuppofe ôc une
connoiffance très-étendue de la
< A CE* vij
matière que l’on traité» ÔC ünegran*
de jdfteffe d’efprit. Auffi quand on
eft àffez heureux que de le faire »
on eft fur d’avoir des traits vrais ôc
en grand nombre. Avec un peu
d’attention, on n’avartce que des
faits qu’on ne peut révoquer en
doute , ôc on connoît aifément
ceux qui n’ont pas une authenticité
fuffifante. A cet égard , je
crois qu’il vaut mieux encourir le
reproche de n’avoir pas été affez
crédule, que celui de l’avoir trop
été ; ôc c’eft: le parti que j’ai pris.
Ce feroit peut-être ici le lieu de
parler de l’utilité de cette Hiftoire
; de faire fentir que nous n’avons
encore que l’Hiftoire des anciens
Philofophes ; que celle des Philofophes
modernes manqué abfolu-
ment ; ôc qu’une compofition dans
laquelle on doit préfenter les pen-
fées , les fyftêmes , ôc les découvertes
des plus grands Génies, ne
peut former qu’un Ouvrage extrêmement
curieux, ôc très-important
pour le bien de l’humanité. Cette
utilité frappera toujours les perfon-
nes qui penfent ou qui voudront y
réfléchir. Il eft néanmoins un avantage
effentiel à décliner : c’eft qu’en
expofant en grand ôc avec foin les
fentimens des Philofophes, le Public
connoîtra enfin leur véritable
doctrine. Nous avons , il eft vrai,
beaucoup de Livres où l’on en
trouve des Extraits ; mais bien loin
que ces morceaux.ayent donné une
jufte idée des Philofophes, ils n’ont