ture d’une montfe qu’on fafle rétrograder
Ton aiguille de plufîeurs minutes. O r
il eft évident que l ’aiguille étant une
fois rétrogradée, fa fituation doit différer
à chaque inftant de celle qu’elle auroit
eu fans cela. Par conféquent, afin que
fa lïtuation future puiffe être la même
qu’elle auroit été fi elle n’avoit pas été
rétrogradée d’une manière extraordinaire
, il faut que l ’aiguille foit ramenée au
même point où elle feroit fans cette rétrogradation
forcée. Concluons donc que
l’effet d’un miracle qui ne feroit pas
détruit par un autre miracle, dérange-
roitabfolumentla marche de la nature, &
donneroit par conféquent atteinte à la
perfection du monde ; car cette perfection
confifte en ce que toutes les raifons particulières
des Etres co - exiftans & des
Etres fucceflïfs, fe rapportent à une feule
raifon générale.
Principes de IV o z f fur la Pjychologie ou
la DoCtrine de Vame•
L ’ame eft cet Etre qui en nous a le
fentiment intérieur de nous-mêmes,&
d’autres chofes hors de nous : ou autrement
, c’elt ce qu’il y a en nous qui a
le fentiment intérieur de notre exiftence.
Pour connoître cet E tre , on divife la
Pfychologie en Pfychologie expérimentale
, & en Pfychologie raifonnée. La
première a pour but d’établir , à l’aide
de l’expérience, les principes par lefquels
on peut rendre raifon de tout ce qui fe
pafle dans l’ame ; &-la fécondé eft la
îcience des chofes qui font pofiibles en
vertu de l’effence & de la nature de
Paine.
L ’ame exifte , car nous exiftons en
tant que nous avons le fentiment intérieur
de nous-mêmes; & nous fommes ame,
en tant que nous avons ce fentiment.
L ’aéie de notre ame, par le moyen duquel
elle a ce fentiment intérieur, eft la
penfée. Ainfi penfer , c’eft avoir un fentiment
intérieur des chofes qui, fe paffent
en nous, & de celles que nous nous re-?
préfehtons comme hors de nous. On appelle
perception,cet a&e de l’ame par lequel
elle fe repréfente quelque objet
que ce foit; & on nomme apperception,
le fentiment intérieur que l’ame a de fes
perceptions.
L ’ame apperçoit ou clairement ou
obfcurément fes propres perceptions. On
donne le nom de lumière de Vame , à la
clarté des perceptions. E t l’ame eft dite
illuminée , en tant qu’elle acquiert la
faculté d’appercevoir clairement Les-cho-
ies , en forte qu’elle fente intérieurement
ce qu’elle apper.çoit -, & qu’elle le
diftingue exactement de tout autre objet.
A u contraire, l ’obfcurité & le défaut de
perception forment ce qu’on appelle les
ténèbres de l’ame. Les perceptions , dont
la raifon eft contenue dans les change-
mens qui arrivent dans les organes de
notre corps , s’appellent fenfations. L ’organe
eft toute partie du corps, dans les
changemens de laquelle fe trouvent les
raifons* des perceptions que nous avons
des chofes matérielles de ce monde.
Ainfi la faculté de fentir, ou le fentiment,
eft la faculté ri’appercevoir les objets
extérieurs , qui caufent du changement
dans les organes fenfitifs de notre corps.
Nous avons cinq organes, aux changemens
defquels répondent des perceptions
particulières , qui font la Vue , VOuïe,
VOdorat, le Goût Sc le Toucher.
L a Vue eft la faculté d’appercevoir
les objets convenablement au changement
que la lumière a occafionné dans
l’oeil. LïOùie eft la faculté d’appercevoir
le fon convenablement au changement
qu’il produit dans l’oreille. D ’Odorat eft
la faculté d’appercevoir les chofes convenablement
au changement que les écou-
lemens des corps odoriférans caufent
dans les narines. Le Goût eft la faculté
d’appercevoir les faveurs convenablement
au changement que les alimens
broyés par les dents impriment à la
langue. Enfin le Toucher eft la faculté
d’appercevoir les qualités & la quantité
des corps , conformément au changement
qu’ils opèrent fur notre corps par
le contaCt.
Il y a divers degrés dans les fenfations.
Une fenfation eft plus forte q.u’une aa-.
tre , lorfque nous en avons une perception
plus vive. L ’ame, en éprouvant ces
fenfations, ne fauroit y rien changer , ni
fubftituer à fon gré une fenfation à l’autre
, lorfqu’un objet fenfible agit fur nos
organes ; & il n’y a point de changement
caufé dans l’organe , auquel une
certaine fenfation & une idée particulière
ne répondent dans l’ame. 11 eft cependant
en fon pouvoir de reproduire les
idées des objets fenfibles abfens ; de
forte: que fi l’ame s’apperçoit des objets
par le moyen des lèns , elle peut en
reproduire les perceptions lors même
qu’ils font abfens. On nomme imagination
, la faculté que l’ame a de produire
des perceptions des chofes fenfibles ab-
fëntes. L ’idée produite par ^imagination
Rappelle image.
Les a&es de l’imagination font équi-
valens aux fenfations foibles» Par la même
raifon , les fenfations obfcurciffent
les aCtes de l ’imagination jufqu’à les
rendre quelquefois imperceptibles. E t
comme les-fenfations plus foibles deviennent
plus- claires lorfque les plus
fortes viennent à celfer , les aéles- de
Pfmagination fontauffi plus clairs quand
ils font feuls, que lorfqu’ils co-exiftent
à des fenfations. I l y a des temps où
toutes nos fenfations & toutes les images
de d’imagination femblent ceffer entièrement
toutes à la fois-, de manière que
nous n’avons abfolument aucune perception
de quoi que ce foit ; & ce temps
eft celuïdu fommeil. Il arrive aufli quelquefois
que nous appercevons des chofes
abfentes , nos perceptions fe fuccédant
les unes aux autres pendant'un certain
temps , jufqu’à ce que nous nous réveillions,
ou que nous dormions d’ un
profond fommeil ; c?èft ce qu’on appelle
fonger. Le fonge, eft donc cet état de
l’ame où elle n’a'pperçoit clairement que
des chofes abfentes. I l tire fon origine
d’une fenfation, & il fe continue par une
fueceifiom d’images.
Outre la faculté que l’âme a d’imaginer
, elle a encore celle de feindre, c’eft-
à-dire , de produire des images d’une
chbfe que les.fens n’ont jamais apperçue,
par le moyen du partage & de la com-
binaifon des images. Cela arrive lorf-
qu’elle combine des chofes qui répugnent
l’une à l’autre , ou qui naturellement
ne fauroient fe trouver réunies dans
un même fujet. Un Etre feint eft donc
ce à quoi l’exiftence répugne en effet,
quoique nous fuppofions qu’elle ne lui
répugne point. On appelle chimère, l’i mage
qui repréfente un Etre feint. Ainfi
c’eft produire une chimère, que de combiner
des chofes qui fe répugnent l’une
à l’autre , ou qui naturellement ne fauroient
fe trouvei; réunies dans le même
fujet.
Une troifième faculté de l ’ame, c’eft
de reconnoître une idée reproduite , lorf-
qu?on a un fentiment intérieur que l’on
a déjà eu auparavant cette idée. Cette
faculté fe nomme mémoire. Retenir une
chofe ou en conferver la mémoire, c’eft
donc conferver la faculté d’en reproduire
l’ idée & de la reconnoître. On a une
bonne mémoire , lorfqu’ôn mémorife ou
qu’on fe fouvient promptement & facilement
d’une chofe, & qu’on la retient
long-temps.Ainfi ,.pour qu’une mémoire
foit bonne , il faut qu’elle ait de la
promptitude , de la facilité & de la durée.
L a mémoire eft grande, quand elle
peut reproduire & reconnoître les idées
d ’un grand nombre de chofes, & retenir
une longue fuite de chofes. On la rend
telle en l’exerçant , c’eft-à-dire en répétant
les mêmes aétes quant au genre
ou à l’éfpèce. Car c’eft par l ’exercice que
l ’imagination parvient à reproduire plu-
fieurs idées tout à la fo is , & à les conferver
inviolablement pendant un long
efpace de temps. Dans cet exercice , il
faut toujours aller d’un moindre degré
d’étendue à un plus grand degré , ou
autrement commencer par les chofes les
plus faciles, & remonter infènfiblement
aux plus difficiles.-Au refte, rien n’aide
plus à la mémoire que les perceptions
diftinétesi On retient beaucoup plus
long-temps , & on mémorife bien plus
facilement les- chofes - qu’on apperçoir
diftïnétement, que celles dont on n’a que
des perceptions confufes. I l y a-encore