gager D escartes à entreprendre ce voyage.
I l lui écrivit les intentions de Chrijiine,
qui ne furent pas affez puiflantes pour le
déterminer. Mais il reçut des lettres confé-
cutives fi prenantes, qu’il fe fentit ébranlé.
Malgré toutes fes appréhenfions, & les
difficultés qu’il trouvoit dans un voyage
qu’il eftimoit très-dangereux à fa fanté, il
crut ne pouvoir refufer cette fatisfa&ion
à la Reine. De forte qu’il fît favoir à
M. Charnu qu’il étoit enfin déterminé de
partir pour Stockholm vers le milieu de
l ’E té , pourvu qu’il lui fût permis de revenir
chez lui ( à Egmond ) dans trois mois.
Pendant ces irréfolutions , la Reine
impatiente de le v o ir , 8c préfumant de
fa bonne volonté, avoit donné ordre à
M.Flemming, Amiral de Suède , de l’aller
prendre à Amfterdam, 8c de l’amener
avant la fin du mois d’A vril. L ’Amiral
fe rendit à Egmond pour montrer à
notre Philofophè les ordres de Chrijiine.
Comme il n’annonça pas fa dignité, D escartes
le prit pour un fimple Officier 'de
Marine. I l s’excufa cependant avec beaucoup
de civilité de ne pouvoir le fuivre ,
parce qu’ayant écrit, dit- il, auRéfîdent
de France y il en attendoit une réponfe qui
lui expliqueroit les dernieres volontés de
la R eine, & le détermineroit fur fon v o y a ge.
M. Flemming l’avoit à peine quitté,
qu’il reçut une lettre de M. Chanut, par laquelle
il connut quel homme c’étoit que
l’Officier de Marine. Cependant cette attention
de la part.de la Reine de Suède,
& les politefTes de ce Seigneur, ne fixèrent
point encore fes réfolutions. Mais
M. Çhanut étant parti de Stockholm pour
venir rendre compte de fa réfidence au
Roi fon maître, alla chercher fon ami dans
fon hermitage d’Egmond, & acheva de
lever le refte des difficultés qu’il trouvoit
à fon voyage. Il le quitta pour aller à Paris,
dans la réfolution de le reprendre à fon
retour pour la Suède, où’ il devoit aller
en qualité d’Ambaffadeur. Des affaires
l ’ayant néanmoins retenu à la Cour de
France plus qu’il ne le comptoit, notre
Philofophè crut devoir profiter de la belle
faifbn pour fe mettre en route, 8c de prévenir
fon ami qui ne devoit partir que dans
l ’H iver. Avant fon départ il régla toutes
fes affaires, comme s’il eût preflenti qu’il
ne reviendroit jamais.
Enfin il quitta fa chere folitude le premier
jour de Septembre 1 64$ , & s’embarqua
au port d’Amfterdam, accompagné d’ un
feul domeftique. I l arriva heureufement à
Stockholm au commencement d’Oétobre,
& alla defcendre chez Madame Chanut, où
il trouva un appartement qu’il ne lui fut
pas libre de refufer. I l y reçut toutes fortes
d’avantages & de politenes. L e lendemain
de fôn arrivée il alla faluer la Reine,
qui le reçut avec une diftin&ion qui fut remarquée
de toute la Cour, & qui contribua
peut-être à augmenter la jaloufie de
quelques Savans, à qui fa venue fembloit
avoir été rédoutable. A la fécondé vifite
qu’il fit à Chrijiine, Sa Majefté lui dit
qu’elle avoit réfolu de le retenir en Suède
par un bon établiffement. Mais comme
notre Philofophè s’étoit prémuni contre
toutes les follicitations, il ne répondit que
par un compliment.
L à 'R e in e prit enfuite des mefures
pour apprendre fa Philofophiè, & elle
convint avec lui qu’il viendroit tous les
matins à cinq heures. Cette heure étoit le
temps le plus favorable pour e lle , tant
parce que c’étoit le plus tranquille 8c le
plus libre de la journée, que parce qu’elle
croyoit que fon efprit feroit plus difpofé
alors à l’application qui étoit néceffaire
pour cette étude Cela conclu, Sa Majefté
lui accorda la permiffion qu’il avoit demandée
d’être difpenfé de tout le cérémonial
de la C o u r , & d’être délivré de ces
afliijettiflemens que les gens qui penfent,
appellent les miferes des Courtifans. Mais
avant que de commencer, elle voulut qu’il
prit un mois ou fîx femaines pour fe recon-
noître , fe fainiliarifer avec le génie du
pays, 8c faire prendre racine à fes nouvelles
habitudes par lefquelles elle efpéroit
lui faire goûter fon nouveau féjour, & le
retenir auprès d’elle le refte de fa vie.
Chrijiine eut plufîeurs occafions de recon-
;noître pendant ce temps-là toute l ’étendue
du génie du grand homme qu’elle
vouloit fixer dans fes Etats. Elle vit bien
qu’il manioit également les fciences les plus
abftraites
abftraites 8c la politique la plus fubtile.
Cette derniere confédération l’engagea à
l’admettre dans fon confeil fecret. Une fa-
ve.ur fi marquée réveilla les jaloux. Les
Savans fur- tout en furent allarmés, 8c cherchèrent
avec foin toutes les occafions de
nuire à notre Philofophè, 8c de ralentir
l’ardeur que la Reine avoit fait paroître
pour Dans l’étude La Reine ce lui communiqMua.temps-de fa Philofophiè. là l avoit de retenir eC dheafnfeuitn qarur’ievlale. el et ocuhtaersg efeas d e’oxbctuefneisr Descartes fonconfentement.auprès d’elle,
D8c rpaamrceen que le qt prétexte ua’veolliet sb’aepaupceorcuepv de la r,i gCuheruijri nc’léimcoautt a, oài tf qouueff indeu froirn d taenmsp uén
pmaoyyse nfi qfruo’eidll.e Ecrlluet pcarpopabolfea dcee plee nfidxaenr t: ucne fbulet ddae ncshJoeisf itre rurnes b leiesn p lnuosb mleé cioonnafildeés rdae- lvair Sounè dtreo;i sd em luilil ec oéncftuitsu/e&r udne 8ricd r elvuei nfaui rde’e unn
ddoe nf oernt ep rqoup’reell de ep lûat f peiagfnfeeru priaer dfue clcae Tff eiornr eà, lfe’As mhébraitfileardse. uUrn fue tm aattlaaqduieé pcuotiinotn f odne acme pi droanjest f. aÜ mEaSlCadAiRe ,d faunfpgeernëduifte l T;Emsanise eqluleit ’deoxnét
tfae diffipa à fes propres dépens.
M. Chanut commençoit à fe bien porter
lorfqu’il fe fentit attaqué. Les fymptô-
mes furent pareils. La feule différence,
c’eft qu’ils furent fuivis d’une fièvre conti-
nuef& d’une inflammation de poumon plus
violente. La fièvre fut interne dans les premiers
jours ; elle lui occupa tellement le
cerveau, qu’elle lui ôta la liberté de fe con*
noître 8c d’écouter les avis de fes amis.
Pour comble de malheur, le premier Médecin
de la Reine étoit abfènt; 8c les autres
Médecins qui vinrent par ordre de Sa
Majefté pour avoir foin de lui, s’étoient
déclarés fes ennemis depuis long-temps.
Notre malade en les voyant ne voulut
rien faire de ce qu’ils ordonnoient, 8c s’obf-
tina fur-tout à refufer la faignée tant que
dura le tranfport au cerveau : ce qui allar-
ma beaucoup l’Ambaflàdeur, 8c fur-tout
la Reine, qui ne manquoit pas d’y envoyer
un Gentilhomme deux fois par jour.
L e cerveau fe débarraffa le feptiéme
jour de la maladie. D escaktes commença
alors à fe reconnoître. I l fentit la fièvre
pour la première fois ; 8c comprenant le
péril où il étoit, 8c la faute qu’il av.oit
faite de refufer la faignée, il ne fongeaplus
qu’à ja mort. Il effaya pourtant fi deux
faignées abondantes pourroient le tirer
d’affaire ; mais il n’étoit plus temps. Ces
faignées n’opérerent rien, 8c notre Philo-
fophe jugea par là qu’il n’y avoit plus
d’efpérance. I l demanda un Prêtre, 8c pria
qu’on ne l’entretînt plus que de la miféri-
corde de D ieu, 8c du courage avec lequel
il devoit fouffrir la féparation de fon ame.
Par les réflexions qu’il fit fur fon état &
fur l’autre v ie , il attendrit 8c édifia toute
la famille de l ’Ambaffadeur, qui s’étoit
affemblée autour de fon lit. Et après avoir
renouvellé les fentimens dereconnoiflance
qu’il avoit pour toutes lès attentions de
M. Chanut, il remercia particuliérement
Madame fon époufe, laquelle avoit toujours
été attentive à prévenir tous fes be-
foins.
L ’après-midi du huitième jour la trarif-
piration s’embarraffa, 8c au milieu de la
nuit il parut perdre connoiffànce. La vue
s’éteignit à demi, 8c fes yeux plus ouverts
qu’à l’ordinaire furent tout égarés. Quelques
heures après, fon oppreflïon de poitrine
augmenta jufqu’au point de lui ôter la
refpiration. Mais cette ardeur étant un peu
calmée, Descartes dit à Schulter fon valet
, de lui aller préparer des panais, dont
il favoit qu’il mangeoit volontiers, parce
qu’il craignoit que fes inteftins ne fe rétré-
ciffent, s’il continuoit à ne prendre que
du bouillon, 8c s’il ne donnoit de l’occupation
à l’eftomac 8c aux vifceres pour les
maintenir dans leur état. Après en avoir
mangé, il fe trouva fi tranquille, qu’on
conçut quelque efpérance de le voir revenir.
Le malade, quoique certain qu’il en
mourroit, fe perfuada pendant tout le refie
de la journée qu’il pourroit vivre encore
quelque temps. De forte que fur les neuf
ou dix heures du foir , tandis que tout le
monde étoit allé fouper, il dit à fon valet
qu’il vouloit fe lever & demeurer un moment
auprès de fon feu. Mais étant aflis
M