A B B A D I E . *
QU oiqüe ce Philofophe jouifle d’une
grande réputation, on ne connoîtguè-
res la manière dont il a vécu. I l faut que fa
vie ait été affez obfcure & affez tranquille,
& cela fait honneur à fon caractère. Les
Auteurs des Hommes Illuftres en ont dit
très-peu de chofe , quelqu’eftime qu’ils
faflènt de fon mérite, Ils n’ont pu fans
doute être mieux inftruits, & je n*ai pas
été plus heureux qu’eux, quelque recherche
que j’aie faite. Qu’on ne s’attende
donc pas à trouver ici de grands événe-
mens. Je n’ai rien ajouté aux Mémoires
fur lefquels j’ai travaillé, & j ’ai choifi les
plus authentiques , parce que je fai que
cette Hiftoire ne doit pas feulement contribuer
à l ’amufement paffager du Lecteur
, mais à fon inftru&ion véritable.
Jacques A B B A D i E naquit en 1 65*4 à
N a ï , Ville de France fituée à quatre lieues
de Pau en Bearn. On ne fait point quels
étoient fesparens : maison eft certain que
le fameux M. la Placette, Miniftre de N a i,
prit foin de fon éducation , & lui fit faire
lui-même les premières études. On l ’env
o y a enfuite fuccelîivement à Puylaurens,
à Saumur & à Sedan, pour y étudier la
Philolbphie & la Théologie. I l fut reçu
Dofteur dans l ’Académie de cette dernière
Ville.
Quelques Auteurs prétendent que fon
premier voyage fut en Hollande. Le P.
Niceron dit au contraire qu’il vint à Paris,
oh il fit connoiflance avec le Comte diE f-
pence, premier Ecuyer de l’Eléâréur de
Brandebourg, qui l’engagea à lé fuivre#
Berlin. C e Seigneur lui procura en arrivant
la place de Miniftre de l’Ele&eur
dansl’Eglife Françoife de Berlin , qu’il
conferva quelques années. Pendant fon
féjour en cette V i lle , il alla plufieurs fois
en H ollande, tant pour faire imprimer des
Ouvrages qu’il avoit compofés, que pour
d’autres affaires. Le premier de fes Ouvrages
parut en 1680. Ce font des Sermons
fur divers textes de l’Ecriture, & un Panégyrique
de l’Eletteur. Il publia quatre
«ns après un Traité de la Vérité de la Reli-
gion Chrétienne en deux volumes. C e L ivre
enleva tous les fuffrages. Enhardi par
ce fuccès , notre Philofophe mit au jour
en 168 ƒ des Réflexions fur la préfence réelle
du Corps de JJ C . dans ÏEuchariftie. Cette
produâion n’eut pas le même fort que la
précédente , & plufieurs Théologiens la
trouvèrent peu intelligible. Cela n’empêcha
pas que fa réputation n’en acquît un
nouvel éclat. Son nom parvint au Maréchal
de Schomberg , lequel inftruit encore
plus particulièrement de fa grande fagacité,
réfolut, de ne rien oublier pour fé l’attacher.
Ses follicitations & fes lumières déterminèrent
enfin notre Philofophe à le fuivre
en Irlande fur la fin de l’Eté de 16 8 :
mais ce Maréchal ayant été tué le 22 Juillet
de l’année 165)o à la Bataille de B o y -
n e , A bbadie quitta l’Irlande pour
fe rendre à Londres.
I l fut reçu dans cette grande Ville
comme il méritoit de l’être. On commença
d’abord à le placer à l’Eglife Françoife
de Savoye en qualité de Miniftre. Peu de
temps après , le Doyenné de Killalow
en Irlande étant venu à vaquer , il fut
promu à cette dignité , dont il a joui
jufqu’à fa mort. I l ne quitta même cet
endroit que pour venir en Hollande, afin
d’y faire imprimer fes Ouvrages, qui parurent
dans l’ordre fuivant. I . U Ar t de fe
eonnoître foi-même, ou la recherche de la fource
de la Morale , en deux Parties in - 12 ,
16 p 2. C e Livre jouit d’une eftime uni-
verfelle. Il a été réimprimé plufieurs fois,
& on l’a traduit en diverfes Langues. I I .
* Memoires pourfervir à C Hiftoire des Hommes Illuftres , Critique de M. Chauffent, Art. Abbadie. Et fes Ou-
fa r lc P. Niceron, Tom. 33. Dictionnaire Hiftorique & vrages.