vent pas en nous, fans qu’il ait été en
notre pouvoir de les acquérir ou non,
ne fauroient nous être imputées, à moins
qu’on n’ait négligé de fuppléer par Tes
foins 6c par fon induftrie à un défaut naturel
, ou d’aider fes difpofitions 6c fes
forces naturelles autant qu’on le pou-
yoit.
3°. On n’eft point refponfable de ce
que l’on a fait par une ignorance invincible.
4°. L ’ignorance & l ’erreur, en matière
de loix 6c de devoirs impofés à chacun
, ne mettent point à couvert de l’imputation
des aérions qui en proviennent.
y ° . L ’omiffion d’une chofe prefcrite
ne doit point nous être imputée , lorfque
l ’occafion d’agir nous a manqué , fans
qu’il y ait eu de notre faute.
6°. I l ne faut imputer à perfonne l ’o-
milTïon des chofes qui font au-deflus de
fes forces, 6c qu’il ne pouvoit ni faire
ni empêcher, avec tous fes foins 6c toute
fon induftrie.
7°. On n’eft point refponfable de ce
qu’on fouffre ou qu’on fait par force.
8°. Les aérions de ceux qui n’ont pas
l ’ufage de la raifon, ne leur doivent pas
être imputées.
p°. Enfin on n’eft point refponfable de
ce que l’on croit faire en fonge.
Dans tout ceci l’homme jouit de là
fpontanéité , c’eft-à-dire, qu’il agitfui-
vant fa propre volonté , fans être aflu-
jéti qu’à fa confidence. Mais lî l’on confédéré
l ’homme en fbciété , ce frein ne
fuffit pas. Chaque particulier fe condui-
fant à la fàntaifie, fans confuiter autre
chofe que fon caprice, il ne pourroit que
naître de-ià une extrême confufion dans
la fociété. L ’avantage des membres qui
la compofent, demande donc qu’il y ait
quelque réglé à laquelle on foit tenu de
fè conformer. Cette réglé eft la Loi. C ’eft
une ordonnance d’un fupérieur, par laquelle
ïl impofe à ceux qui dépendent de
lui , une obligation indifpenfable d’agir
de la maniéré qu’il leur prefcrit. Cette
ordonnance , pour être jufle , doit être
fondée fur la loi naturelle. On appelle
ainfi une réglé qui convient fi invariablement
à la nature raifonnable 6c focia*
ble de l’homme, que fans l’obfervation
de fes maximes,il ne fauroit y avoir parmi
le genre humain de fociété honnête & pai-
fible. L e principe fondamental de cette
lo i , eft que chacun doit travailler autant
qiüïl dépend de lui, à procurer & à main-
tenir le bien de la fociété humaine en général.
Les autres obligations qu’elle impofe
& qui découlent de cette lo i , font
ce qu’on appelle Devoirs. I l y a trois fortes
de devoirs. La première forte regarde
Dieu ; la fécondé nous-mêmes j & la
troifiéme les hommes.
I . Des devoirs de l’homme envers Die»;
Autant qu’on peut découvrir ces devoirs
par les feules lumières de la raifon , ils fe
réduifent en général à la connoijfance 8c au
culte de cet Etre fuprême. Tels font les
principes de cette connoifiance.
1. I l y a un Dieu.
2 . Dieu eft créateur de l ’Univers.
3. Dieu conduit 6c gouverne tout ce
monde par une fage providence , qui
prend foin particulièrement du genre humain.
4. Dieu n’eft fufceptible d’aucun attribut
, qui renferme la moindre imperfection.
On diftingue le culte de la Divinité en
culte intérieur & en culte extérieur. L e
culte intérieur confifte dans Vhonneur que
l ’on rend à Dieu. On honore Dieu , lor£
qu’à la vue de fa puiflance & de fa bonté
infinies, on conçoit pour lui tous les fen-
timens de refpeét 6c de vénération dont
on eft capable. De-là découlent ces vérités
, qui forment le culte intérieur.
1 . Aimer Dieu comme la fôuree âc
fauteur de toutes fortes de biens.
2. Efpérer en lui.
3 . Se repofer fur fa volonté.
4. L e eraindre.
j . Etre difpofe'à lui obéir en toutes-
chofès avec une entière fourmilion.
A l’égard du culte extérieur, voici
les principaux devofrs qu’il exige.
1 . Rendre grâces à Dieu de tous les-
biens qu’on a , parce qu’on les a reçus de
fa main.
2. Lui obéir en tout ce qu’il nous pref-
crit.
3. Admirer & célébrer fa grandeur infinie.
4. Lui adreiïer des prières.
y. Ne jamais jurer que par fon nom,
lorfqu’on efl réduit à la néceffité du ferment.
6. Tenir religieufement ce à quoi l’on
s’eft engagé en prenant Dieu à témoin.
7 . N e parler de lui qu’avec laderniere
circônfpeétion , & par cônféquent ne
point faire entrer fon faint nom dans nos
difcours légèrement & fans néceffité ; ne
point jurer, fans de fortes r.aifons, 6c ne
jamais s’engager dans des recherches .eu-
rieufes & fùbtiles fur fa nature 6c fur
les voies de fa providence.
8. Ne faire qu’excellent en fon genre,
& propre à témoigner à Dieu un profond
refpeét , tout cé qu’on fait par rapport
à lui.
y . Lé fe rvir 6c l’honorer non-feulement
en particulier, mais encore en public 6c à
la vue de tout le monde, ( autant qu’on
le p eu t, fans^éxpofer la Majefté Divine ■
aux railleries ou aux infultes des profanes
, 6c fans s’attirer quelque mal en s’abstenant
de certains aétes extérieurs, dont
l’omiffion n’emporte aucune marque de
mépris. ) (a)
iipV, Enfin s’attacher de toutes fes forces
à la pratique des devoirs' que la loi
naturelle nous prefcrit par rapport à nous-
mêmes 6c par rapport à autrui ; car rien
n’eft plus agréable à Dieu que l’obéif-
fance à fes loix , & la loi naturelle eft
une loi divine.
I I . Des devoirs de l’homme par rapport
à lui-même. I l femble qu’on ne devrait
point impo er dés devoirs à l’homme à
fon égard. Son amour propre le porte invinciblement
à prendre beaucoup de foin
de lui-même, 6c à chercher fon avantage
par toutes fortes de voies. Cependant il
eft certains devoirs que l’amour propre
ne diète point, & qu’on ne fauroit fe dif-
penfer de remplir, fans fe rendre coupable
envers l’Auteur de fon être. Ces devoirs
regardent l’ame 6c le corps.
Les devoirs de l’ame fe réduifent en
général à former l’efprit 6c le coeur, c’eft-
à-dire, à bien régler les mouvemens de
notre ame, à les conformer aux maximes
de la droite raifon, 6c à fe procurer toutes
les qualités néceflaires pour mener une
vie honnête 6c fociable. A cette fin , on
doit d’abord tâcher de fe faire une jufle
idée de foi-même & de fa propre nature.
En effet cette connoifiance bien entendue
découvre l’origine de l’homme 6c le
perfbnnage qu’il doit jouer par une fuite
nécefîairede fa condition naturelle. De là
découlent les conféquences fuivantes >
qui forment autant de devoirs particu.-
liers.
1 . N ’agiflez point à l’étourdi ou à l’aventure
j mais propofez - vous toujours
une fin déterminée, poffible & légitime ,
6c dirigez, convenablement à cette fin ,
tant vos propres aérions que les autres
moyens néceflaires pour y parvenir.
2 . Jugez toujours pareillement des
chofes femblables , 6c après avoir une
fois bien jugé, ne vous démentez jamais-
3. Ne recherchez jamais rien qu’après
une mure délibération., & n’agiflez ja mais
contre vos propres lumières.
4. Travaillez autant que vous le pouvez
à faire, 6c de vos facultés 6c de vo&
forces , un ufage légitime 6c conforme
aux maximes de la droite raifon.
y . Examinez bien fi les chofes qui font
hors de v o u s , font proportionnées à v os
forces ; fi elles contribuent à l’acquifition
de quelque fin légitime, 8c fi elles valent
la peine qu’elles vous donneront.
6. Sachez le jufle prix, des chofes qui
excitent vos défîrs.
7 . Rendez-vous maître de vos paf-
fïons.
8. Enfin après avoir fait tout ce qui
dépend de v o u s , confblez-vous des ac-
cidens imprévus 6c du défaut du fuccès.
Vo ilà en quoi confiftent les foins indif-
penfables que chacun eft tenu de prendre
par rapport à fon ame. E t v oid ceux
qu’il doit avoir pour fon corps.
(*) Cette réflexion Judicieufc eft de M. Barbeirac. »traducteur de quelques Ouvrages dePut'ENDoJtï*.