N ewton dans un cas prefque fem-
blable à celui-ci. Les anciens Géomètres
, pour connoître les courbes
, les fuppofoient compofées
d’une infinité de petites lignes droites
(a). Cette fuppofition fit de fâcheux
progrès dans la Géométrie,
qui ne comporte aucune hypothèfe.
Newton le comprit le premier, &
blâma cette méthode. Il ne voulut
point qu’on regardât les courbes
comme formées pour en développer
la nature. Il prétendit que leur
carâQere devoit dépendre de leur
formation. Il ne chercha pas quelle
raifon ou quel rapport déterminoit
telle ou telle courbe, mais pourquoi
telle courbe étoit déterminée par
telle raifon. En. un mot, il oublia
qu’il y eût des courbes ; & à l’aide
de principes inconteftables, il forma
toutes celles qui étoient connues,
& beaucoup d’autres qu’on ne
connoiffoit pas. Par ce moyen il n’y
eut plus'd’hypothèfe ; & le calcul
des infiniment petits, qui étoit l’objet
du travail de Newton, & contre
lequel de grands Géomètres s’é-
toient révoltés, gagna tous les efi
prits, & acquit la même certitude
que la Géométrie,
Tel eft le cas où fe trouve le fyf
tême du monde de Newton. Tant
qu’on ne remontera pas au principe
du mouvement des corps céleftes ,
on ne pourra ni en établir une théorie
générale, ni la former fans une
fuppofition. Car il ne fuffitpas, d’après
les effets connus , de fuppofer
une caufe. Il faut encore indiquer
une caufe d’où les effets découlent
néceffairement. Je veux dire, que
de même que Newton a oublié le
earaâere des courbes pour en connoître
la nature, on doit fermer les
yeux fur les différens mouvemens
des Aftres, pour mettre à découvert
la caufe de ces mouvemens.
Enfin le véritable principe de tous
ces mouvemens doit être tel qu’un
homme qui l'auroit trouvé, fans les
avoir obfervés, les devinât en quelque
forte, en les déduifant de ce
principe.
Or ce principe a dû exifter. De
quelque maniéré qu’on envifage la
durée du monde, les Planètes ont
été déterminées dans leur fituation
par une caufe. C’eft juftement cette
caufe qu’il s’agit de découvrir ; &
cette recherche eft très-rajfonna-
ble. Car les corps céleftes n’ont pu
de toute éternité être en mouvement
, & en même temps appéter
le repos par la tendance ou l'attraction
dont on fuppofe qu’ils font
doués. Il faut opter. Ou le propre
de la matière eft d’être en mouvement,
ou en repos. Si elle tend fans
ceffe à fe mouvoir, elle ne tend à
[a] Voyez l’HiJloire critique âu.Calcul des in- plie ado n. du Calcul différentiel Ce intégral d la
fmment petits, contenant la Métaphyfique C- la rrjciudcn de piufieurs Problèmes.
Théorie de ce calcul, imprimée à la tête de l'Apaucun
centre de repos, & par con-
féquent les Planètes ne font point
attirées par le Soleil. Si au contraire
de foi, le repos eft la fituation propre
, ou la propriété elfentielle de la
matière ; que. dans l’état des cho-
fes elle travaille à fe réunir étant
divifée, & que fes parties s’attirent
réciproquement. i°. Pourquoi fe
trouve-1-elle difperfée i a°. Qui
empêche que les Aftres ne fe réunifient
au Soleil où ils tendent ?
De quelque maniéré qu’on conçoive
la chofe, deux contradicloi-
res ne fauroient coexifter. Il eft im-
poflïble qu’un corps foit doué tout
a la fois de la propriété d’appéter le
repos, & de celle d’en fortir.
Concluons donc que pour faire
évanouir toutes ces difficultés, il
faut remonter à l’origine du mouvement
des corp.s céleftes. Ce n’eft
que par-là qu’on pettf en établir une
théorie complette.
Pendant que Newton formoit un
nouveau fyftême du monde, Leibnitz
faifoit ufage des principes de
Defiartes pour en établir un autre.
Il retenoit la matière fubtile , le
plein univerfel & les tourbillons de
ce Philofophe, & repréfentoit cet
Univers comme une machine, dont
les mouvemens continueroient toujours,
fuivant les loix du méchanif-
me, dans l’état le plus parfait, par
une néceffité abfolue & inviolable.
Ilexpliquoitle mouvement des Planètes,
en les fuppofant circuler avec '
PEther, lequel produit en même
temps une gravité qui modifie cette
circulation ; mais il ne faifoit pas
voir comment ces deux forces doivent
être combinées enfemble, pour
produire les révolutions des Planètes
, ou' comment 1 impulfion de
l’Ether peut caufer la gravité. Ses
vues étoient prefque toutes méta-
phyfiques. De la fageffe & de la
bonté de Dieu, il concluoit que ce
mondé eft le meilleur de tous les
mondes poffibles. Il propofoit en-
. fuite deux principes comme le fondement
de toutes nos connoiflan-
ces. Le premier, qu’il eft impoffi-
ble qu’une chofe foit & ne foit pas
enmême tempsieequi eft le fondement
de la vérité fpéculative. L ’autre,
qu’il n’y a rien fans une raifonfttffi-
fante, c’eft-à-dire, pourquoi cela eft
ainfi plutôt qu’autrement ; & de-là
il déduifoit une tranfition des vérités
abftraites aux vérités phyfiques.
Ce principe le conduifit à cette con-
clufion. L ’ame eft naturellement
déterminée dans fon choix ou fa yo-
lonté , par l’apparence du plus grand
bien , & il eft impoflible qu’elle
falfe un choix fur des chofes parfai-
- tentent femblables. Il çejetta donc
les particules fimilaires de la matière
, & leur attribua à chacune
d’elle une monade, c’eft-à-dire, une
forte de principe a£tif, dans lequel
il y a comme une perception & des
volitions. Il faifoit confifterl’eflence
de la fubftance dans l’aûion ou l’activité
, ç’eft-à-dire, en quelque chofe
qui eft entre l’aêtion & la faculté
c ij