mouvement de la terre. O n lit après cela
des Prolégomènes fur le mouvement. E t
il traite en dernier lieu de la chute des graves.
C e fut là le premier a&e d’hoftilité
que Gassendi fit contre M . Morin. I l eut
peu de temps après bien d’autres torts. L e
ProfefTeur du College Royal étoit grand
partifan de l ’Aftrologie, ôc il foutenoit que
c’étoit une vraie fcience. I l croyoit auffi
avoir fait la découverte des longitudes ; &
il vouloit que notre Philofophe fût Aftro-
lo gu e , & qu’il approuvât fa découverte : il
s’ adrelfoit mal. Gassendi méprifoit l’A f i
trologie. I l ne vouloit point encore donner
fon approbation à la prétendue découverte
de M. Morin. L ’amour propre de celui-ci
en fut bleffé ; ôc il ne put lui pardonner ce
refus. Malgré fa colere, il eftimoit tant
G assendi, qu’un ami commun lui ayant
propofé de fe réconcilier avec lu i , il fit
toutes les démarches néceffaires pour cela.
Notre Philofophe répondit très-gracieufe-
ment à fes préventions, ôc la paix fut bientôt
conclue.
Une chaire de Mathématiques au C o llege
R oy al étant devenue vacante dans ce
temps-là,le Cardinal de Richelieu l’en nomma
ProfefTeur. Notre Philofophe la refufa
d’abord , parce qu’il vouloit déformais
vivre tranquille fans foins ôc fans embaras :
mais le Cardinal le preffa d’une maniéré fi
obligeante, qu’il ne put fe difpenfer de l’accepter.
I l en prit poflefiionle 23 Novembre
de l’année 1 64.3, par une harangue
latine qu’il prononça en préfence du Cardinal
ôc de plufieurs perfonnes de la première
diftin&ion. I l fît dans cette harangue
l’éloge de tous les Profeffeurs, & particulièrement
celui de M. Morin qui deve-
noit fon Collègue. Elle fut imprimée la
même année avec le titre d’Oratio inaugu-
ralis, in-40.
Pendant qu’il tâchoit de vivre en bonne
intelligence avec tout le monde, on ne
cefToit de l’animer contre Defcartes. I l fe
fouvenoit lui-même que ce grand homme
dans fa réponfe l’avoit appellé chair ( car6),
ôc cette expreflion lui tenoit fort au coeur.
C e fut une raifon de plus pour répliquer à
cet illuftre adverfaire. I l publia donc des
infantes qui font terminées par ces paroles
remarquables : Enm'appellant chair, dit-iï
à Defcartes, vous ne m’ôtez pas l’efprit ; vous
vous appelle^ efprit, mais vous ne quittez pas
votre corps. Il faut donc vous permettre de parler
félon votre génie: il fuffit qu’avec l’aide de
Dieu je nefois pas tellement chair, que je nefois
encore efprit; que vous nefoyiez pas tellement
efprit, que vous ne foyiez auffi ^lair S de forte
que ni vous, ni moi, nous nefommes ni au- def-:
fus, niau-dejfous de la nature humaine. Si vous
rougiffz de l’humanité, je n’en rougis pas.
Tous les Savans virent avec douleur cette
rupture ouverte entre les deux plus grands
Philofophesdufîècle. M. l’Abbé d’Eflrées,
qui fut enfuite Cardinal,grand amateur des
Sciences, étoit fâché que cette brouillerie
formât une efpéce de fchifine dans la Répu-,
blique des Lettres. I l fe donna tous les mou*
vemens nécefTaires pour les réconcilier. L a
chofe n’étoit pas difficile. I l s’agiffoit de
réunir deux Philofophes qui s’eftimoient
mutuellement. Pour parvenir à cette réunion
, il les invita à dîner avec plufieurs de
leurs amis communs, tels que le Pere Mer-
fenne, M. de Roberval, l’Abbé de Mar oies,
&c. Gassendi fut le feul qui ne fe trouva
pas à ce feftin. Une incommodité qui lui
étoit furvenue pendant la nuit, l’empêcha
de fortir. Mais après le dîné, M. l’Abbé
d’Efrées mena toute la compagnie chez
notre Philofophe; & ce fut-là que nos deux
adverfaires s’embrafferent.Dès que fa fanté
lui permit de fortir, Gassendi fut rendre
fa vifîte k Defcartes. Ils s ’accuferentdetrop
de crédulité de part & d’autre , ôc cimentèrent
pour toujours les affurances d’une
amitié confiante ôc réciproque.
L e premier ufage que notre Philofophe
fit de fa fanté ôc de fon loifîr, fut de mettre
enfin la derniere main à fon Ouvrage fur
la Philofophie d’Epicure. I l le publia en
164P en trois volumes in fo lio , fous ce
titre : De vitâ, moribus placitis Epicurii,
feu animadverjïones in decimum LibrumDio-
genii Laertii ; c’eft-à-dire, De la vie, des
moeurs des opinions d’Epicure ; ou Remarquesfur
le dixiéme Livre de Diogene de Laërce.
Cet Ouvrage eft divifé en huit Livres. Les
deux premiers contiennent la vie d’Epicure.
I l fait fon apologie au troifiéme, Ôc le
venge des calomnies de Zenon Ôc des Stoïciens.
I l le juftifîe enfuite furies reproches
d’incontinent & de voluptueux qu’on lui a
faits.Il nous apprend dans les autresLivres,
que le jardin de ce Philofophe n’étoit rien
moins qu’un lieu de débauche, quoique
plufieurs femmes y demeuraffent, ôc que
l ’étude de laPhilofophie étoit l’unique occupation
de tous ceux qui y habitoient
avec lui. Enfin le huitième & dernier Livre
contient une expofition des avantages qui
reviennent aux hommes de la culture des
’A r ts libéraux, contre le fentiment d’Epicure
.G
assendi fit beaucoup de corrections
ôc d’additions à cette compofition. I l voulut
examiner plus particuliérement la doctrine
ôc les fentimens du Philofophe d’A thènes.
Il s’engagea ainfi dans un travail
qui devint infenfiblement ün jufie volume,
& qui forma une efpéce de cours de Philosophie,
divifé en trois parties, l’une destinée
à la Logique, la fécondé à la Phy-
fîque, ôc la troifiéme à la Morale.
Notre Philofophe étoit alors en Provence
, où la fanté l’avoit obligé de le rendre
pour refpirer l’air natal, Ôc il faifoit
imprimer lès Ouvrages à Ly on. Sa réputation
étoit alors dans fon plus haut période.
Quoiqu’il ne fut plus furie théâtre éclatant
de Paris, où le mérite eft au grand
jo u r , il n’en étoit pas moins recherché de
toutes les perfonnes éclairées fans diftinc-
tion d’état. I l recevoit journellement des
témoignages d’eftime par deslettres extrêmement
polies. La Reine Chrijtine, qui
vouloit connoître les plus grands Philofophes
, parloit fouvent de lui à M . Bourdelot,
fon premier Médecin ; ôc c’étoit avec tant
d’intérêt,que celui-ci crut devoir l’écrire à
G assendi , afin qu’il lui en marquât fa fen-
fibilité. C ’eft auffi ce que fit notre Philofophe,
Il adrelfa à la Reine de Suede une
lettre, dans laquelle il éleve les qualités de
cette Prineeffe par les louanges les plus délicates,
L a Reine répondit à ces compli-
mens par des vérités très-fiatteufes. »Vous
»êtes fi généralement honoré ôc eftimé ,
» lui répond-t-elle , de tout ce qui fe trou-
»ve de perfonnes raifonnables dans le mona
d e , & on parle de vous avec tant.de vê-
» aération, que. L’on ne peut,. làns £e faire
» to r t, vous eftimer médiocrement. N e
•»vous étonnez donc pas s’il fe trouve au
x bout du monde une perfonne qui fe v o it
x intéreffée à vous eftimer infiniment, Ôc
» ne trouvez pas étrange qu’elle ait fuborné
x vos propres amis pour vous faire con-
xnoître qu’elle ne s’éloigne pas des fenti-
x mens de tout le genre humain, lorfqu’il
»eft queftion de donner à votre mérite
» une eftime non commune.... Souffrez que
» mes lettres interrompent quelquefois vos
» méditations ôc votre loifîr. Je vous con-;
» fulterai comme l ’oracle de la vérité pour
»m’éclairer de mes doutes...... ôc croyez
» que je ne ferai jamais ingrate envers vous,'
» & que je veux cultiver avec foin Teftime
» ôc la bienveillance d’un fi grand homme
»que vous êtes «.
L e but de toutes c e s politefîes étoit
d’engager notre Philofophe à aller demeurer
à Stockholm auprès de la Reine. I l ré-,
pondit à cette invitation par une féconde
lettre à Chrifine, pleine d’efprit & de mo-
deftie, dans laquelle il s’excufe de ne pou**
voir faire ce voyage fur fon âge avancé ,
fur fes infirmités continuelles, ôc fur l’habitude
quil avoit de vivre dans un climat
plus tempéré que celui de la Suede.
Malgré ces infirmités, fa tête étoit fi
faine, ôc fon ardeur pour l’étude fi grande ÿ
qu’il compofa Ôc publia prefque coup fur
coup une multitude d’Ouvrages. C e fut
d’abord la vie de Tycho-Brahé, celle de Copernic,
de Puerbachius Ôc de Régiomontanus,
favans Aftronomes. Parurent enfuite une
Notice de l’Eglfe de Digne, un Traité de la
Mufi que, ôc une nouvelle édition duTraité
des Sejlerces, qu’il avoit déjà publié avec
fès appendices fur le dixiéme livre de Diogene
de Laërce. L e Traité de la Mufique eft
divifé en cinq chapitres. I l la définit l’ar t
de chanter Ôc de varier fa voix félon les
différentes indexions. Dans le corps de
l ’Ouvrage il traite des divers genres de
Mufique, des tons, des modulations, des
eonfonnanees ôc des modulations qu’elles
ont enfemble. L e Traité des Sefterces quï
eft court, mais fort exaét, eft très-utile
pour la connoiffance desmonnoies. L ’A u teur
y fixe l’once de l’argent à foixante-
quatre fols, tournois,, fuivant L’E d it db