1 . Entretenez 8c augmentez autant
qu’il eft polTibie les forces naturelles de
votre corps , par des alimens & des tra-,
vaux convenables.
2. Veillez à HW confervation , & par
conféquent défendez-vous fi vous êtes
attaqué.
3. Repouffez la force par la force ;
mais tâchez auparavant de vous garantir
des infultes de votre ennemi par quelque
autre voie plus sûre 8c moins violente.
4. Si, fans vous incommoder beaucoup,
vous pouvez vous tirer d’affaire en fouf-
frant une légère infulte, faites-le. Car il
vaut mieux relâcher quelque chofe de fon
droit, que de s’expofer à un plus grand
danger par une réfiftance hors de raifon,
fur-tout fi l’aggreffeur n’en veut qu’à une
ch ofe , qui peut être aifément réparée ou
compenfée.
y . Si l ’offenfeur touché de repentir
vient auflï-tôt lui-même vous demander
pardon, offrant en même temps la réparation
du dommage qu’il peut vous avoir
caufé, vous devez alors vous réconcilier
avec lu i , fans en exiger d’autre fu-
reté.qu’une nouvelle proteftation de vivre
déformais paifiblement avec vous.
6. Mais fi l’offenfeur ne penfe à vous
demander pardon 8c à témoigner du dé-
plaifir de vous avoir offenfé, que quand
il n’eft plus en état de vous tenir tête , fa
parole toute feule n’eft pas un garant affez
sûr de la Sincérité de fes proteftations.
7 . Quelqu’injufte que foit l’offenfeur ,
épargnez-lui la vie lorfque vous pouvez
vous garantir du danger par quelqu’autre
voie.
8. Non-feulement la nature ne vous
donne aucun droit fur la vie de perfonne,
mais encore fur la vôtre propre. L ’homme
n’a point de pouvoir à cet égard. Ainfi
il ne peut terminer fa carrière félon fa fan-
taifie ; 8c il doit attendre patiemment d’être
appellé par celui de qui il tient fon
exiftence.
II I .D e s devoirs de l’homme par rapport
à autrui. On difiingue deux fortes de ces
devoirs. L ’une eft uniquement fondée fur
les‘obligations mutuelles que le Créateur
impofe en générai à tous les hommes,
confidérés comme tels. L ’autre fuppofe
quelqu’établiffement formé ou reçu par
les hommes. Les premiers devoirs obligent
chacun envers tout autre ; & les féconds
n’obligent qu’à l’égard de certaines
perfonnes, & fuivant une certaine condition
ou un certain état. On appelle ceux-
là Devoirs abfolus, 8c ceux-ci Devoirs conditionnels.
Voici en quoi confident les devoirs
abfolus.
1 . Ne faites du mal à perfonne.
2. Si vous avez fait du mal ou caufé
du préjudice à autrui, de quelque maniéré
que ce fo it , qui puiffe légitimement vous
être imputé , vous devez le réparer
autant qu’il vous eft pofiible.
3. Eftimez & traitez les autres comme
hommes, c’eft-à-dire, comme autant de
créatures, qui vous font naturellement
égales.
4. Soyez complai font 8c commode
envers les' autres. Car fi vous voulez
qu’on s’emploie à vous faire plaifir, vous
devez de votre côté tâcher d’être utile
autant que cela dépend de vous. ’
y . En rendant fervice , proportionnez
vos libéralités à vos facultés 8c à vos
forces.
6. Rendez fervice à chacun félon fon
mérite.
7 . Soyez reconnoiffant envers ceux
de qui vous recevez des bienfaits.
Les devoirs conditionnels font en plus
grand nombre que les devoirs abfôlüs. Je
vais tâcher de les réduire aux principaux ,
d’où l’on déduira aifément les autres.
1. Tenez inviolablement votre parole.
C e devoir eft très - étendu 8c demande
quelques éclairciflèmens.
Lorfque dans une promeffe , on a fup-
pofé quelque ch ofe , fans quoi on ne fe
feroit point déterminé à promettre , l’engagement
eft nul par le droit naturel. S i
on a été porté par quelqu’erreur à faire
une convention ou un contrat , & que
l’on s’en apperçoive pendant que ta chofe
eft encore en fon entier , ou qu’il n’y a
rien d’exécuté de part ni d’autre , on a
ou on doit avoir 1a liberté de fe dédire.
Mais fi la chofe n’eft plus en fon entier,
8c que l’erreur fe découvre feulement
après que 1a convention eft déjà accomplie
en tout ou en partie, celui qui s’eft
trompé ne peut plus rompre l’accord. Si
l ’erreur fe trouve dans la chofe même au
fujet de laquelle on a traité, la convention
eft n u lle , non pas tant a caufe de
cette erreur , que parce que l’autre contractant
n’a point fatisfait aux conventions
de l’accord, &c. En généralilfaut
que ce à quoi l*on s’engage ne foitpas au-
deffus de nos lumières 8c de nos forces, &
qu’il ne fe trouve pas défendu d’ailleurs
par aucune lo i , pour qu’on foit légitime-»
ment tenu à fa parole. ^
2. Ne trompez jamais perfonne par des
paroles ni par aucun figne établi pour exprimer
vos penfees.
3. Faites en forte que vos paroles expriment
fidèlement vos penfées à ceux
qui ont droit de les connoître, 8c auxquels
vous êtes tenu de les découvrir én
vertu d’une obligation ou parfaite ou imparfaite.
4 . Ne jurez que le moins que vous pourrez
& avec beaucoup de circonfpeCtion &
de refpeCt ; niais tenez inviolablement ce
à quoi vous vous êtes engagé par forment.
y . Dans 1a propriété des biens, fouve-
uez-vous que vous êtes indifpenfable-
ment tenu envers tout autre qui n’eft pas
votre ennemi, fuivant les lo ix , de le la if
fer jouir paifiblement de fes biens, 8c de
ne point les endommager , faire périr
prendre ou à. attirer à fo i, ni par violence,,
ni par fraude, ni directement, ni indirectement.
6. Si le bien d’autrui eft tombé entre
vos mains , fans qu’il y ait de 1a mau-
vaife foi ou aucun crime de votre part y
8c que 1a chofè foit encore en nature
faites en forte, autant que vous le pourrez
, qu’elle retourne à fon légitime mai*
tre.
7 . Si le bien d’autrui, dont on étoit
en poffefiïon de bonne f o i , n’eft plus en
nature , on n’eft obligé de rendre ai*
véritable maître, que Ha valeur du profit
qu’on en a fa i t , c’eft-à-dire , autant
qu’il eft néceffaire pour ne pas s’enrichir
au détriment d’un autre.
8. Lorfque vous vous engagez par
un contrat, ayez une parfaite connoiff
fan ce de la chdfe même au fûjet de laquelle
vous traitez., 8c de toutes les-
qualités de la chofe qui ont rapport à-
l’affaire dont il s’agit..
En un mot , dans lès-devoirs réciproques
des hommes , chacun eft cenfé;
obligé , devant le tribunal humain, à/
ce qui fuit d’une droite 8c naturelle interprétation
des aCtes 8c des lignes extérieurs
qui tombent fous. lesTens., & à»
rien, davantage