7 i
B A Y L ü *
I L n’y a point de Philofophe fi célèbre
& fî décrié que B A Y L H. L a beauté
de fon génie 6c la hardieffe de fes penfées
font également connues : mais cette har-
diefle qui dégénère fouvent en témérité,
a étendu en mal la réputation qu’il s’eftac-
quife par fes Ouvrages. Depuis quelque
temps un cri s’eft élevé contre cet homme
illuftre, parce que quelques Auteurs
ont fait un pernicieux ufage de fes principes
, & qu’on les a peut-être trop anali-
fés. Quoi qu’il en foit, il y auroit à craindre
que les Lefteurs qui fe font laiffés prévenir
contre lui , dédaignaffent de jetter
les yeux fur fon hiftoire, fi je ne commen-
çois à donner une jufte idée de ce doéte
perfonnage. B A Y L e a fans doute abufé
quelquefois de fes talens : il s’eft trompé
plus qu’aucun Ecrivain, je le veux ; mais
que de belles chofes ce Philofophe ne nous
a-t-il pas apprifes f A -t-il jamais paru un
plus grand Diale&ieien ? T ou t feroit perd
u , fi, parce qu’il y a des erreurs dans un
L iv re , il falloit le profcrire, fans égard aux
vérités qu’il contient. Déteftons-les ces er-
reursjmais recueillons tes vérités.Un homme
comme B a y l e n’a dû aimer que le
bien ; & s’il s’eft quelquefois égaré, il faut
rejetter cela fur le malheur des temps 6c
des circonftances, & fur les infirmités de
l ’efprit humain. Voici en effet le caractère
de ce Philofophe , tel qu’on le lit dans
VHiJloire de Bayle £r de fes Ouvrages ,
par M. de la Monnoye, page 4p.
[M . Bayle fut un Savant du premier ordre
dans l’Hiftoire & dans les Belles-Lettres,
un grand Philofophe,un excellent Mé-
tâphyficien. I l avoit un efprit jufte, délicat,
pénétrant, aifé ; une imagination vive ,
brillante 6c féconde ; une mémoire pro-
digieufe par fa facilité à faifîr les faits avec
leurs circonflances , fans les oublier jamais.
Son coeur étoit bon, droit, accommodant
, d’un commerce doux 6c aifé : il
y mettoit toujours beaucoup plus du fien,
qu’il n’en exigeoit des autres. D ’un naturel
tendre & officieux pour fes parens de
pour fes amis, il ne leur manquoit jamais
en rien. Son humeur étoit fj pacifique,
qu’il ne voulut point entrer dans les A c a démies
, à caufe des difTenfions Sc des querelles
de jaloufie,qui y règnenttrop fouvent
à la honte des Gens de Lettres. I l avoit
les moeurs très-pures. Ceux qui l’ont connu
plus particulièrement, afTurent qu’il n’a
jamais eu la moindre apparence de commerce
déréglé avec les femmes.
Sobre, tempérant, détaché de l’amour
des plaifîrs, des honneurs 6c des richeffes,
il favoit fe paftèr de tout Domeftique ,
& vivre fans revenu 6c fans indigence.
Exempt de la vanité qui n’efl que trop
ordinaire aux Savans, illouoit volontiers
les Ouvrages des autres. I l loua même un
de ceux de fon plus violent Accufateur »
M. Jurieu, dans le temps qu’il ne pouvoit
fouffrir les juftes louanges qu’on lui don-
noit de toutes parts.
Plus fenfible au plaifir d’apprendre
qu’au déplaifir d’être trompé, il recevoit
des Savans les avis qu’il leur avoit demandés
fur fes Ouvrages. I l les fuivoit avec
une docilité furprenante , 6c en marquoit
fa reconnoifiance par des remercimens fîn-
cères 6c publics.
Laborieux & infatigable , il travailla
jufqu’a l’âge de 40 ans quatorze heures
par jour ; 6c il écrivoit à un de fes amis *
que depuis Vâge de 20 ans il ne fe fouvenoit
pas d’avoir eu aucun loijir. ( Lettre à M. des
Maifeaux, Tom. I I . )
I l avoit une fanté très-délicate qu’il
Eloge de Bayle, par M. Bafnage dans VHifioire des
Ouvrages des Savans. Hifioire de Bayle & de fes Ouvrages,
P y M1■ “c fe Monnoye. La vie de Bayle , par M. des
" las féaux. Mémoires des Hommes Illußres , par le î . Niceron
, Tom. VI. Nouveaux Mémoires de Littérature , &c.
par M. l’Abbé d’Artigny, Tom. I. Diflionnaïre de M.
Chauffe f i é , art. Bayle Si Jurieu, Lettres de Bayle, Et fes
Ouvrages,