fieurs de ne pouvoir accepter leurs
offres.
L e Sénat académique de Bâle lui déféra
à fon arrivée la chaire qu’on lui aVoit
off.rte , 6c le difpenfa du concours, malgré
l'ufage établi de ne la donner qu’à ce
prix. On lui accorda auffi une gratification.
Il prit poffeffion de cette chaire au
mois de Novembre 170$ , 6c prononça
à ce fujet un Difcours fur les progrès
de la nouvelle Géométrie : De fatis novoe
analyftos Gr Geometrix fublimis.. C ’étoit
le titre de fon Difcours. Sans fe donner
le moindre relâche , B e r n o u l l i publia
dans la même année une Differtation
fur le mouvement rampant, qu’il inti-
- tu la : Motus rcptorius , ejufque injignis
itjus , pro lineis curvis in unam omnibus
eequalem colligendis ,v e la fe muluo fubtra-
lundis. L ’objet de ^ cet ouvrage eft de
former de nouvelles courbes par le mouvement
d’autres courbes. Il fait gliffer
des courbes les unes fur les autres fuivant
une certaine condition ; 6c il en produit
- ainfi de nouvelles , dont la longueur eft
égale à celle des courbes génératrices.
Tous ces travaux ne l ’empêchoient pas
de répondre à un grand nombre de Lettres
qu’il recevoit journellement. I l en-
tretenoit fur-tout une correfpondance
très-particulière avec fon ami Leibnitz. Il
étoit fouvent queftion dans leurs Lettres
des écrits que les Anglois publioient
contre Leibnit^ , pour le dépouiller de la
gloire de l’invention du calcul différentiel.
B e r n o u l l i trouvoit ce procédé
injufte; & comme la politique Angloife
demandoit qu’on portât fort haut le mérite
de Newton, à qui on vouloit faire un
honneur abfolu de cette invention, on ex-
cluoit toute concurrence en mérite avec
qui que ce fût. Notre Philofophe rendoit à
Ne-Mon toute la juftice qui lui étoit due ;
mais il ne croyoit pas qu’il dût effacer tous
les grands hommes qui fleuriffoient alors.
II lifoit même fes ouvrages dans la vue
de prouver qu’il n’étoit point infaillible.
En examinant les Principes mathématiques,
il y remarqua quelques contradictions. I l
prétendit d’abord que Newton n’avoit pas
fuffifamment démontré qu’un corps jette
fuivant une direction déterminée, & attiré
par une force centrale proportionnelle au
quarréde la diftance,devoitdécrireunefec-
tion conique: vérité qui fait la bafe du fyftê-
meaftronomique du Philofophe Anglois.
Il donna une nouvelle folution de ce problème;
mais les partifans de Newton fou-
tinrent que cette folution étoit furabon-
dante, & que leur maître ayant déterminé
la fodion conique, félon laquelle un corps
lancé dans une direction connue pou-
voit fe mouvoir , il avoit entièrement
fatisfait à la queftion.
Notre Philofophe reprocha encore à
Newton d’avoir fuppofé l’inverfe du problème
des forces centrales,fans le démontrer;
c’eft-à- dire , que ce grand homme,
apres avoir prouvé que les forces centrales
d’un corps dirigées vers un dés
foyers d’une feCtion conique quelconque
décrite par ce corps , font toujours entre
elles, en raifon renverfée des quarrés des
diftances de ce même corps à ce fo y e r ,
fuppofe que lorfque les forces centrales
d’un corps qui décrit une courbe , font
en raifon réciproques des quarrés des
diftances de ce corps à quelque point
du plan de cette courbe , elle eft toujours
une fodion conique, dont ce point
eft un des foyers : fuppofition gratuite 6c
qui peut être faulfe dans plufieurs cas.
B e r n o u l l i écrivit encore que
Newton étoit tombé dans d’autres mépri-
fes fur la mefure des forces centrales dans
les milieux réfiftans. Pour le faire voir, il
donna une belle folution de ce problème :
Trouver la force centrale requife pour
qu’un mobile décrive une courbe donnée
dans un milieu, dont les denfités varient
félon une loi donnée, 6cc. Newton reconnut
fa faute, & fe corrigea fans répondre.
Toutes ces attaques avoient
rendu notre Philofophe formidable en<
Angleterre; mais il devint encore, plus
terrible pour les Newtoniens, lorfqu’é-
clata la difpute de 1 invention du calcul
différentiel entre Leibnit^ 6c Newton.
J ’ai dit dans l’Hiftoire de Leibnit^, que
les A.nglois reprochoient à ce Savant,
d’avoir pris le calcul différentiel , dont
il fe difoit l’inventeur, dans la méthode
des fluxions de Newton. C ’étoit une ac-
cufation de plagiat, qui offenfoit. avec
raifon L e ib n i tNotre Philofophe étoit
intéreffé à foutenir la gloire de ce grand
homme , parce qu’il avoit beaucoup de
part à celle de la .découverte du calcul
différentiel. I l en prit donc vivement le
parti, 6c commença d’abord par faire
, voir que Newton n’entendoit pas la maniéré
de trouver les fécondés différences
, ( voyez l’Hiftoire de Leibnit%, ) 6c
que la méthode qu’il avoit prefcrite pour
prendre les différences, n’étoit bonne que
pour les différentielles du premier degré.
I l attaqua enfuite les Géomètres A n glois
; 6c après la mort de Leibnit^, arrivée
en 1 7 1 6 , il loutint.feul la difpute contre
tous, les Mathématiciens de cette nation.
I l leur propofa de nouveau le problème
des trajectoires , que Leibnit% les avoit
comme défiés dè réfoudre; mais ce fut
avec des conditions qui le rendoient
beaucoup plus difficile. De leur c ô té , fes
adverfaires lui en propofoient d’autres
qui ne l’étoient pas moins. Keill , principal
aggreffeur de cette difpute, le défia
d’en réfoudre un très-difficile : c’étoit de
. déterminer la courbe décrite par un projectile
dans un milieu réfiftant, fuivant
une certaine loi qui renfermoit une infinité
de cas. B e r n o u l l i trouva
la folution de ce problème , 6c fom-
ma fon adverfaire de donner la fien-
ne : mais celui - ci ne l’a voit point réfo-
lu , Sc n’étoit point en état de le réfoudre.
I l cherchoit à trouver notre Philofophe
en défaut, en lui propofant des difficultés
qu’il jugeoit infurmontables. B e r n
o u l l i le couvrit ainfi de confufion , 6c
continua de foutenir la difpute avec beaucoup
de chaleur. L ’Angleterre renfermoit
bien alors dans fon foin.des Mathématiciens
du premier ordre, mais il n’y
en eut aucun qui ofât lui tenir tête.
Dans le feu de cette querelle, il fut
confuhé fur un fujet important qui par-
tageoit plufieurs grands Mathématiciens.
I l s’agiffoit des principes de la manoeuvre
des vaiflèaux. M. le Chevalier Renau,
Ingénieur de la Marine & de l’Académie
Royale des Sciences de Paris, avoit compofé
en 16 8p,par ordre exprès du R oi;une
i héorie de la manoeuvre des vailjeaux. Cette
théorie étoit fondée fur ce principe ,
que l’angle de la dérive du vaiffeau,
lorfqu’il fait route , eft en raifon de
la réfiftance que le vaiffeau trouve en
fendant l’eau par la pointe, à celle qu’il
éprouve lorfqu’il divife l ’eau par le côté;
de façon que cet angle eft d’autant plus
grand,que ce rapport des deux réfiftances
eft plus confidérable. En 1 6$g ,Huguens
attaqua ce principe : il prétendit qu’il
falloit avoir égard à la figure propre du
vaiffeau, pour déterminer fa dérive, 6c
par conféquent fa vîteffe. L e Chevalier
Renau répondit, 6c fit fi bien valoir fes
preuves, que la queftion refta indécife. L e
Marquis de LhopitaL communiqua ce
différend à B e r n o u l l i , en expofantles
raifons de l’un 6c de l ’autre adverfaire.
Sur fon rapport notre Philofophe donna
gain de caufe au Chevalier Renau. Hu-
guens étant mort alors, perfonnene prit
fes intérêts fur cet article, 6c la décir
fion de B e r n o u L L i fut une loi. M.
Renau, flatté de cette v id o ire , fe difpofa
à donner au Public une nouvelle édition
de fon ouvrage. Notre Philofophe apprit
cette difpofition. Cela lui donna envie
de le lire. Eh l’examinant il reconnut qu’il
avoit mal jugé lorfqu’il avoit condamné
Hugüens ; c’eft-à-dire, que le Marquis de
Lhopital lui avoit mal expofé la queftion.
I l reçut dans le même temps un Mémoire
du Chevalier Renau, dans lequel
cet Ingénieur croyoit démontrer invinciblement
la vérité de fon principe. I l fe
trompoit. B e r n o u l ÜLi le lui écrivit fans
ménagement. Renau répondit à cette lettre
, 6c notre Philofophe répliqua. Ses
raifons furent jugées vidorieufes. M.
Renau fut le foui qui ne voulut pas fe
rendre ; il perfifta 6c mourut dans fon
erreur.
B e r n o u l l i releva encore une mé-
prife qui étoit échappée à Huguens*
Ainfi la théorie de la manoeuvre de
l ’Ingénieur de la Marine fe trouvant
fondée fur deux principes erronés , devint
abfolument inutile. Pour fuppléer
à cet ouvrage , il forma le deffein de