le Cierge. Dans ufte de fes Afïemblées, les diate dans tout Pefpace où elles font, Tans
Députés du fécond Ordre portèrent plain- l’intervention ou le fecours d’aucun orga-
te contre lui ; & C l A R K E , pour avoir ne. Cela conduifoit naturellement a une
la paix, fut obligé de donner certaines
explications qu’il denioit au fond du
coeur. Il diflîpa ainfi un orage qui auroit
pu lui être funefte. Ce qui le lui avoit fufci-
té, c’eft le peu d’égard qu’il avoit eu aux
repréfentations des Miniftres de la Reine
Anne, & entr’autres de Milord Godolphin,
de ne pas publier fon Livre dans un temps
où il y ayoit à craindre qu’il ne caufât
beaucoup de troubles , & d attendre des
circonftances plus favorables. C’eft fans
doute une faute que fit C L A R K E de ne
point adhérer à ces repréfentations ; & le
fentiment de fa confcience qu’il donne
pour excufe ne le juftifie pas.
Afin de diffiper le chagrin que lui caufa
cette affaire, notre Métaphyficien reprit
3,’étude de la Philofophie ; car la Philofo-
phie coftfole l’ame & l’occupe véritablement.
Il y étoit encore engagé par un autre
motif. Il s’agiftoit de venir au fecours
de M. N e w t o n , attaqué par M. L e ib n i t z
fur quelques points de Métaphyfique. M.
N ew t o n étoit un grand homme , & ne le
cédoit point en cette qualité à M. L e i b -
n\t%. Mais le fujet de leur conteftation
rouloit fur la Métaphyfique , fcience que
celui-ci manioit avec beaucoup de dextérité.
Clarke étoit fans contredit l’homme
le plus capable de combattre ce favant
adverfaire de fon ami ; & M. N e w t o n qui
le comprit , l’engagea a prendre fa de-
fenfe. ^ # ,
M, L e ib n i t z reprochoit premièrement a
M. N ew t o n d’avoir une idée faufle de la
Divinité. Celui-ci prétend que l’efpace eft
l’organe ou le J en fo r ium dont Dieu le lert
pour fentir les choies. Si cela eft , difoit
M. Leibnitz, Dieu a donc befoin de quelque
moyen pour les fentir : elles ne dépendent
donc pas entièrement de lui, &
n e font pas fa production. C larke répondit
que les conféquences que M. Leibnitz
tiroit de l’idée de M. Newton , ne-
toient pas déduites immédiatement de
cette idée, & il expliqua ainfi la penlee de
fon ami. Dieu étant préfent par-tout, ap-
perçoit les choies par fa prefence immédéfinition
de l’efpace, & C l a r k e s’expliqua
à ce fujet de cette manière. M.
Leibnit^ prétenaoit que l’efpace n’étoit que
l’ordre des chofes qui coexiftent ; mais il
foutintque l’efpace eft une propriété ou
une fuite de l’exiftence de l’Etre infini
& éternel. M. Leibnitz reprochoit encore
à M. Newton de borner la puif-
fance de Dieu , en établilfant que le
monde dépériroit , s’il n’y mettoit de
temps en temps la main ; & C l a r k e
trouvoit dans ce fentiment l’idée de la
Providence ; & il en concluoit que bien
loin d’avilir fon Ouvrage, le Créateur en
faifoit connoître au contraire la grandeur
& l’excellence. Enfin le troifiéme reproche
que le Philolophe Allemand faifoit au
Philofophe Anglois , étoit d’introduire
les qualités occultes , en fuppofant une attraction
réciproque dans les corps. Clarke
juftifioit amplement fon ami à cet
égard. On fent bien que ces fujets maniés
par des hommes tels que M. Leibnitz &
notre Philofophe, donnoient lieu a d’autres
difcuffions aufli fubtiles que curieufes.
C l a r k e rendit encore la difpute plus
intereflante, en y faifant entrer le principe
de la raifon fuffifante fi cher à M. Leibnitz >
principe qu’il attaqua avec force. Cela
forma une forte de fpeCtacIe, dont tous
les Savans voulurent jouir. La feue Reine,
alors Princefle de Galles, fouhaita même
y prendre part, ou du moins être témoin
des coups que des hommes auflî grands
pouvoientfe porter. Le combat fut long.
La dernière réplique fur-tout que C l ar-
ke fit à M. Leibnitz parut viCtorieufe, &
M. Newton lui aftura qu’ il avoit touché Leibnitz
au coeur.
Prefqu’au milieu & dans le feu de
cette controverfe, C larke s’engagea
dans une autre difpute fur la liberté de
l’homme. M. Collins venoit de publier un
Ouvrage là-deftus , où il établiffoit que
l’homme eft toujours porté à vouloir ou à
choifir une chofe plutôt qu’une autre par
des motifs ; & que pofé ces motifs ou rai-
fons, il ne peut pas agir, ou du moins il ne
lui arrive Jamais d’agir d’une manière différente
ou oppofée : d’où il concluoit qu’il
eft déterminé dans toutes fes actions. (a)
Notre Philofophe s’éleva contre ce fentiment.
Il fît voir premièrement que l’homme
eft un çtre purement aCtif ; que les
raifons & les motifs, les vues de plaifir
ou d’utilité ne fauroient être la caufe
phyfîque ou efficiente des aérions de l’homme
; puifque ce ne font, dit-il, que des
idées abftraites ou des perceptions paffives;
& que les motifs offrent bien à la faculté
matrice les occafions d’agir, mais qu’ils
ne la déterminent point. Ainfi , ajoute-
t-il , elle peut agir ou n’agir pas malgré
toutes fortes de motifs ô c de raifons ; &
c’eft dans cette indépendance ablolue que
confifte la liberté de l’homme. Il obje&a
en fécond lieu, que fi le fyftême de M. Collins
étoit vrai, il ne pourroit y avoir dans
les êtres intelligens des mérites ou des
démérites perfonnels ; qu’ils ne feroient
point des objets de récompenfe ou de
châtiment ; qu’il y auroit de l’injuftice à
Dieu d’infliger des punitions à des êtres
purement paffifs; enfin que s’il rendoit de
pareils êtres heureux , ce feroit par un
effet de fon bon plaifir, & non par égard
pour leur conduite. On a reproché à
C l a r k e d’avoir trop fait valoir ce rai-
fonnement théologique , & de n’avoir
pas combattu avec les feules armes de la
Philofophie ; car cette fcience , fuivant
la remarque du Dofteur S y k e s t Auteur
de l’Eloge de C l a r k e , nous met en
état de décider les queftions touchant la
liberté & la nécelîîté. Elle nous inftruit
des forces de la matière & du mouvement
, & nous fournit les plus fortes preuves
de l’influence de Dieu dans le gouvernement
du monde.
M. Collins répondit à C L A r K e , &
choifit pour juge de leur différend M.
Leibnitz. Il lui envoya fes réponfes & fes
remarques. Ce Savant les examina, refulà
fon approbation à plufieurs d’entr’elles ,
& renvoya le tout à notre Philofophe.
Cette difpute fe termina là. Mais il reftoit
à M. Leibnitz à répondre à un dernier
Ecrit de C l a R K E fur leur propre controverfe.
Il fe difpofoit à le faire lorlqu’il
mourut. Ainfi finit en 17 1 6 cette guerre
philofophique. (£)
Il eût été à fouhaiter pour le repos de
C l a r k e , qu’il fe fût occupé plus
long-temps à des matières de Philofophie.
Il fe feroit épargné un chagrin que lui
causèrent fes études théologiques qu’il
reprit à l’occafion d’une nouvelle Edition
de Pfeaumes & d’Hymnes choifis pour
l’ufage de l’Eglife Paroiffiale & des Chapelles
dépendantes de l’Eglife de Saint
James. Ce Livre regardoit particulièrement
C l a r k e , comme Curé de Saint
James; & par-là il fembloit qu’il étoit en
droit d’y faire des remarques, & de réformer
les formules des Doxologies comme
il le jugeroit à propos, d’autant mieux que
c es formules ne font réglées ni par les loix ,
ni par aucune autorité eccléfiaftique &
civile. Ainfi le penfa notre Philofophe.
En conféquence il changea ces formules.
Cependant l’Evêque de Londres , fans
examiner les raifons , & fans aucun égard
pour fon mérite fupérieur, ofa le cenfurer
& l’accufer de s’être laiffé féduire par les
illufions de l’orgueil de l’amour propre.
L’Evêque*décidoit d’après fes propres lumières
: mais n’eût-il pas été fage de s’en
défier vis-à-vis d’un génie tranfcendant,digne
de la plus haute confidération, & qui
a coup sur en devoit lavoir plus que lui ?
De quel côté étoit l’amour propre & l’orgueil
, de celui de C L a r k e , qui admiré
par les plus grands Hommes , pouvoit
fort bien le croire autorifé à prendre quelque
licence ; ou de celui de l’Evêque qui
condamnoit avec aigreur un Savant du
premier ordre, que la Reine honoroit d’une
eftime particulière, que le grand Newton
confultoit, & qui étoit redoutable à
l’illuftre Leibnitz ? En vérité c’eft une
étrange chofe que la prévention !
En Angleterre il eft permis de montrer
_ A V j ues ies 1 icces de cette ContrQverfe font ri lerees dans le Reeuctl de dîner fes Pietcsfur UPhilofopbi
la Religion naturelle , ÈHtJfoire , les■ Mathématiques &C.
pat MM. Leibnitz., Clark’£ > Neu ton , &c.