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ce modifiée. L a Subjlance eft ce qu’on conçoit
comme fubfiftant par foi-même. L a
manière de fubfiance , ou attribut defubfiance,
eft ce qui étant conçu dans la fubftance, &
comme ne pouvant fubfifter fans elle,la détermine
à être d’une certaine maniéré, &
à la faire nommer telle. E t on entend par
fubjîance modifiée, la fubftance déterminée
d ’une certaine façon. Un corps, par exemple
, eft une fubftance : il eft rond ; cette
rondeur eft une manière d’être de ce corps;
& ce corps confidéré comme rond, eft la
fubftance modifiée.
Nous confidérons ici un objet en lui-
même & dans fon propre ê tre , fans porter
la vue de l’efprit à ce qu’il peut repré-
fenter. Mais fi on né regarde un objet que
comme en repréfentant un autre, cette
idée quon appelle Signe, renferme deux
idées, l’une de lachofequi repréfente, l’autre
de la chofe repréfentée,& fa nature con-
fifte à exciter la fécondé par la première.
Tant que cette double idée eft excitee, le
figne fubfifte, quand même la chofe feroit
détruite en fa propre nature. On peut cependant
concevoir le mode , fans faire
une attention expreffe & diftinéte a la chofe
modifiée, comme on peut concevoir la
prudence, fans faire attention a un homme
qui eft prudent. Cette féparation du
mode de fon fujet s’appelle abjïraftion. Or
cette abftraébion eft néceflaire pour comprendre
les choies un peu compofées,parce
qu’on les confidère par parties, & comme
par les différentes faces qu’elles peuvent
recevoir ; & en confîdérant ainfî les parties
féparément , on parvient plus aife-
ment à la connoiflance du tout. C ’eft ainfî
que les idées de compofées deviennent
fimples, & que quoique ces idées foient
toujours fingulières , elles produifent
néanmoins plufieurs efpèces d’idées.
On diftingue encore deux fortes d’idées
: celles qui ne nous repréfentent
qu’une feule chofe, qu’on nomme P arti-
culières, comme l’idée que chacun a de
foi-même ; & d’autres qui peuvent en re-
préfenter plufieurs, comme lorfqu’on conçoit
un triangle en général, ce qui renferme
l’idée de tous les autres triangles.
Ces fécondés idées s’appellent Uniperfelks,
o l e.
Dans celles-ci il y a deux chofes à confî-
dérer, la compréhenfîon & l’étendue. On
entend par Compréhenfîon les attributs
qu’une idée univerfelle renferme en f o i ,
& qu’on ne peut lui ôter fans la détruire.
E t on donne le nom d’Etendue aux fujets
à qui cette idée convient.
Vo ilà en quoi confiftent les idées , qui
font ou claires ou confufes , félon que
nous en fommes affeétés. Une idée qui
nous frappe intimement ou vivement fans
aucune fuite qui puifle laiffer le moindre
doute, eft une idée claire. T elle eft l’idée
que nous avons de la fubftance & de ce
qui lui convient, comme la figure^, le
mouvement, le repos , &c. Une idée au
contraire qui ne rend que les qualités fen-
fîbles, comme des couleurs, des fons, des
odeurs, du fro id , du chaud, &c. eft une
idée confufe, parce qu’on ne fauroit concevoir
clairement comment le froid , le
chaud , les odeurs , &c. font impreffiosi
fur nous, & de quelle manière ils excitent
le fentiment qui leur convient.
Une idée peut encore devenir confufe
par l’attention que nous faifons quelquefois
aux mots, en nous fervant du même
mot pour exprimer différentes chofes. L e
moyen d’éviter cette confufion, c’eft de
définir la chofe que le mot repréfente.
Sur quoi il faut diftinguer deux fortes de
définitions , la définition (Ju nom & la
définition de la chofe. Dans la Définition
du nom, on ne regarde que le mot ( ou fon )
comme n’ayant encore point de fens, &
qui devient enfuite le figne d’une idée
qu’on défigne par d’autres mots. Dans la
Définition de la chofe, on laiffe au terme
qu*on définit fon idée ordinaire, dans laquelle
font contenues d’autres idées. D ’oà
il fuit que les définitions des noms font
arbitraires, & que celles des chofes ne le
font pas. Car chaque mot ( ou fon ) étant
indifférent de foi-même & par fa nature à
lignifier toutes fortes d’idées, il eft permis
pour quelque ufage particulier , &
pourvu qu’on en avertifle, de déterminer
un mot à lignifier préeifément une
choie, fans mélange d’aucun autre. I l n’en
eft pas de même de la définition des chofes.
I l ne dépend pas de la volonté des
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hommes, que les idées comprennent ce
qu’ils voudraient qu’elles compriflent.Ue
forte que fi en voulant les définir nous
attribuons à ces idées quelque chofe
qu’ elles ne contiennent pas , nous tombons
néceffairement dans l ’erreur.
Cela fait voir qu’il eft très-importan.t
de fe fervir de définitions exaétes qui
expliquent la nature des chofes par leurs
attributs effentiels. Or une définition eft
exaéte, i °. lorfqu’elle eft Univerfelle, c ’eft-
à-dire qu’ elle comprend tout le défini ;
2°. quand elle eft Propre , c’eft-à-dire
qu’elle ne convient qu’au défini ; 3 0. &
quand elle eft Claire , c’eft-à-dire quand
elle nous fert à avoir une idée plus claire
& plus diftin&e de la chofe qu’on définit,
& qu’elle nous en fa it , autant qu’il eft pof-
fible, comprendre la nature.
Après avoir conçu les chofes par les
idées , nous comparons ces idées enfem-
b le , & nous trouvons que les unes conviennent
entr’elles , & que les autres ne
conviennent pas. Nous les lions ou nous
les délions : ce qui s’appelle Affirmer ou
Nier, & généralement juger. C e jugement
fe pomme auffi Propofition, laquelle a toujours
deux termes ; f un de qui l’on affirme
«u de qui l’on nie, qu’on appelle Sujet ; &
l’autre que l ’on affirme ou que l’on nie ,
qu’on nomme Attribut. Quand le fujet
d’une propofition eft un terme commun
qui eft pris dans toute fon étendue, la propofition
s’appelle Univerfelle, foit qu’elle
foit affirmative ou négative, comme tout
homme eji raifonnable, ou nui homme n’efi
animal. Si Je te,rme commun n’eft pris
que,félon une partie indéterminée, la propofition
eft Particulière.
Les propofitions ainfî diftinguées, pour
juger de leur vérité ou de leur fauffeté , il
ne fuffit pas de confidérer des deux idées
qui la compofept, celle qui en eft le fujet
, qu’on appelle le petit terme, & celle
qui en eft l’attribut, qu’on nomme le grand
terme, parce qu’il eft plus étendu que le
fujet : il eft encore néceflaire de recourir à
une troifième idée à laquelle on donne le
nom de moyen , qui fert à comparer le
petit terme avec le plus grand , afin de
connoître l’un par rapport à l’autre. Et
O L E . 3 ?
cette manière de procéder s’appelle un
Raifonnement, qui eft toujours compofé
de trois membres au moins. Je veux fa-
voir , par exemple , fi les méchans font
dangereux, & pour cela je forme ce rai-î
fonnement.
Les méchans font£nnemis de Vordre.
Mais ceux qui font ennemis de Vordre i
font dangereux.
Donc les méchans Jont dangereux.
J’ai dit qu’un raifonnement devoit avoir*
au moins trois termes, parce qu’il pour-
roit en avoir davantage. En effet, fi après
avoir confulté une troifième idée pour fa-
voir fi un attribut convient ou ne convient
pas à un fujet, & après l’avoir comparé à
un des termes, on ne fait point s’ il convient
ou ne convient pas au fécond terme, on en
cho.ifit un quatrième, un cinquième, &c.
fi cela ne fuffit pas, jufqu’à ce qu’on vienne
à un terme, qui eft l’attribut de la conclu-
fîon avec le fujet. Exemple : On veut fa-
voir fi les ambitieux font heureux, & pour
cela on fait d’abord ce raifonnement.
Ceux-là. ne font point heureux qui défirent
toujours.
O r les antbitieux défirent toujours.
Donc les.ambitieux ne font point heureux
Voilà un raifonnement compofé de
trois termes. O r pour qu’il fût fatisfai-
fant, il faudroit avoir prouvé que ceux
qui ont quelque chofe à defirer, ne font
poijnt heureux. I l faut donc faire entrer
cette raifon dans le raifonnement, & alors
les -trois termes ne fuffifent pas. I l eft
donc néceflaire d’en chercher un quatrième
qui expofe le malheur de ceux qui
défirent, & cela peut fe faire ainfî.
Les ambitieux font pleins de defirs.
Ceux qui font pleins de defirs, manquent de
beaucoup de chofes, parce qu’ il efi impojjible
qu’ils fatisfajfent tous leurs defirs.
Or ceux qui manquent de ce qu’ ils défirent »
ne font point heureux.
Donc les ambitieux ne font point heureux.
Les deux premiers membres d’ un raifonnement
, qui forment les deux propofitions
particulières, s’appellent Prémices,
parce qu’ils fe préfentent d’abord à l’efprit
, & que la conclufion en eft une fuite
néceflaire. Ainfî fi les prémices font vrais,
E ij