C L A R K E. tion de la vîtefie & de la force des corps
la vérité au grand jo u r , & de n’avoir aucun
égard aux cara&ères des perfonnes
qui peuvent l’avoir méconnue. L e fameux
M. IVifthon profita de ce privilège. I l
prit le parti de C l a r k e , & attaqua
fans ménagement l’Evêque de Londres.
C e lu i-c i répondit , & cette controverfe
eut des fuites : mais notre Philpfophe fe
contenta d’être tranquille fpeftateur du
combat, & le renferma dans le filence.
I l paroît qu’on lui tint compte de
fa modération ; car la Charge de Maître
de l’Hôpital de Wigftan étant devenue
vacante, le Chancelier du Duché de Lan-
caftre , Milord Lechmere, s’empreflà à la
lui offrir. C l a r k e l’accepta avec d’autant
plus de plaifir, que cela ne l’obligeoit
à aucune fignature ni aucun fervice qui
eulfent rapport au fymbole & à la dodrine
à’Athanafe. L a feule reconnoiifance qu’on
exigcoit de lu i , étoit qu’il enrichit le Public
de quelques-unes de fes produisions.
I l étoit donc invité à mettre quelque chofe
au jour. Pour répondre à çetteinvitation,
il fit imprimer dix-fept Sermons prononcés
en différentes occafions, parmi lefquels
il y en avoit onze qui n’avoient pas encore
paru. Et l ’année fui vante ( 17 2 ? ) '1
publia un Difcoursfur la connexion qu’ il y a
entre la Prophéties du vieux Teftarnint, £r
Vapplication que les Ecrivains die nouveau
Tellament enfant à J. C . contre le Livre
de M. Collins, intitulé : Di [cours fur les
fondement £r les raiforts de la Religion Chré-
ticnne, ,
I l fe préfenta peu de temps apres une
autre oceafion de reconnoître le mérite de
C L A R K E. M. Nenrton étant mort en
1 7 2 7 j on lui offrit la place d’intendant
de la Monnoye , qui rapporte annuellement
12 a i ; o o livres fterlings : mais
ce revenu très - confiderable n éblouit
point notre Philofophe, qui connoifïoit
mieux le prix du temps que l’avantage des
rieheffes : il le refufa. L a Philofophie l’oc-
cupoit alors uniquement ; ôc on fait que
cette fcience procuré dé fi grandes fatis-
faétions à ceux qui l’aiment véritablement,
qu’ils ne défirent rien avec tant de paflion
que de pouvoir s’y livrer tout entiers. Une
Lettre fur les forces v ive s , oq la propor-
en mouvement, fut le fruit de fes méditations.
Cette Lettre adreffée à Benjamin
Hoadley, parut dans lesTranfa&ions Phi-
lofophiques ( N°. q-oi. ) C l a r k e y
prouve que la force des corps eft proportionnée
à la v îtefie, ôc non au quarré de
la vîtefie : vérité que M. de JVLairan a mife
dans le plus grand jour.
Enfin le dernier Ouvrage què publia
notre Philofophe , fut une verfion des
douze premiers Livres de l’Iliade d’Ho-
mère, avec des notes favantes. La Cour
lui avoit ordonné de la faire pour l ’ulage *
du Prince Guillaume. Ce dut être un travail
fort agréable pour lui ; car Homère
avoit été fon Poe té favori , ôc il portoit
l’admiration pour cet Auteur jufqu’à l’en-
thoufiafme. Auffi le traduifit-il avec foin.
On l’ap perçoit bien dans fa tradu&ion ÔC
dans fes notes , oh tout le feu de ce beau
génie de l’antiquité eft totalement développé.
C e Livre eut un fi grand fuccès ,
qu’il lui valut le titre de Prince de tous
les Auteurs. ( Longé omnium Princeps ).
C l a r k e avoit alors 5*4 ans , & il
jouifloit d’une fanté affez robufte, pour
qu’il dût fe promettre une longue vie.
Mais le 1 1 Mai 17 2 9 , en allant prêcher
devant les Juges du Royaume dans leur
Chapelle, il fut faifi tout d’un coup d’un
mal de c ô té , ce qui l’obligea de retourner
chez lui. On le mit au l i t , ôc il fe trouva
fi foulagé, qu’il ne voulut point qu’on
le faignât,'comme les Médecins l’avoient
ordonné. Néanmoins le mal de côté ayant
repris le lendemain , on lui fit deux fai-
gnées, & on lui adminiftra quelques remèdes
, qui produifirent un fi bon effet,
qu’on* le crut abfolument hors de danger.
C ’étoit une erreur , & fa convalefcence
n’étoit-qu’apparente; carie 1 7 Mai fa tête
- s’embarraffa tout-à-coup : il perdit enfuite
l’ufage de fes fens * Ôc il expira le même
jour fur les huit heures du foir.
Sa mort fut un deuil pour tous les gens de
bien ôc pour tous les Savans. Sa famille, fes
Paroiffiens & fes amis versèrent fur fa tombe
des larmes amères. Un cortçge nombreux
afiifta à fes obsèques. Le fameux
Doébeur Burngt, Evêque de Salifbury, fit
C LA
fon Oraifon funèbre ; & il remarqua que
le Défunt avoit un fi grand refpeék pour
D ie u , qu’il ne prononçoit jamais fon faint
N om , qu’il n’eût fait auparavant une petite
paufe qui interrompoit vifiblement
Ion difcours.
C larke ne s’étoit pas feulement rendu
recommandable par fes Ecrits. Sa fageffe,
la douceur de fa converfation,fon affabilité
& fa difcrétion à l’égard des chofes qu’on
lui confioit, l’avoient fait aimer ôc rechercher
de tout le monde. L a feue Reine l ’ho-
nora conftamment de fon eflime jufqu’à
fa mort. Elle conferva toujours pour lui
les fentimens de reconnoiflance qu’elle de-
voit aux inftru&ions qu’elle en avoit reçu ;
Ôc pour en conferver la mémoire , elle fit
mettre fon bufte avec ceux de MM. New'-
ion y Loke ôc IVoollaJlon, dans une grote
de fes Jardins de Richmond.
Syjîême de C l a r k e fur Vexiftence C f les
attributs de Dieu.
I . Un être quelconque a exifté de toute
éternité. En effet,. puifque quelque chofe
exifte aujourd’hui, il eft clair que quelque
chofe a toujours exifté : autrement il fau-
drpit que les êtres qui exiftent actuellement
fuftent fortis du néant, ôc n’euflTent
point de caufe de leur exiftence : ce qui
implique contradiction. Tout ce qui exifte
doit donc avoir une caufe de fon exiftence ;
car il exifte en vertu d’une néceflïté qu’il
trouve dans fa nature même, auquel cas
il eft éternel par foi-même ; ou en confé-
quence de la volonté de quelqu’autreêtre ;
ôc alors il faut que cet autre être ait exifté
avant lui au moins d’une priorité de nature
Ôc comme la caufe eft connue avant
l ’effet. C ’eft donc une vérité certaine ôc
évidente, que quelque chofe a exifté réellement
de toute éternité.
2. Mais cette chofe ou cet être qui a
exifté de toute éternité, doit être un être
indépendant ôc immuable, & duquel tous
les autres qui font ou ont é té , tirent leur
origine. Si cela n’étoit pas , il faudroit
qu’il y eût une fucceffion d’êtrès dépen-
dans ôc fujéts au changement, qui.fe fufient
produits les uns les autres dans une progrefi
R K E. py
fion infinie, fans avoir aucune caufe originelle
de leur exiftence ; & cette fuccef-
fïon eft impoffible. Car il eft évident que
tout cet aflemblage d’êtres ne peut avoir
aucune caufe interne de fon exiftence *
parce qu’il n’y a aucun être qui ne dépende
de celui qui le précédé, Ôc aucun
n’eft fuppofé exifter par lui - même ÔC
nécefTairement : ce qui eft pourtant la feule
caufe intérieure d’exiftence. O r fi aucune
des parties n’exifte nécefTairement, il eft
clair que le fout ne peut exifter nécefiaire-
ment ; la néceflïté abfblue d’exifter n’étant
pas une chofe extérieure relative ôc accidentelle
, mais une propriété effentielle de
l’être, qui exifte nécefTairement.
Une fucceffion infinie d’êtres dépen-
dans fans caufe originelle ôc indépendante
, eft donc une chofe impoffible : c’eft
fuppofer un afîemblage d’êtres qui n’ont
ni caufe intérieure, ni caufe extérieure de
leur exiftence ; c’eft-à-dire des êtres qui
confïdérés féparément, ont été produits
par une caufe, ôc qui confïdérés conjointement,
n’ont été produits par rien : ce qui
eft contradictoire. D ’où il fuit ƒ qu’il faut
admettre de toute néceflïté , qu’un être
immuable Cf indépendant a exijlé de toute
éternité.
S* Cela étant, cet être éxifte nécefTai-
rement & par lui-même. Car tout ce qui
exifte eft ou forti du néant fans avoir été
produit par aucune caufe que ce fo it, oui!
a été produit par quelque caufe extérieure,
ou il exifte par lui-même. O r il eft impoflï-
ble qu’une chofe foit fortie du néant fans
avoir été produite par aucune caufe ; ôc i l
eft également impoffible que tout ce qui
exifte ait été produit par des caufés externes
, puifqu’on vient de voir que quelque
être indépendant exifte éternellement.
Donc cet être éternel Cf indépendant exifte
nécejfairement Cf par lui-même.
 u refte, exifter par foi-même ne lignifie
pas s’être produit foi-même ; car cette
lignification renfermeroit une contradiction
: c’eft donc exifter en vertu d’une né-
ceffité abfolue originairement inhérente
dans la nature même de la chofe qui
exifte.
4. Mais quelle peut être l’idée d’un être