principes généraux de nos c&nnoijjances font
( philofophiquement parlant ) La règle matrice
& originelle de toute interprétation de
VEcriture, en matière de moeurs principale
ment. I l examine enfuite les raifons qui
tendent à prouver la tolérance des différentes
Religions, & à renverfer le fens littéral
de ces paroles : Compelle intrarç. On
trouve après cela la réponfeà plufieurs
ob je&ions. E t le Commentaire eft terminé
par une réfutation des raifons particulières,
dont S. Auguftin s’eft fervi, pour jufti-
ifier les perfécutions contre les Hérétiques.
I l donna au Public vers ce temps-là une
petite Pièce intitulée : Ce que c’eft que la
France toute Catholique fous le règne de Louis
le Grand, qu’il a depuis fait fervir d’intro-
duCtion au Commentaire Philofophique.
L e but de l’Auteur eft de prouver qu’on
.doit fouffrir la tolérance de toute Religion
ou SeEle, qui ri a aucun principe tendant
à troubler le repos, & qui ne fait pas
injure à la Divinité, qu’elle fait profeffion de
croire.
M. Jurieu attaqua cet Ouvrage par un
Traité intitulé : Des droits de deux Souverains
en matière de Religion , la confcience Or
le Prime, pour détruire le dogme de la tolérance
univerfdle établie dans le Commentaire
Philosophique. M. Saur in fit une critique de
,ce L iv r e , ôc convainquit l’Auteur de mille
bévues ÔC d’autant de contradictions.
A u relie dans ce Commentaire, Bayle
paroît douter li les Sociniens & les Ana-
baptiftes, qui rejettent le dogme de la contrainte
, ne font pas les feuls qui ont con-
ferv éla fo i pure & dans fon entier. I l y
blâme aqlfi la conduite de Geneve, qui défendit
en 15*3 j tout exercice de la Religion
Romaine , & qui ordonna que ceux
qui ne vouloient pas embraffer la réformation
, fortifient de la V i lle , à peine de pri-
fon ou d’exil. Enfin il y condamne l’abolition
de la Meftè, & les Septeuces contre
Servet, ôcc.
L a grande application que B a y l e
apporta à cet Ouvrage, jointe à la plaie
que la mort de fes parens avoit faite à fon
coeur, dérangea fi fort fa fanté , qu il fut
obligé de difcontinuer fon Journal en
J 68 7 au mois de F év rier, qu’il n’acheva
pas.. I l eut pour fiicceffeuf M. Beauval de
Bqfnage, lequel en publia la continuation
fous ce titre : Hijîoire des Ouvrages des Sa-
vans ; parce que, difoit-il, » en lui don-
» nant celui de Nouvelles de la République
» des Lettres, on auroit cherché l’illuftre
» Auteur qui leur a donné naiffance ; &
» le titre mal foutenu n’auroit fervi qu’à
» redoubler les regrets d’un homme inimi-
» table.
Cependant la fanté de B a y l e al loi t
de mal en pis. I l étoit tourmenté d’une
fièvre qui ne le quittoit pas. Pour s’en délivrer
, il alla à Aix-la-Chapelle y prendre
les eaux , qui le rétablirent afiez bien.
A v e c un peu de repos & beaucoup de
tranquillité, fon tempérament fe fût fortifié
: mais on ne trouve ni l ’un ni l ’autre
dans la République des Lettres. Elle eft
fujette comme lesEmpirçs à des révolutions
; & malheureufementil en arriva une
terrible qui porta une atteinte mortelle
à la vie de notre Philofophe.
I l parut en 1 6<?q un Ouvrage intitulé :
Avis aux Réfugiés fur leur prochain retour
en France., C ’eft un E crit en forme de Le ttre
, dans lequel on raille les Réfugiés fur
les efpérances qu’ils avoient conçues de
voir des événemens extraordinaires en
1 6 8 p , prédits par M. Jurieu aux Réformés.
On l ’attribua à B a y l e , qui le
defavoua toujours. Malgré ce defaveu,
M. Jurieu rompit tout d’un coup avec lui
d’une manière brufque & féroce. I l lie
part en quelque forte de cette incartade au
Public, par un Examen d’ un Libelle contre
la Religion, contre l’Etat, contre la Révolution
d'Angleterre, intitulé: Avis important
aux Réfugiés fur leur prochain retour en
France. I l accufa de plus notre Philofophe
d’être l ’Auteur d’une cabale dévouée à la
France , pour perdre l’Angleterre , la
Hollande &leurs A llié s , avec tout le Pro-
teftantifme ; & cela parce qu’il avoit voulu
faire imprimer un projet de paix que
l’Auteur (M . Goudet, Marchand de Gen
èv e) lui avoit adrelfé. I l étoit fort aifé
à B a Y'L E de démontrer cette calomnie :
c’eft ce qu’il fit dans un Ouvrage intitulé :
La Cabale chimérique , ou Réfutation de
l'Hijîoire fabyleufc G* des çalomnies que M ,
Jurieu vient de publier malicîeufement contre
un certain projet de paix, & touchant le L ibelle
intitulé : Avis important, ôcc. I l parut
en même temps un FaCtum contre lui par
un foi-difant de fes amis, dont le titre eft :
Nouvelles conviblions contre VAuteur de l’A vis,
Ôcc. E t notre Philofophe y fit une belle
réponfe fous ce titre : La Chimere de la Cabale
de Rotterdam démontrée, ôcc.
Cette difpute fut calmée pendant quelque
temps, à caufe de la maladie de l’A c -
eufateur. Elle paroiiïoit même afloupie,
lorsqu’un ami de M. Jurieu la réveilla par
cet Ouvrage : Le Philofophe dégradé ou
Réfutation de la Chimere , ôcc. B a y l e
y fit deux réponfes, l’une intitulée Avis
au petit Auteur des petits Livrets , ôc
l’autre Nouvel Avis, Ôcc. danslefquels il fe
moque fort agréablement de fon Adver-
faire.
Tous ces Ecrits humilièrent un peu M.
Jurieu ôc fes Partifans. Mais ce Profeffeur
voyant qu’il ne lui étoit pas avantageux
de combattre avec des raifons, crut devoir
employer la force. Comme il ne pouvoit
mettre B a Y L e en défaut du côté de l ’ef-
p r it , il attaqua les qualités du coeur. Non
content de le traiter de traître, de confpi-
rateur d’E ta t , d’impie ôc d’athée, M. Jurieu
forma des cabales artificieufes pour le
perdre ; Ôc il eut le crédit de faire dénoncer
par un Confiftoire Flamand , le L i vre
des Cometes , aux Bourgmaiftres de
Rotterdam, comme un Livre dangereux
& impie. I l leur fit entendre qu’il n’étoit
pas décent de donner penfion à un P rofef
four qui avoit de tels fentimens. On a écrit
que les Bourgmaiftres , qui n’entendoient
rien à la doCtrine des Cometes, mais qui
écoutoient les calomnies de M. Jurieu,
crurent devoir déférer à fes avis, & qu’en
conféquence ils ne fe contentèrent pas de
dépofer B a y l e , qu’ils révoquèrent
encore la permiflïon qu’ils lui avoient donnée
d’enfeigner en particulier.
Cependant, fi l’on en croit M. des Mai-
feaux, * la vraie caufe de fa difgrace v e -
noit du Roi d’Angleterre, qui lui attribuant
le projet de P a ix , s’imagina qu’il
y avoit une cabale pour faire conclure
la Paix , à peu près comme ûn avoit
procuré celle de Nimègue , par de#
Ecrits femés à Amfterdam & ailleurs.
C ’eft-à-dire que Sa Majefté penfoit que
B a y l e avoit travaillé pour engager
les Hollandois à conclure la Paix
avec la France à fon préjudice* Dans cette
perftiafion , elle ordonna aux Magiftrats
de lui ôter fa Cfiaire.
Quoi qu’il en foit, notre Philofophe perdit
fa place le 20 Octobre 1683 . Privé de
fon revenu , ôc peu accommodé des biens
de la fortune, il fe trouva dans une fitua-
tion fort trifte. Mais fa Philofophie ne l ’abandonna
pas. Elle lui fit regarder cofnme
inutile ce qui lui manquoit ; ôc l’efprit de
definterdfement, la tempérance ôc la fon
briété lui tinrent lieu d’un revenu fufnfanf.
Cette patience & cette modération, bien
loin de faire revenir fes ennemis, ranimèrent
au contraire leur fureur. Ils répandirent
par-tout que la dépofition deBAYLË
étoit fondée fur la dénonciation de l’Avis
aux Réfugiés,ôc de la Cabale chimérique,ôcc.
B A yl e les laifla d ire, ôc fongea à tirer
parti de fes talens. I l imagina de faire tin
Dictionnaire qui relevât toutes les faufie-
tés que pouvoient contenir les Dictionnaires
Ôc les autres Ouvrages de conféquence,
& qui les rectifiât. Il devoit l ’intituler par
cetteraifon Dictionnaire Critique, ôc il l’ap-
pelloit La Chambre des AJJurances de la République
des Lettres. Mais le projet Ôc les
fragmens qu’il en publia ne furent pas
goûtés. I l abandonna donc cette entre-
prife; ôc en même temps il forma le deffein
de fon Dictionnaire Hijlorique G* Critique,
auquel il travailla avec beaucoup de a ili-
gence. C et Ouvrage qui contient une mé-
taphyfique très-fubtile , eut u n . fuccès
étonnant. I l fut fur-tout fi eftimé en A n gleterre
, que le Duc de Shreirsbury , qui
avoit beaucoup de mérite, defira que cet
Ouvrage lui fût dédié. I l chargea à cet effet
M. Bafnage d’affurer B a y l e qu’il lui
témoignerait fa reconnoiffance par un préfont
de deux cens guinées. Mais ni cette
offre , ni les follicitations les plus prefian-
* Vie it Bajte, Toni. II. pag. j 6.