tote. Il y mit enfin la derniere main, & le fit
imprimer à Grenoble, fous ce titre : Fxer-
citationes paradoxicce advenus ArijloteLxos,
in quibus prxcipua totius peripateticce doftri-
nce atque dialeclicx fundamenta excutiuntur.
Opiniones-novce aut ex veteribus obfoletæ fta-
biliuntur. 1624- C ’eft à-dire', Exercita-
tions paradoxales contre la Philofophie d’A -
riftote, dans lefquelles on réfute les fondemens
de cette Philofophie, avec des opinions nouvelles
ou tirées des anciens Philofophes.
Cet Ouvrage eft divifé en deux livres.
Dans le premier, il attaque en général
les Ouvrages d’Ariflote. I l fait voir que
ces Ouvrages font imparfaits ; qu’il y manque
une infinité de chofes qui ont été perdues
après la mort de ce Philofophe , 6c
qu’il y en a beaucoup d’inutiles, de fauffes
ôc de contradictoires. I l examine dans le
fécond livre fa Logique en particulier, 6c
il fait main-baffe fur fes univerfaux ôc fes
catégories (a), combat fes opinions, 6c n’épargne
ni fes règles, ni fa méthode.
I l partit pour Paris peu de temps après
l’impreffion de fon Livre. On croit que ce
fut pour s’affurer la Prévôté de Digne,
que fon Chapitre venoit de lui conférer ,
6c qu’on lui conteftoit : mais il y a lieffde
croire que le défir de favoir ce que les Sa-
vans de cette Capitale penfoient de fa production,
eut beaucoup de part à ce voyage.
I l y fit en peu de temps plufieurs belles con-
noirtances, & acquit en particulier l ’amitié
de M. Luillier, Maître des Comptes ôc
Confeiller au Parlement de Metz , qui ché-
riffoit les Savans, 6c avec .connoiffance de
caufe, ôc qui voulut abfolument le loger
chez lui. G assendi fut très-fâché de trouver
peu d’Aftronomes à Paris. I l s’en plaignit
aux Mathématiciens avec qui ils ’étoit
lié ; ôc n’oublia pas, avant de partir, d’inf-
pirer du goût pour l’étude de l’Aftronomie.
Notre Philofophe retourna à Grenoble,
afin de fuivre l’affaire de fon Chapitre. Il
y rencontra M.Diodati,Confeiller de la République
de G enève, intime ami de Galilée
, avec qui il fit connoiffance. Ils s’en-
tretenoient fouvent de ce grand Mathématicien.
Gassendi écoutoît avec admi*
ration tout ce que M. Diodati lui en difoit.
Ses lèntimens d eftime accrurent à un tel
point, qu’il regarda comme une des plu»
grandes fatisfaClions dont il pût jouir ,
celle de lui en faire part. Il réfolut donc de
joindre une lettre pour Galilée à celles que
le Confeiller de Genève lui écri vo it, 6c de
lui envoyer fon Livre. La maniéré dont il
s’exprime fait voir un homme infiniment
touché de fon mérite, Ôc très-défireux de,
participer à fon amitié. Je vous fuis infiniment
inférieur, dit-il, en âge Gr en favoir. Je
ne puis vous offrir que mes rejpedls, (y je ne de- .
mande de vous qu’un peu de part à cette bonté
naturelle que vous ave% pour les gens de bien
qui aiment L’étude. I l avoit déjà fait la même
politeffe à Snellius, célèbre Géomètre de
Hollande. Et en général, il provoquoit
tous les Savans à lui accorder leur corref-
pondance par des lettres également polies
ÔC inftruétives.
Sa cenfure d’Arijlote fe répandit ainfî
dans toute l’Europe. Les Péripatéticiens
en prirent l’allarme. Ils n’épargnerent ni
les injures, ni les menaces. Ils le traitèrent
de téméraire, de vifionnaire 6c d’impie*
G a s s e n d i étoit d’une humeur pacifique.
I l ne voulut point faire tête à l’orage, 6c il
effima qu’il étoit plus prudent de fuppri-
mer la fuite de fa critique, 6c de la réferver
pour un moment plus favorable. En attendant,
il s’occupa de toute autre chofe. Une
découverte faite par un Médecin , nommé
Ajellius de C rémone, faifoit beaucoup de
bruit. Notre Philofophe, qui avoit étudié
cette fcience dans le temps qu’il profeffoit
la Philofophie à A i x , qui avoit même fait
avec M.dePeyrefc plufieurs différions, voulut
en prendre connoiffance. M. Afellius
prétendoit avoir trouvé des veines blanches
dans le mézentaire, qui conduifoient
le chyle. G a s s e n d i ne fut pas de cet avis.
II ne croyoit point que le partage du chyle
au foie pût fe faire par l’entremife des rameaux
de la veine-porte femés par le mézentaire
, comme fervant à porter du foie
la nourriture néceffaire aux inteftins, ÔC
-[*] On trouvera l’explication de ces mots au commencement 4e l’Hiftoirc de Nieolt, Tom. I. de cet
Ouvrage.
Ôes inteffins dans le foie, le chyle deftiné à
être converti en fang. I l avoit imaginé un
paffage bien plus commode, Lavoir le canal
du pore cholidoque, par lequel les Médecins
veulent feulement que la bile fe décharge
dans les inteftins. Mais il fe trom-
poit ainfi que le Médecin de Pavie, comme
l ’a fait voir le célèbre M. Pecquet, par la découverte
du canal torachique, qui eft une
forte de réfervoir qui verfe la lymphe 6c
le chyle dans la veine fouclaviere gauche,
Ôc de-là dans la veine-cave, pour aller au
coeur.
Dans ce temps-là, un Phyficien habile
( M. Fludd ) publia un Livre contenant l’apologie
des Cabaliftes & des Freres de la
Rofe-Croix. L ’illuftre Pere Merfenne l’a-
yo it attaqué fans ménagement, ôc M. Fludd
avoit répondu avec beaucoup de véhémence.
Plufieurs Auteurs avoient pris la plume
pour venger le Pere Merfenne ; mais ce
Minime crut que G a s s e n d i étoit feul en
état de le juftifier, 6c de mettre fonadver-
faire à la raifon. I l lui écrivit pour le prier
de fe joindre à lui. Notre Philofophe lui
répondit que quoiqu’il fût fur le point de
faire un voyage dans les Pays-Bas ôc dans
la Hollande avec M. Luillier, il travaille-
roit même en chemin à fa juftification.
Ces deux amis partirent dans l’Automne
de l’année 16 2 8 , bien réfolus d’obferver
tout, ôc de philofopher fur tout. Ils ren-
doient vifite aux Savans qu’ils rencon-
troient fur leur route , 6c ne laiffoient
échapper aucun phénomène de la nature
fans? en tenir compte. Entre ces phénomènes
il y en eut un qui frappa nos Philofophes
voyageurs : ce fut de la neige à fix
angles qui tomba à Sedan le 19 Janvier
16 2 9 . G a s s e n d i crut devoir le communiquer
au Pere Merfenne. I l envoya peu de
temps après à M. Peyrefc une defcription
très-curieufe des Ifles flottantes de Saint
Orner. Celle où je m’embarquai, di t-il dans
fa lettre, efl prefque un quarté long, ayant
treize pas de longueur fur fept pieds de large.
Son épaijfeur n’étoit pas plus de trois pieds,dont
l’un étoit fur lafurface de- l’eau. L ’ijïc étoit
toute couverte d’une herbe fort épaîffe, dont je
fis faucher une partie, pour pouvoir mieux confédérée
Le fonds* Je remarquai qu’il n’etoït
point terreux, mais qu’avec fort peu de terre
on y voyoit un tijfu continuel de racines ,* de
maniéré que ce n’étoit qu’un corps comprimable
£r fpongieux, Gr qui par fa laxeté & légèreté
pouvait facilementfur nager. Sa pefanteur étoit
néanmoins telle dans l’endroit où l’eau étoit
libre, que tout ce que je pouvois faire, â étoit en
prejfant mon bateau contre le bord ferme, de
le remuer bien lentement par le moyen d’une
perche que je poujjois...... Juge% de la fatisfaction
que j ’avois de voir à mon aife cette curio-
Jité , £r combien agréables étoient les médita
tions que jefaifois, lorfqu’ajfis fur l’herbe, je
me voyois emporter comme par un charme fecret
avec les arbres voifns.
I l fit connoiffance en Hollande avec
MM. Reneri, premier difciple de Defcar-
tes, ôc IVaffenaer, doéte Médecin, 6c le
fujet de leur converfation fut fur-tout un
phénomène, connu fous le nom de Parhé-
lie s , qui paroiffoità Rome, ôc qui fixoit
l ’attention de tous les Savans de l’Europe.
G a s s e n d i promit d’en donner une explication
ample ôc raifonnée, 6c de la leur envoyer
: mais une lettre qu’il reçut de
M. yanhelmont, Médecin à L e yde, l’obligea
de fufpendre fon travail. Cette lettre
étoit accompagnée d’une differtation fur
cette queftion : Eft-il plus naturel à l’homme
de fe nourrir de viande que de fruit ? En
pafïant par Bruxelles, notre Philofophe
avoit déjà parlé de cela avec M. Vanhelmont
, ôc il n’avoit point été de fon avis.
L e Médecin s’étoit déclaré pour la viande,
ôc G a s s e n d i foutenoit au contraire que
nous étions deftinés à ne manger que du
fruit. I l compofà à ce fujet un bel écrit latin
, dans lequel ïl prouve artèz bien par la
conformation de nos dents, que Dieu ne
nous a pas affigné pour nourriture la ehair
des animaux. Car il a donné de longues
dents aigües, inégales, écartées aux ani-
mauxcarnaciers,tel$queresîions;!estigresy
les ours, les chiens, les chats, &c. tandis
qu’il a muni de dents courtes , larges ,
contiguës 6c difpofées d’une même fuite à
ceux qui doivent fe nourrir d’herbes 6c de
fruitscomme les ch e v au x le s boeufs, les
brebis, les cerfs, ôcc. O r les dents deshonr-
mesfont femblables-à celles de ces ani-r
aiau-x :■ donc la nature a voulu qu’ils fe