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révifion générale , & le publia en 16 87
fous ce titre : Philofophioe naturalis prin-
cipia Mathematica , autore Ifaaco New-
tono. C ’eft-à-dire : Principes Mathématiques
de la Philofophie naturelle. On ne
fit pas d’abord un grand accueil à ce L ivre.
Comme la Géométrie la plus profonde
y fert de bafe à une Phyfique nouvelle
, qu’il eft écrit très-favamment, &
que l’Auteur a referré extrêmement les
démonftrations , peu de perfonnes furent
en état de l’entendre. Les grands Mathématiciens
n’y parvinrent qu’en l’étudiant
avec foin , & les médiocres ne s’y appliquèrent
que fous la conduite des autres.
On vint ainfi à bout de faire con-
noître ce L ivre ; & lorfqu’il fut fuffifam-
ment connu, tous les Savans le réunirent
pour lui donner les plus grands éloges. 11 n’excita , dit M. de Fontenelle, qu’un
cri d'admiration ( è.)v‘ Les Géomètres,
furtout en furent enchantés, à caufe de
Pexa&itude avec laquelle notre Philofophe
explique la plupart des phénomènes
, & de la folution qu’il y donne des
plus beaux problèmes de Géométrie &
de Méchanique. Ils* virent encore avec
plaifir les Elémens de fa méthode des
Fluxions. C ’étoit la fuite ou le développement
de fa découverte fur la quadrature
des courbes, dont j’ai parlé ci-devant.
Il s’agiffoit toujours de les mefurer
& de découvrir leurs propriétés. Voici
le calcul qu’il imagina à ce fujet.
I l détermina les courbes en les formant
& en examinant les loix de leur génération.
I l conçut les aires terminées par
des lignes éburbes comme produites par
le mouvement des ordonnées fur l’abciffe,
qui font des lignes qui, en fe coupant à
angles droits, déterminent la convexité
ou la concavité, en un mot la nature de
la courbe. Les accroiflemens de ces aires
furent ainfi entr’eux comme les ordonnées
T O N .
génératrices des deux aires ; & il les re-
préfenta par ces mêmes ordonnées, parce
que le rapport des ordonnées eft le
rapport naifiant des deux aires. Par là il
v it clairement que les vîtefies des ordonnées
, qui coulent ou fluent ( fuivant
l ’exprefiïon de Newton ) fur la bafe, en
formant une courbe, accélèrent leur mouvement
, pour rendre la courbe plus concav
e , c’eft-à-dire, pour que l’aire de la
courbe augmente. A u contraire, ces ordonnées
fe meuvent d’une vîtefîe retardée,
fi la concavité de la courbe diminue ,
ou fi l’aire devient moindre. Enfin, lorf-
que le mouvement de l’ordonnée eft uniforme
, la courbe n’acquiert point de variation
, & par conféquent la furface
qu’elle décrit eft exa&ement un parallélor
grame ( c ).
Cette méthode étoit déjà connue dans
le Publie fous le nom de Calcul différentiel
de Leibnit{, qui s’étoit rencontré là-
defius avec notre Philofophe (d ) . Auftt
les Mathématiciens s’attachèrent uniquement
au corps de l’Ouvrage. L a facilité
qu’ils eurent à calculer les mouvemens
des Planètes , en combinant les deux
forces qui produifent leurs mouvemens,
les fit devenir A ftronomes ; qualité glo-
rieufe que les Géomètres n’avoient point
encore eue ; & par-là tous les Calculateurs
devinrent Newtoniens. Ce fut pour
eux un grand fujet de triomphe de pouvoir
parler de Phyfique. Ils n’avoienü
point cet avantage dans le fyftême de
Defcartes, qui ne donne pas prife par fes.
tourbillons à des calculs épineux ou agréables.
Les Phyfîciens tempérèrent pourtant
cette joie. Ils convinrent bien qu’en
paftant à N e w t o n l ’attraâion & le
vuide , les deux principes de fon fyftême,
il pouvoit bien contenter un Mathématicien
: mais ils foutinrent qu’il ne fatis-
feroit jamais un Phyficien qui demande
( b ) On m’a dit que cet Ouvrage ayant été connu
de l’Empereur de la Chine par la voie des Miffion~
naires François , ce Souverain voulut en témoigner
fa fatisfaéVion à l’Auteur par une Lettre qu’ il lut
écrivit en Langue Chinoife. Comme il ne doutoit
point que fà réputation ne fût répandue dans tout
l’Univers, & qu’ il croyoit que tout le monde de-
voiï favois la demeure } i l mit fur lç delliis de la.
Lettre cette Ample adrelTe : A M . Newton, en Eu-,
rope, La Lettre parvint à notre Philo lophe , & en
la traduifant, on y vit des expreffions tres-foites
de l’eftime que l’Empereur en faifôie.
( e ) Voyez, VHijioire critique du Calcul des Infiniment-
Petits y chez Jombert.
( d ) Voyez l’hilioire de cette concurrence dans
l’Hilloirc de Leibnitz... qui fuit..
N E JF T O N.
des raifons méchanïques des effets qu’on
veut expliquer. Quoique cela parût rai-
fonnable, les Calculateurs étant en plus
grand nombre que les Phyfîciens, fermèrent
abfol ument la bouche à ceux-ci.
Encouragé par un fuccès aufli brillant
, notre Philofophe travailla à marquer
fa reconnoiftance au Public par de
nouvelles produftions. I l y avoit longtemps
qu’il penfoit qu’un rayon de lumière
étoit compofé des fept rayons colorés
qu’on voit dans un prifme expofé
au foleil ; & il voulut fuivre cette idée.
Dans cette vue , il travailla à féparer
ces rayons colorés d’un feul rayon de
lumière , ou pour me fervir d’une ex-
preflîon également ingénieufe & exa&e
de M .de Fontenelle, il travailla, dis-je,
à faire l ’anatomie de la lumière. Ayant
laiffé paffer un rayon de lumière dans
une chambre obfcure, il le décompofa,
divifa , difleqûa, fi l’on peut parler ainfi,
de façon qu’il trouva que ce rayon étoit
compofé de fept rayons teints d’une couleur
particulière&inaltérable.Il remarqua
en même temps que chacun de ces rayons
fe'réfraétoit différemment , ou comme
il l ’appella, avoit différens dégrés de réfrangibilité.
Il mefuraenfuiteces dégrés,
& il trouva qu’ ils fuivoient le rapport
qu’il y a entre les fept tons de la mufi-
que. Tout cela ne pouvoit être connu
éc démontré que par des expériences
extrêmement fines ; & N e w t o n ,
quoique plein encore de calcul, eut affez
de dextérité pour en faire un grand nombre
de ce genre. Il communiqua fes premières
expériences à la Société Royale
de Londres, qui en fut fort fatisfaite.
Quelques Phyfîciens fe hâtèrent de les
nier , parce qu’ils n’avoient pas pu y
réuflir. Sur ces objections prématurées,
notre Philofophe héfita s’il les feroit imprimer.
I l craignit, en les rendant publiques
, de s’expofer à des chagrins que
donnent toujours les mauvaifes querelles.
J ’aurois à me reprocher ( écrivoit-il à un
de fes amis ) mon imprudence de perdre une
chojè aujji réelle & aujjl précieufe que le repos
pour courir après une ombre. . . ( Me
arguerem imprudentiâ quod umbram cap-
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tando, eatenus perdideram quietem meam,
rem prorfus fubfiantialem. ) Mais fes anus
Payant raffuré là-deflus, il fe détermina
à mettre en ordre fon manuferit, & le
publia en 1 7 0 4 , avec ce titre : Traité
d’Optique fur la Lumière G* les Couleurs.
I l devoit y joindre fa Méthode des Fluxions
& des Suites infinies , & il fe contenta
d’y ajouter fon Traité des Quadratures.
Ce fut de fa part une forte de
dépit, qui retomba fur le Public. Heu-
reufement il n’oublia pas de donner le
deffein d’un Telefcope par réfleétion, à
l ’invention duquel fa théorie l’avoit conduit
, qui n’ayant que deux pieds de longueur
, devoit faire autant d’effet qu’un
bon Telefcope ordinaire de huit ou neuf
pieds ; ce qui fut confirmé par l’exécution
qu’on en fit dans la fuite. Cependant
ce que Newton avoit prévu arriva.
On nia prefque par tout fon fyftême des
couleurs, & on l’accufa d’avoir mal vu.
M. Mariote, célèbre Phyficien François,
ne put jamais réuflir aux expériences que
notre Philofophe avoit indiquées : il
trouva toujours que les rayons de lu mière
n’avoient point une couleur fix e ,
& que par conféquent ils n’étoient pas
colorés eftentiellement, comme l’avoit
avancé l’Auteur du Traité d'Optique. Plu-
fieurs Phyfîciens tentèrent les mêmes expériences
, & ne furent pas plus heureux
que M. Mariote. On doutoit donc déjà
en France fi Newton avoit bien procédé
dans fes opérations. C e doute l’of-
fenfa. M. le Cardinal de Polignac, qui
l’eftimoit beaucoup , fut informé de ce
mécontentement. .Convaincu de fon mérite
fupérieur, il foupçonna quelque mé-
prife dans le procédé des François. I l
fit venir des prifmes d’Angleterre, (in f-
trumens avec lefquels notre Philofophe
décompofoit les rayons de lumière) fit
faire devant lui les expériences, & elles
réuflirent. On les répéta avec le même
fuccès ; & le fyftême de Newton fut
adopté par toute l’Europe favante.
A u milieu de fes travaux phi.lofophi-
ques., ce grand homme n’oublioit point
les fonctions de fon état. Le Roi Jacques
H ayant attaqué les privilèges de l’U -