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P A S C A L • *
LE grand nombre de découvertes &
d’inventions que Defcartes avoit faites
j la bonne méthode d’étudier qu’il avoit
établie, la nouvellePhilofophie qu’il avoit
compofée , enfin cette lumière pure &
abondante qu’il avoit répandue principalement
fur les fciences exaCtes, firent tomber
abfolument le voile de l’ignorance.
L ’efprit humain rentra dans fes droits. On
apprit à penfer & à juger par foi-même de
la valeur des chofes, fans d’autre égard
pour l’autorité que pour celle delaraifon.
On tenoit des mains de Defcartes le Critérium
de la vérité, & on reconnoifloit clairement
qu’on devoit fuivre déformais la
route que ce grand homme avoit tracée
pour étendre la fphère des connoiflances
humaines.
C e fut en marchant fur fes traces que
fon fuccelTeur contribua à la fois à la perfection
de la Phyfique, de la Géométrie &
de la Morale. On penfoit avant Galilée
que l’eau ne montoit dans les pompes afpi-
rantes, lorfquon en tire le pifion, que
parce que la nature avoit horreur du vuide.
Cet illuftre Mathématicien fit voir que
l ’eau ne montoit que jufqu’à la hauteur de
32 à 3 5 pieds ; d’où il conclud que la nature
n’avoit horreur du vuide que jufqu’à
un certain point. Son difciple Toricelli fe
fervit de mercure pour faire cette expérience
, & pour la varier. Surpris de tout
ce qui fe paffoit fous fes y e u x , il en rechercha
long-temps la caufe. Il lui vint
en penfée que la pefanteur de l’air pour-
roit bien produire tous les effets qu’on
avoit jufqu’alors attribués à l’horreur du
vuid e ; mais ce n’étoit là qu’une fimple
conjecture qui devint une vérité par le
travail du cinquième Reftaurateur des
Sciences. Il perfectionna enfuite l’art des
combina'ifons, & .créa en quelque forte
une Géométrie très-fine. Enfin il mit dans
le plus grand jour la nature propre de
l ’homme & fes miferes.
C ’èft à Clermont en Auvergne que naquit
cePhilofophe, le ip Juin 16 23 . Son
pere qui étoit Premier Préfident de la Cour
des A ides à R iom, s’appelloit Etienne Paß
cal , & il nomma fon fils Blaife Pafcal.
C ’étoit un favant homme, & un Mathématicien
habile (b). I l eut pour cet enfant,,
qui étoit fon fils unique, une tendrefiè
toute particulier^. Cette tendrefiè accrut
même au point qu’il fe démit de fa charge,
& vint s’établir à Paris, pour être plus à
portée de procurer à fon enfant une bonne
éducation. ’ L e jeune P a s c a l vit à peine
la lumière, qu’il donna des preuves d’une
fagacité extraordinaire.. Il vouloit favoir
la raifon de toutes chofes, & il ne fe ren-
doit qu’à ce qui lui paroifloit évidemment
vrai ; de forte que quand on ne lui don-
noit pas de bonnes raifons, il en cherchoit
lui-même, & ne quittait point prife qu’il
n’en eut trouvé quelques-unes qui pufient
le fatisfaire. Son pere s’étant apperçu qu’il
étoit naturellement porté à raifonner & à
approfondir, craignit que fi on lui don-
noit quelque connoifiTance des fciences
exaCles, il ne s’y attachât tellement qu’il ne
fût pas poffible de lui apprendre les Langues,
à l’étude defquelles il avoit réfolu
qu’il s’appliquât. Il prit donc le parti de
lui cacher fur-tout la Mathématique, qui
eftunefcience de raifonnement. Malgré
les précautions, comme il voyoit des Mathématiciens,
il ne put pas empêcher que
le mot Géométrie n’échappât dans quelque
converfation. Ce fut un fujet de queft*]
Vie de Pafcal pat Madame Perrier. Les enfant
' dev, nus célèbres par leurs études, par Baillet. Préface de
l'Equilibre des liqueurs. DiMionnairc de Bayle , article
Pafcal. Préface & Avertiflement de la fécondé édition
de l'uinatjfc des Jeux de hazard, [ Pax M. de
Montmort]. Ses Lettres & fes Ouvrages.
[il Voyez la part qu’il prit aux difputes de MM.
Fermât & Defcartes dans l’Hiftoire de Defcartes qui précédé
celle-ci.