pbflelïion à cet égard. Sa chere époufe
Je donnoit auffi les mouvemens néeeffai-
res pour accommoder fes affaires.
Elle étoit en Zélande , lorfqu’il jugea
à proposée quitter la Hollande. 11 partit
d’Amfterdam- le 1 7 Mars 1 6 3 2 , pour
fe rendre à Hambourg. Sa femme vint
le trouver. C ’étoit fa grande eonfola-
ïion dans fes adverlités. I l y. avoit alors
dans cette V ille le Vice-Chancelier de
Suede ( M. Sahnus ) qui étoit non-feit-
lement politique , mais-encore homme de
Lettres. G r o t i u s fit cônnoiffance
avec lui. I l le voyoit Couvent, & M. Sal-
v'ius fut ainfï à portée d’apprécier fon mérite.
I l en conçut une ff grande effraie',
qu’il en parloit fans ceffe au grand Chancelier
Oxmjiiern, dans- les lettres qu’il
lui écrivent. C e Miniftre en faifoit beaucoup
de cas, & ces rapports le confirmèrent
toujours plus dans l’idée infiniment
avantageufe qu’il avoit de lui. L e Roi de
Suede lifoit dans ce temps-là le livre du
Droit de la Guerre & de la P a ix , & c’é-
-toit avec des tranfports d’admiration. I l
regardoit l’Auteur comme le premier
homme de fon ftécle. I l penfoit meme
que celui qui avoit fi bien écrit fur le
Droit public, devoit être un excellent
politique. I l en conféroitfouvent avec le
grand Chancelier , qui enchériffoit encore
fur ces fentimens. Toutes ces rations
déterminèrent le Roi a fe l’attacher.
E t il alloitmettre ce projet à.exéeution,
lorfqu’il fut tué le 6 Novembre 1 6 32 ,
dans cette bataille contre les Impériaux,
oit les Suédois remportèrent une viétoire
fignalée.. Peu- de temps avant fa mort,
ce Prince ordonna entr’autrer choies, que
G r o .t i u s feroit employé dans le Mi-
niftere de Suede. L e grand Chancelier-,
qui fut Régent du-.Royaume pendant la
minorité- de la Reine- ChriJUne , fille de
Guftave, fe fit un-devoir d’exéouter les
ordres de-fon maitre. Il- écrivit à G R o -
T i U s de, le-, venir trouver , pour-remplir
un emploi digne de ion mente. C ’étoit
beaucoup promettre. Cependant-nôtre
Philofophe ne fe rendit pas-d’abord à
cette-invitation. I l avoit déjà refufé des
offres, très-avantageufes des plus.grands
I 17 S.
Princes ; car dès qu’on avoit fu dans l’Europe
, qu’il n’avoit plus de liaifon avec la
Cour de France , on s’étoit empreffé de
toutes parts à fe le procurer- Le Comte
d’Oxenjîiem ne fe rebuta point. I l redoubla
fes inftances ; & fes follicitations ,fou-
tenueS' par celles- du frere du Maréchal
Bannier , & fortifiées par l’eftime que
G r o t i u s faifoit du grand Chancelier
, le déterminèrent enfin à préférer
la Suede aux autres Etats qui le rechem
choient.
I l partit de Hambourg pour fe rendre
à Francfort, où étoit le grand-Chancelier
, ignorant encore à quoi on le defti-
noit. I l y arriva dans le mois de Mai de
l ’année i 6^< L e Chancelier’ 1 accabla
de politeffes, fans cependant rien décider.
II ne s’en inquiéta point; Il connoifloit la
grandeur d’ame & la bonne foi du Comte
d’Oxenftiem , & cela le tranquillifok. Sa
confiance étoit telle, qu’il manda a fe
femme de le venir joindre. Elle arriva *a
Francfort au? commencement- du mois
d’Août avec fes filles & fon fils; Maurois
dû fans doute faire mention du temps où
G R o T r u s avoit eu ces enfans ; mais
les autres événemens de fa v ie font fi con-
fidérables & f i rapides , quils m’ont fak
oublier ceux-ci.Notre Philofophe etoit
cependant toujours dans l’incertitude de
fon fort. I l quitta même Francfort pour
accompagner le grand Chancelier, a
Mayence, fans aucun grade. Mai» arrivé
dans cette V i l le , ce* Miniftre le déclara
Confeiller de la Reine de Suede, & fon
Ambafladeur à la Cour.de France. .
L ’objet d ecette Ambaflade étoit-de la
plus grande importance. I l s’agifïoit d’enr
gager la. France à déclarer la guerre à
l’Empereur, qui avoit remporté des a v a n tages
confidérables-fur les Suédois, &d#
rétablir par cette diverfion & par fon appui
, les affaires de la Suede. G R o T»i u s
partit de Mayence pour fon Ambaflade’
au commencement de Pannes1Æ3S* ^
arriva le i o de Février à Saint Denis. I l
fit avertir les Introdufteurs des-Ambafla*
deurs defon arrivée, afin qu’on fe difpo*
sât à lui rendre lès honneurs accoutumes* Le. Comte de. B r u lo n Introducteur des -
Ambafladeurs, vint le voir, & lui dit que
les troubles qu’il y avoit à la C o u r , ne
permettoient pas de fixer un jour pour fon
entrée. I l l’invita en même temps à venir
incognito prendre part aux fêtes que le
Roi donnoit ,- en attendant qu’il parût à
découvert. C ’étoit ici un piège que ce
Seigneur tendoit à G r o t i u s , afin de
le priver des honneurs dûs à un Ambaf-
làdeur : mais le Comte de Brulon , quoi-
qu’infpiré par le Cardinal de Richelieu ,
n’étoit pas aflez fin pour notre Philofo-
p h e , qui le remercia féchement de cette
invitation. Quelques jours après, ce même
Comte fit une nouvelle vifite à G r ô t
i u s , & lui demanda qui l’envoyoit en
France •? queftion également finguliere
& défobligeante , après les difeours qu’il
lui avoit tenus. L ’Ambafladeur répondit
comme il devoit & comme il favoit le
faire. Toute la politique du Comte &
tous les beaux dehors de Cour ne réparèrent
pas cette impolitefle. Ce n’eft point
avec un Philofophe qu’on doitfe fervir de
.cette monnoie. L ’art de la politique eft
à cent brades au-defious de la feieneedes
Philofophes. Auflî tout l’efprit du> Cardinal
échoua contre celui du-grand Homme
, dont j’écris l’hiftoire. Ses menée«
s’en allèrent abfolument en fumée. Son
Eminence, qui avoit pour objet dans tous
ces délais , de gagner du temps , afin
d’engager le grand Chancelier de Suede
à nommer un autre Ambafladeur, y perdit
fon latin. On ne. fait pas trop pourquoi
G R o T r u s déplaifôit au Cardinal.
Les qualités de fon coeur & de. fon efprit,
qui fîxoient les yeux de tout l’Univers,
auraient dû le.rendre agréable à un Miniftre
, dont la principale attention eft de
reconnoître le mérite & de l’eftimen Des
Gens de Lettres ont publié que cette
haine avoit fa- fource dans- le refus qu<il
avoit fait d’écrire L’hiftoire. du Miniftere
de cette Eminence-
Quoi qu’il.ën foit, le nouvel.Ambafladeur;
fit enfin fon entrée à Paris-le 2 Mars
16 3 y..T.°us les Habitans de cette Ville
virent avec plaifir G rot ius dans une
placer fi honorable , quoique peu convenable
à un Philofophe.qui fuit les éclats.
êc les honneurs. I l n’y eut que PAmbafla-
deur de Hollande qui en fut fâché. I l
écrivit aux Etats Généraux pour favoir
comment il devoit fe comporter avec
G r o t i u s ; & les Etats répondirent
, que leur intention étoit qu’on1
eût pour lui les mêmts égards qu;on a-
pour les Ambafladeur« des Puiflances-
amies.
Après avoir fait les- vifites ordinaires
& reçu les honneurs dûs à fon rang
l ’Ambafladeur de Suede v it le Cardinal R.
& il fut queftion de l’objet de fa miflîon.
L e Miniftre de France mit en oeuvre toutes
les- rufes d’un grand politique ,- pour
venir à fes fins. I l tâta G r o t i u s de
toutes lesmanieres.il fefervit même de
l’intrigue d’un Capucin , nommé le P. Jo-
fipl1, pour en tirer meilleur parti ; mais
ce fut toujours fans fiiccès. L e nouvel
Ambafladeur répondit poliment à toutes
leurs queftions, rit de leurs détours, 8c
fe joua de leur faufle fincérité. Les intérêts
de la Suede étoient fa bouflole ; &
j’ofe l’avancer hardiment, il n’y avoit
perfonne en France alors», qui en fût aflez-
pour l’en diftraire.
Quand on connoît un peu la C o u r , 8c
qu’on fe rappelle ce que c’étoit que le 1
Cardinal de Richelieu , on conçoit que1
G R o T i.u. s , qui n’étoit point aimé de'
fon- Eminence , que l ’Ambafladeur de
Hollande- cherchoit à-inquiéter , 8c qui-
étoit chargé d’une affaire de grande con-
féquence, dût efl'uyer des défagrémensde'
toutes les efpeces. L e Cardinal porta plu--
fieurs fois plainte contre lui au Grand;
Chancelier- de Suede. I l fît demander fort
rappel 8c un-autre Ambafladeur de lai
part du Roi. Mais le Comte dïOxenfliern’
qui connoifloit parfaitement notre Philofophe
, n’écouta ni le Cardinal ni fes par-
tilansi II perfifta à le foutenir. dans fai
place, 8c donna ainfi une preuve éclatante ;
d:e fa confiance à foii égard, 8c un tém o ignage
public de la haute eftime qu:il âvoi t*:
pour lui.
Pendant- le cours de. fon Ambaflade,,
G r o t i u s fe foutint en France avec:
beaucoup de dignité. La noblefie 8c lai
droiture de-fa, conduite lui concilièrent'.