Non content d’être parvenu à cette
connoiffance, le favant homme qui nous
inftruit, voulut favoir fi l’eau que lés
rivières déchargent dans la mer, com-
penfe celle qu’elle perd en vapeurs. C ’é-
toit une entreprife très-difficile ; car il
n’eft guères poffible d’évaluer bien préci-
fément la quantité d’eau que la mer reçoit
des rivières qui y tombent. Il faut d’abord
faire une eftimation générale , 8c
donner à ces rivières une quantité d’eau
plus grande qu elles n’en ont effectivement
, pour avoir égard aux petites rivières
dont on ne peut guères apprécier la
dépenfe : c’en auffi ce que lit Halley.
I l fe fixa à neuf rivières pour faire fon
eftime : ce furent l’Ebre , le Rhône, le
T yb re , le P ô , le Danube , le N ieller,
le Borifthène, le Tanaïs & le Nil. I l fup-
pofa enfuite que ces neuf, rivières donnent
dix fois plus d’eau que la Tamife ;
fuppofition avantageufe , afin de comprendre
ainfî toutes les autres qui fe déchargent
dans la mer. I l ne s’agiffoit plus
que de connoître la quantité d’eau qui
s’écoule par jour de la Tamife dans la
mer ; & il trouva aifément que cette
quantité eft de vingt millions trois cents
mille tonneaux. Maintenant fi chaque
rivière donne par jour à la mer dix fois
plus d’eau que la Tamife, il s’enfuivra
que chacune y doit porter pendant ce
temps deux cents trois millions de tonneaux,&
que toutes enfemble y en portent
dix-huit cents vingt-fept millions : &
cette quantité , quelqu’exceffive qu’elle
paroiffe, ne furpaffe que d’un tiers la
quantité de vapeurs qui s’élève en douze
heures de la Mer Méditerranée.
C e devoit être une vie bien agréable
que celle que menoit notre Philôfophe.
A u milieu des douceurs d’ un heureux
mariage , Ï1 cultivoit paifiblement les
fciences , 8c recevoir toutes fortes de tributs
de reconnoi fiance, Sc de la part de
l ’Etat, Sc du côté des Savans. On le fêtoit
de toutes parts. On le félicitoit continuellement
fyr les fuccès de fes travaux,
Sc on ne ceffoit de l’exciter à ne pas refter
en fi beau.chemin. Halley n’avoit fûrejijçïit
pas befoiii de cet aiguillon pour
fe rendre utile au Public : mais i l n’en
fentoit pas moins le prix de l’eftime qu’on
faifoit de fes découvertes. Son efprit aélif
& débarraffé de tous foins, lui fuggéroit
toujours' de nouvelles vues fur les fujets
les plus piquans. Parmi ces vues » il y
en eut une qui parut affez fine pour mériter
fon attention; ce fut de connoître
le peu d’épaiffeur de l’or fur un fil d’argent
, & l’extrême ductilité de ce métal.
On fait que le meilleur fil d’or eft
fait d’ un lingot d’argent cilindrique de
quatre pouces de circonférence, & de dix-
huit pouces de long, & que ce lin g o t.
pèle dix-huit livres. Sur ce lingot ell
appliquée Sc étendue, une quantité de
quatre onces d’pr en feuilles, de façon
qu’à quarante-huit onces d’argent répond
une once d’or. On fait encore que fîx
piéds du fil le plus délié pèfent un grain,
Ainfî deux cents quatre-vingt-quatorze
pieds pèfent quarante-neuf grains, & ne.
f©nt; couverts par confisquent que d’un
ftmple grain d’or. De-là il fuit que la
neuvième partie de la longueur d’un
ponce ne contient que la cent millième
partie d’un grain d’or. En comparant la
pefanteur fpécifique de l’argent à celle de
fior , notre l ’hilofophe trouve que l’or
n’a d’cpailfcur fur ce fil que la cent trente-
quatre mille.cinq centièmes parties d’un
pouce : -d’où il .Conclut'que le cube de la
centième partie d’un pouce contientdeux
milliars quatre cents trente-trois mil-,
lions de ces petites particules d’or. ^
_ En fgifânt ufage du calcul dans cette
curiofitéphyfîque, ilfôngeaà l’employer
à une fin plus utile. Il voulut évaluer les
degrés de mortalité du genre humain.
I l fe fervit à cet effet des tables,des naif-
fances & des mopts de la ville de Bref-
lau ; & après avoir parcouru tous les
âges, il chercha quel droit chacun a à
la vie. Le réfultat de Ton calcul fut qu’il
y a cent contré un à parier, qu’un homme
de vingt ans vivra encore un an ; quatre-
vingt contre un à parier,qu’un homme
de vingt-cinq ans vivra encore un an ;
trente-huit contre un , qu’un homme de
cinquante ans vivra encore un an ; mais
que depuis foixante-fix. ans jufqu’à qua*
ffe -vm g t , il y auroit du défavantage à
parier même un demi contre un; Sc que
depuis quatre-vingts ans jufqu’au terme
le plus éloigné de la v ie , il n’y a aucune
forte de pari à faire. Les connoiffances
qu’il retire de-là font que le nombre des
hommes augmente Sc diminue dans la
même proportion, Sc que tous les vingt-
cinq ou trente ans le genre humain fe renouvelle
; de manière que dans le cours
d’environ deux fiècles, les races fe fuc-
cèdent fix fois ; car la moitié de ceux qui
viennent au monde meurt en dix-fept ans
de temps , Sc l’autre moitié s’écoule par
des degrés affez rapides.
Tandis q u eH A L L E Y enrichiffoit la
Phyfique de nouvelles découvertes r tantôt
par des expériences fur la- nature de
la dilatation &de la contraction des fluides
par la chaleur Sc parle froid , tantôt
en cherchant à déterminer par le calcul
la chaleur proportionnelle du Soleil à
toutes les latitudes ( l )., foit enfin en ré-
fol vant plufieurs problèmes très-difficiles
d’A ftronomie, d’Optique Sc de Géométrie
, on étoit occupé dans l’Europe
de fa théorie de la Bouflble. T ou t le
monde en partait. Les Navigateurs l’exa-
minoient dans leurs voyages , Sc adnii-
roient chaque ; J.our combien .elle s’ae-
eordoit avec leurs obfervations. Le célèbre
Géographe Delille fe donna la
peine de éompulfer les Mémoires Sc les
Journaux* des meilleurs Voyageurs, Sc
il reconnut un accord merveilleux entre
les idées de notre Philofophe Sc la pratique
des plus fameux Marins. Les An-
glois ne s’èn tinrent pas-là. Ils l’engagèrent
à aller vérifier fa théorie fur les
lieux ; c ’eft - à - d ire, à courir les Mers,
pour y conftater la loi des variations
dé l ’aiguille aimantée. Le Roi inftruit
des avantages de cette vérification , lui
donna le commandement d’un de fes.vaif-
feaux. I l s’y embarqua le 14 Novembre
■ 16$S.
I l a voit déjà pafle la ligne , lorfque
lé Lieutenant du vaiffeau, qui jufques-là
avoit paru fournis à fes ordres , refufa
de lui obéir. Il ne croyoit pas qu’un Savant
dût commander un bâtiment de
Mer; & enorgueilli de fon ignorance Sc
de £a qualité, il ne l’écouta plus. Halley
ne jugea pas à propos de continuer fa
rou te , Sc prit le parti de retourner fur
fes pas. I l aborda en Angleterre au commencement
de Juillet de l’année fui vante.
I l inftruifit la Cour des motifs de fon
retour. L e Lieutenant fut cafte, & notre
Philofopîie fe rembarqua deux mois après
fur le même vaiffeau, accompagné d’un
autre vaiffeau de moindre grandeur ,
dont il eut auffi le commandement. I l
parcourut les Mers de l ’un à l’autre hé-
mifphère jufqu’au cinquante - deuxième
de latitude auftrale. I l doubla les C a naries
, les Ifles du C ap -V e rd , l ’Ifie
Sainte Hélène , les côtes du Bréfil, les
Barbades , ôc traverfa plufieurs autres
parages. Par-tout les variations de la
Bouffoie fe trouvèrent conformes à là
théorie. De retour en Angleterre au
mois de Septembre de 1 7 0 0 , il dreffià
une carte de ces variations, comprenant
à uft. huitième près toute la furface du
globe terreftre. I l marqua par des lignes
doubles les endroits où l’aiguille ne varie
point, par des lignes firnples fes endroits
ou l’aiguille a la même déelinaifon, Sc
par des troifièmes lignes numérotées les
différentes décjinaifons des lieux par où -
cette ligne paffe. Ainfi on voit dans cette
carte une double ligne courbe , qui commence
à la Caroline en Amérique , Sc
qui paffe par l ’Océan Atlantique, Sc la
Mer (Ethiopique. Cette ligne marque
les endroits où l’aiguille aimantée ne décline
point. A u deffous de cette ligne-
vers le midi, il y a des lignes qui paffent
par les lieux où fe trouve la même déclinai
fon de l ’aiguille , Sç la quantité de
cette déelinaifon eft indiquée par des nom • -
bres écrits à leur extrémité. Et au-deffus-
de cette double ligne courbe vers fe
Nord , font tracées de troifièmes lignes
qui paffent par les endroits où-la décli.«'
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