dre les intérêts de leur Minifire Ôc de leur
Théologien contre un Catholique étranger
, effimant que leur zèle pour leur religion
reétifieroit fuffifamment leur ignorance
ôc l ’irrégularité de leur conduite.
Enfin elle fervit à faire connoître le grand
nombre d’amis que Descartes a voit à la
H aye, à Leyde & à Amfterdam, & à lui
en acquérir d’autres qui blâmèrent hautement
lesprocédures d’Utrecht dès-qu’elles
devinrent publiques. De forte que notre
Philofophe ne fut occupé pendant deux
mois qu’à écrire des lettres de remereîment
par centaines, occupation fatisfaifante à la
vérité , mais auflï nuifible à fesétudes que
les fol licitations de fon procès.
D escartes ne s’arrêta pas là. I l porta
plainte à l’Uni verfité de Groningue contre
Schoockius, Profeffeur dans cette Univer-
fité, qui avoit prêté baffement fon nom à
l’écrit deVoet'w.s (.AdmirandaMethodus&c.).
lequel avoit donné lieu à cette affaire ; ôc
il obtint une fentence également jufie ôc
confolante. Elle étoit Intitulée Sentence
vendue dam le Sénat Académique par VUni-
verjité de Groningue £r les Oomélandes en la.
caufe de MeJJîre René Descartes, Seigneur
du Perron , contre Maître Martin
Schoock.Profeffeur en laditeUniverJhé. Elle
contenoit des excufes à Descartes de la
part de Schoockius , ÔC des témoignages
d’un véritable repentir de la faute de ce
Profeffeur..
Notre Philofophe envoya une copie de
cette fentence aux Magiffrats d’U trecht,
jfens leur faire le moindre reproche, mais
afin de les inviter- tacitement à fuivre
f exemple- de Groningue.. C ’étoit une leçon
pour eux. qui les mortifia beaucoup.
Leur dépit éclata par cet a été ou efpèce
de placard qu’ils rendirent en conféquen-
ee : De. la Juflice d’U tr e ch til eft défendu
très-rigoureufement à. tous les Imprimeurs G*
Libraires de cette Ville & franchife, d’imprimer
ou faire imprimer, de vendre oufaire ven-r
dre aucuns libelles ou autres écrits tels qu’ils
peuvent être pour oK.conrre. Defcartes-, fous
correftion arbitraire.
Ce ne furent pas-là les derniers-défagré'^
mens que lui procura.P'oetius. Cet homme
impitoyable travailla.encore à.lulfufciter
des ennemis de toutes parts. Il indifpofà’
jufqu’à Regius , fon zélé difciple ; ôc ce
Profeffeur paya fon maître de l’ingratitude
la plus noire. D escartes eut encore le
chagrin de voir Gaffendi prendre parti-
contre lui. Toutes ces-injuftiees firent une
vive irapreflîon fur fon coeur. I l chercha à/
y faire diverfion en fe livrant tout entier à
l’étude-. Il mit la derniere main au cours
de Philofophie qu’il avoit compofé, ôc
permit enfin aux fameux Elqevirs, qui le
convoitoient depuis long-temps, de le
mettre fous preffe.
I l divifa ce cours en quatre parties. Dans«
la première, il expofa les principes de nos-
connoiflances. I l expliqua dans la fécondé
les loix de la nature, c’eff-à-dire la Phyfî-
que générale. Il remplit la troifiéme de fon
fyftême du- monde il comprit dans la
derniere tout ce qui concerne la terre..
L ’ouvrage portant pour titre, LuminaPhi-
lofophice, qu-’on a changé en celui de Principes,
parut fous les aufpices de la Princeffe
Palatine Elifabeth, fille de Frédéric V r
Electeur Palatin du Rhin,.élu Roi de Bohême.
C ’étoit une Princeffe qui avoit beau^
coup d'efprit ôc de eonnoiffances, ôc qui.
s’étoit acquife par-là l’effime& la vénération
de Çous les Savans. L ’amour de la Philofophie
la dominoitde telle forte, qu’elle
préféra le plaifir de l’étudier dans la retraite
à l’éclat de la couronne qxx’ Uladiflas r
Roi de Pologne, lui offroit avec fa main.
Elle étoit zélée difciple de Desçartes ,.
ôc ce fut pour lui en témoigner fa recon-
noiffance que. notre Philofophe lui dédia
fon livre.
I l étoit à Paris lorfque les Libraires le
publièrent. Il y vivoit avec M. Clerceliéry
homme de diffinétion-, qui lui étoit attaché
depuis long - temps. Cet ami lui fit
faire eonnoiffanee avec M. Chanut, fon
allié. C ’ étoit un perfonnage infiniment ef-
timable, ôc qui jouiffoit à la-Cour de la
plus grande confidération. M. Chanut fut
fî flatté de cette eonnoiffanee, qu’il fe hâta
d’en ferrer les liens par des marques foli—
des d’une véritable eflime. Il employa à
cet effet le crédit qu’il avoit auprès de M. le
Chancelier, ôc celui de fes amis auprès dit
Cardinal Maçarin., pour lui.procurer, une:
penfion du Roi qui le mît plus en état de
faire des expériences. Mais quoique le
Chancelier coitnût tout le mérite de D e s -
c a r t e s , les ignorans Ôc les fots que ce
mérite offufquoit, eurent affez de crédit
pour empêcher que la France ne s’illuf-
trât en concourant aux travaux d’un des
plus beaux génies du monde : époque mal-
heureufe qui formera toujours une tache
confidérable dans les faftes de notre Hif-
toire. Notre Philofophe confola M. Cha-
nut de ce mauvais fuccès, ôc s’eftima fort
heureux de confacrer fes talens Ôc fon patrimoine
à l’utilité publique, fans y employer
le bien d’autrui.
Cette affaire le dégoûta du féjour de
Paris, pour ne pas dire de la France. Il en
partit en 164.4, & a^a ret*rer a E g"
ïïio-nd, dans ledeffein de s’y recueillir plus
profondément que jamais. L à , retiré ab-
fblument du commerce du monde , il voulut
connoître enfin la nature de l’homme.
I l étudia d’abord celle des animaux qu’iL
crut devoir fervir d’introduélion à l’autre.
Pendant qu’il étoit livré"à cette étude, il
reçut la vifite d un Gentilhomme qui voulut
voir fa bibliothèque. Descartes le
conduifit dans une galerie, ôc tirant un
rideau il lui fit voir un veau à la diffe&ion
duquel il allp.it travailler. Voilà, lui d it-il,
ma bibliothèque ; voilà l’étude à laquelle je
m’applique le plus maintenant.
De la eonnoiffanee des bêtes , notre
Philofophe paffa- à celle du- corps humain.
Le.but qu’il fe propofoit dans fes-travaux,
étoit de trouver les moyens de conferver
la fanté ôc de la rétablir. Une difpute qui
s’éleva für la quadrature du cercle., interrompit
fon travail ; ôc l’arrivée de M. Cha-
nut en Hollande le lui fit fufpendr.e tout-àr
fait. D e-scartes l’alla voir à Amfterdam,
par où-il paffoit pour fe rendre-en Suède
avec la qualité de Réfident.. Ce fut une fa,-
t-isfaéfcion bien grande pour ces-deux amis
de fe voir ôc de s.’émbraffer. Leur joie fut
courte. M. Chanut continua fon voyage1,
Ôc fon ami fè retira dans- fa folitude.. I l y
travailla à un petit traité für la nature des
paflïons de l’ame. C ’étoit ici un ouvrage
de Morale;. Ôc. on. fait que cette fcience
détache de tous les honneurs de ce monde
ceux qui la goûtent véritablement. Auflï
elle lui préfenta avec tant de vivacité les
illufions de ce qu’on appelle renommée,
qu’il réfolut de n’étudier dorénavant que
pour lui, & de ne rien publier.
L a Princeffe Elifabeth lui écrivit dans ce
temps-là, afin de lui demander à quoi elle
pourrait s’occuper aux eaux de Spa, où
elle étoit, pour y paffer fon temps. Notre
Philofophe lui confeilla de lire le livre de
Senequeiiir la béatitude de la vie ( DeVitâ
beatâ) , Ôc fit des remarques fur ce livre ,
afin que cette Princeffe en retirât plus de
fruit. Elifabeth communiqua à fon tour fes
réflexions à D escartes , Ôc l ’engagea à
traiter dans fes réponfes les points les
plus importans de la Morale , le fouve-
rain bien, la liberté de l’homme, l’état
propre de l’ame, l’ufage des paflïons, ôc
celui de la raifon dans les biens ôc dans les
maux de la vie.
Ce commerce de lettres entre notre Philofophe
ôc la Princeffe, parvint à la con-
noiffance de Chrifline, Reine de Suède.
Cela fitnaître en elle la curiofîté de le cen-
noître. Née avec un grand défir d’apprendre
, elle avoit déjà étudié les grands principes.
de la Philofophie : mais elle voulut
être inftruite particuliérement de ceux de
la Philofophie Cartéfîenne. M.Chanut,qui
fe fouvenoit malheureufement du refus
qu’on avoit fait en France d?y attacher
D escartes par quelque penfion, n’ou-
blioit aucune occafion pour lui parler dè
notre Philofophe; I l communiquoit fes
ouvrages à Sa Majefté, ôc ils fuggéroient
fouvent à Chrifline des-queftions- qui em-
barraffoient le Réfident. Elle lui demanda
un jour fi quand on ufe mal de l’amour ou
de la haine, lequel de ces deux déréglemens-
ou mauvais ufag.es effle pire. M . Chanut
fit part de cette queflion à Desçartes-,.
qui lui envoya .auflï tôt une Belle differta-
tion fur l’amour, dans laquelle il fait voir;
1 °..Que l’amour eff premièrement un mouvement
intellectuel &raifonnablè del’ame,.
ôc enfuite une" paflîon ; 20'. Que la feulé
lumière naturelle nous enfeigne à aimer.-
Dieu;,3.0. Que le mauvais ufagp.defia»-