€n fufpens fur fa vérité ou fa faulfe té.
Mais parce que l’idée du certain & de
l’incertain eft une idée relative , la même
proportion peut être vraie pour l’un ,
& incertaine pour l ’autre. Une proportion
peut être certaine pour nous de
deux manières ; ou lorfque nous découvrons
à pofieriori, ou par l’expérience,
que l’attribut convient au fujet ; ou
quand nous fommes en état de démontrer,
foitdirectement, foit indirectement,
que l’attribut convient au fujet à priori,
ou par lui -même. A in lî, pour connoî-
tre la certitude d’une proposition, il faut
poiréder toute la forme d’une démonstration
, & ën bien connoître les prémifles.
E t au contraire, on ne peut juger de la
certitude d’une propofition, fi l’on n’a
point d’idée de la forme d’une bonne dé-
mo nitration.
Concluons donc que quiconque eft inf-
truit de tout ce qui eft requis pour établir
la vérité d’une chofe, connoît cette vérité
avec certitude ; car il connoît tout
ce qui fert à déterminer l’attribut par
rapport au fu je t , & par conféquent il
connoît la vérité; le vrai n’étant, comme
on a v u , que la déterminabilité de L'attribut
par Vidée du fujet.
Quand on connoît la vérité , on eft
ƒ avant ,* car la fcience eft une connoiftànce
certaine de la vérité, o u , ce qui revient
au même , l’habileté à démontrer ce
qu’on affirme ou ce qu’on nie. Nous ne
favons donc que ce que nous pouvons
démontrer.
Lorfque nous ne prouvons une propofition
qu imparfaitement, nous n’avons
point une fcience de la chofe, mais une
opinion fur la chofe ; l’opinion n’étant
qu’une propofition prouvée infuffifam-
ment ou imparfaitement. L ’opinion eft
probable, fi la preuve n’eft que probable ;
ôc elle eft précaire , fi la preuve n’eft
fondée que fur des principes fuppofés. I l
fe peut donc que ce qui n’eft qu’opinion
pour u n , foit fcience pour un autre,
parce que rien n’empêche que l’un ne
foit en état de démontrer ce que l’autre
ne connoît qu’imparfaitement. Â u refte ;
l ’opinion étant fondée fur des preuves
infuffifantes, on peut fort bien la rejettera
de-là vient que les opinions font changeantes
ou variables.
I l eft donc permis de ne pas croire une
propofition fur le témoignage d’autrui ,
o u d’y ajouter foi. On définit la foi l’affen-
timent que l’on donne fur le témoignage
d’autrui, ou en vertu de fon autorité. I l
n’y a que les faits qui foient l’objet de la
fo i, parce que les faits n’étant pas fuf-
ceptibles de démonftration, il faut les
croire ; mais celui qui veut être cru fur
fon témoignage, doit être incapable de
vouloir en impofer, & être parfaitement
inftruit de ce qu’il rapporte. Si cela e f t ,
la foi qu’on ajoute à ce qu’il dit eft certaine
, Ôc elle n’eft que probable quand
cela n’eft pas. I l eft même poffible qu’on
foit alors dans l’erreur; car l’erreur eft
l ’aflentiment que l’on donne à une propofition
faulfe. C ’eft erreur que d’admettre
comme vraie une propofition qui eft
faulfe. On affirme dans ce cas ce qu’on
devroit nier, ôc ôn nie ce qu’on devroit
affirmer.
On découvre l’erreur en prouvant que
là propofition qu’on admet eft faulfe ; ôc
on évite d’y tomber en n’adoptant que
des termes bien définis, & des propo-
fitions fuffifàmment établies. I l y a deux
moyens de s’alfurer fi une propofition eft
vraie ou faulfe ; ou de découvrir la vérité
par lés fens, ou par le raifonnement,
c’eft-à-dire, en termes de l’art , à pojîe-
riori o u i priori. On appelle expérimenter,
tout ce qu’on connoît par le moyen des
fenfations ; & on nomme expérience, la
cônnoilfance des chofes que les fens
nous préfentent, & que l’attention fait
obferver. Lorfqu’on en appelle à l’expérience
pour prouver la vérité d’une propofition
, on doit alléguer un cas fingu-
lie r , à moins que ce cas-là ne foit préfent
ou du moins connu de celui à qui l’on
parle. A l’égard du raifonnement , on a
vu ci - devant les règles qu’on doit fuivre
pour que ce raifonnement foit bon, afin
tju’iî conduife furement à la connoiftànce
de la vérité ( a ).
Syjlême de JV^o l f fur VOntologie ou la
fcience des Etres.
L ’Ontologie eft la fcience de l’Etre
en général, avec toutes les propriétés
qui en dépendent. L ’Etre eft ce qui peut
exifter, ce à qui l’exiftence ne répugne
point. Tout ce qui eft poffible eft un
Etre : l’idée de l’Etre ajoutant à l’idée
du poffible la poffibilité d’exifter , parce
qu’elle découle de l’idée du poffible; de
forte que la poffibilité d’une chofe fup-
pofè la poffibilité de fon exiftence. Par
la raifon contraire, tout ce qui eft impoP
fible ne peut pas être un E tre , puifque
ee qui eft impoffibîe ne fauroit exifter.
Pour fe former l’idée d’ un Etre , il
faut y concevoir des qualités qui ne fe
répugnent point l ’une à- l’autre, qui ne
ioient déterminées par aucune autre, &
qui ne fe déterminent point réciproquement
les unes les autres ; car les chofes
qui ne fe répugnent point l’une à l’autre,
ôc qui ne fe déterminent point réciproquement
les unes les autres , font ce qui
c.onftitue l’effence d’un Etre : ainfi fon
effence eft ce que l’on conçoit de primitif
dans lui.
Tout ce qui eft déterminé par les
qualités eftentielles d’une E t r e , fe nomme
attribut, & il ne peut être féparé da
l’Etre que par abftraétion , parce qu’étant
déterminé par l’eftence , il. eft de
même durée qu’ëlle. I l ne faut pas confondre
les attributs avec l’eftence. On les
diftingue en examinant fi les qualités de
l ’Etre font déterminées par d’autres ou
non. Si elles le font 8c qu’elles foient
conftamment dans le fujet, ce font des
attributs : mais fi elles y font conftamment,
& qu’elles ne foient déterminées
par aucune autre propriété, c’eft l’effe.nce
même. Cette effence eft ce qui conftitue
la poffibilité de l’Etre. En.effet,comme
ifelfence confifte dans les qualités qui
ne fe répugnent point l’une à l’autre,
& qui ne font déterminées par aucune
des autres qui s’y rencontrent, il eft évident
que cet Etre-là ne renferme rien en
vertu de fon effence qui ne puiff'e fubfif-
ter dans un même fujet : ainfi cet Etre
n’a rien de contradictoire par fon effence.
Par conféquent l’effence étant ce que
l’on conçoit de primitif dans un Etre ,
cet E tre -là eft poffible par fon effence.
D ’où il fuit que la poffibilité intrinféque
d’un Etre conftitue toute fon effence; ÔC
que connoître cette poffibilité intrinfér
que, c’eft connoître fon effence.
I l ne faut pas conclure de - là que
l’exiftence foit déterminée par la feule
poffibilité; car la poffibilité n’eft point
la raifon fuffifante de l’exiftence. Il faut
quelque chofe de plus que la poffibilité
pour qu’une chofe exifte, ôc c’eft ce plus
qui forme l’exiftence : ainfi on peut la définir
le fupplément de la poffibilité. Voilà
en quoi confifte l ’effence de l’E tre , ÔC
voici quelles font fes propriétés.
Il y a dans l’E tre huit propriétés générales
; favoir, i . l’identité, 2. la fimïli-
tude , 3. la fngularité ôc Yuniverfalité, 4.
la nécejftê ôc la contingence, y . la quantité
ôc la qualité, 6. l’ordre, 7 . la vérité, 8.
ôc la perfeëtion.
On défigne par le mot identité,les mêmes
chofes; ôc on appelle mêmes chefs , celles
qu’on peut fubftituer l’une à l’autre ,fans
qu’aucun de leurs attributs, quel qu’il foit,
en fouffre ; en forte que la fubftitution
foit comme non avenue. La fmilitude eft
l’identité des marques par lefquelles on
doit difcerner une chofe d’avec une autre.
La diffemblance, au contraire , eft:
la diverfité des marques par où on doit
difcerner deux chofes l’une de l’autre.
O n entend par fngularité, le caractère
d’un Etre Singulier. Un Etre fingulier
eft ce qui eft déterminé en tout fens ; ôc
un Etre univerfel, ou l ’univerfalité, eft
ce qui n’eft pas déterminé en tout fens.
Un Etre eft déterminé en tout fens ,
en qui l’on ne conçoit rien d’indéterminé,
dans le premier volume de cette Hiftoire des î lu -
lufophes modernes.
(* ) On trouvera les regies du raifonnement
dans ie lÿftême àc Nicole fur l’art de penfer , expofé