Ce grand homme étoit de plufieurs
Académies ; mais il ne s’eft jamais paré
de ces titres d’honneur , & il mettoit
fon nom Amplement à la tête de fes Ouvrages
j à la maniéré des Anciens ; bien
différent de ceux (comme le dit M. de Fon-
tenelle dans l’E loge de M. Harfoeker )
qui ralfemblent le plus'de titres qu’ils
peuvent, & qui croyent augmenter leur
mérite à force d’enfler leur nom.
Syjî 'ème du Monde de N £ i f t o n .
I . Les Oblervations aflronomiques apprennent
que toutes les Planètes fe meuvent
dans une courbe autour du centre du
Soleil , qu’elles font accélérées dans leur
mouvement à mefure qu’elles approchent
de ce globe , ôc qu’elles font retardées à
proportion qu’elles s’en éloignent ; tellement
qu’u n ’rayon tiré de chacune de
ces Planètes au Sole il, décrit des aires ou
des efpaces égaux en temps égaux. Mais
afin que ces grands,corps décrivent cette
courbe autour du Soleil , il faut qu’ils
foient animés par une puilfance qui
fléchilfe leur route et* ligne courbe , &
qu’elle foit dirigée vers le Soleil même;
& comme cette puilfance varie toujours
de la même maniéré que la gravité des
corps qui tombent fur la terre, on doit
conclure" qu’elle n’eft autre chofe que la
gravité même des Planètes fur le Soleil.
D ’où il fuit, fuivant la théorie de la gravité
, que la puilfance de la pelanteur des
Planètes augmente comme le quarré de
la d fiance du Soleil diminue.
I I . On doit conclure de ce railonne-
ment, que la puiflance qui agit fur une
Planète plus proche du Soleil eft évidemment
plus grande que celle qui agit fur
une Planète plus éloignée , tant parce
qu’elle fe meut avec plus, de vîtelfe,
qu’à caufe que fon orbite eft moindre ôc
qu’elle a plus de courbure. En comparant
les mouvemens des Planètes, on
trouve que la vîtelfe d’une Planète plus
proche eft plus grande que la vîtelfe d’une
Plane te plus éloignée en rai fon de la racine
quarrée du nombre , qui. exprime la
plus grande diftance à la racine quarrée
dg celui qui exprime la moindre diftance 3
de forte que lî une Planète étoit quatre
fois plus éloignée du Soleil qu’une autre
Planète, la vîtelfe de la première feroit
la. moitié de celle de la fécondé, & la
vîtelfe de c e lle -c i feroit double 3 &
comme le rayon de fon orbite eft quatre
fois moindre que le rayon de la Planète
la plus éloignée, fon orbite feroit quatre
foisjftus courbe. Mais fi la vîtelfe delà
Plan'ète eft double de celle de l’autre, ôc
que fon orbite foit quatre fois plus courbe
que la lîenne, fa gravité vers le Soleil
doit être feize fois plus grande, quoique
fa diftance au Soleil ne foit que quatre fois
moindre que celle de l’autre.. En comparant
ainlî les mouvemens de .toutes
les Planètes , on trouve que leurs gravités
diminuent comme les quarrés de
leurs diftances au Soleil augmentent.
On peut conjeCturer ôc même inférer
de-là , qu’il y a une puilfance femblable
à la gravité des corps pefans fur la Terre,
qui s’étend du Soleil à toutes les diftances,
& diminue conftamment comme les quarrés
de ces diftances augmentent. Le même
principe de la gravité doit avoir lieu
dans les Satellites qui circulent autour
de la Terre , de Jupiter ôc de Saturne.
I l régne, la même harmonie dans leurs
mouvemens comparés avec leurs diftances
que dans les Planètes principales. Chaque.
Satellite décrit des aires égales en temps
égaux par un rayon tiré du centre de la
Planète , autour de laquelle il,circule,
félon lequel fa gravité eft par conféquent
dirigée. Ces Satellites doivent auflî graviter
vers le Soleil ; car ils ne pour-
roient avoir un mouvement auflî régulier
qu’ils o n t , s’ils n’étoient alfujettis à l’action
de la même puilfance ,. à laquelle eft
en proie la Planète autour de laquelle
ils font leur révolution.
I I I . Concluons donc que la gravité
affeCte toute la malfe des corps également
, ôc que c’eft une propriété inhérente
à la-' matière , puifqu’elle n’agit pas
feulement fur la furface des corps ,
mais qu’elle pénétre intimément leur fubf-
tance , ôc qu’elle affeCte leurs parties internes
avec la même force que les externés
, fans que fon aCtion puilfe être altérée
par aucun corps interpofé , ou par
aucun obftacle. La puilfance de cette
propriété eft proportionnelle à la quantité
de matière. Ainlî il eft poflîble d’ef-
timer toutes les puilfances du fyftêmedu
Monde dirigées à leur centre d’aCtion, en
déterminant’ la proportion de la quantité
de matière des corps céleftçs à celle
de notre Terre , par les régies fui vantes.
On connoît la puilfance de la gravité fur
la T erre, par la defcente des corps pefans,
Ôc en évaluant la tendance de la Lune
fur la Terre , ou fon écart de la tangente
à fon orbite dans un temps donné quelr
.conque. Cela pofé , comme les Planètes
font leur révolution autour du S ole il, ôc
que deux d’entr’elles ( Jupiter ôc Saturne)
ont des Satellites, en évaluant par leurs
mouvemens combien une Planète a de
tendance vers le S ole il, ou s’écarte de la
tangente dans un temps donné , ôc com-
bien queîquesSatellitess’écartent de la tangente
de leur orbite dans le même temps ,
'on peut déterminer la proportion de la
gravité d’une Planète vers le S o le il, ôc
d’un Satellite vers fa Planète, à la gravité
de la Lune vers la Terre, à leurs diftances
refpeCtives. I l ne faut pour cela que conformément
à la loi générale de la variation
de la gravité, calculer’ les forces qui agi-
roient fur ces corps à diftances égales
du Soleil, de Jupiter , de Saturne , ôc de
la Terre , ôc ces forces donnent la proportion
de matière contenue dans ces dif-
férens corps. C ’eft par ces principes qu’on
trouve que les quantités de matière du
S o le il, de Jupiter , de Saturne ôc de la
T e r re , font entr’elles corfime les nom-
L a proportion des quantités de matières
contenues dans ces corps étant ainfi
déterminée, ôc leur volume étant connu
par les Obfervations aftronomiques, on
calcule aifément combien de matière chacun
d’eux contient dans le même volume :
ce qui donne la proportion de leurs den-
fités, qu’on exprime par ces nombres :
10O , 5)4-7, 67 ôc 400. Ainfi la Terre
eft plus denfe que Jupiter , ôc Jupiter
plus denfe que Saturne 3 de façon que
les Planètes les plus proches du Soleil
font les plus denfes. On trouve encore
par ces régies que la proportion de la
force de l’attraCtion ou gravitation réciproque
du Soleil , de Jupiter ôc de la
Terre à leur furface refpeCtive, eft en
rai fon-de ces nombres 10000 , 5143 ,
S2 9 » 43 5 ? refpeCtivement, ce qui fait
voir que la force de la gravité vers ces
corps très-inégaux entr’eùx, approche
beaucoup de l’égalité à leur furface ; tellement
que quoique Jupiter foit plufieurs
centaines de fois plus grand que la Terre ,
la force de la gravité à fa furface n’eft
guères plus que du double de ce qu’elle
eft à la furface de la Terre ; & la force
de la gravité à la furface de Saturne n’eft
qu’environ un quart plus grande que celle
des corps terreftres.
IV . Nous n’avons parlé jufqu’ici que
de Jupiter , de Saturne , de la Terre ôc
du Soleil : il y a pourtant dans le Ciel •
trois autres Planètes, qui font Mercure,
Venus ôc Mars. Mais comme ces Planètes
n’ont point de Satellites, il n’eft pas
poflîble de pouvoir comparer leurs puif-
fances attractives ôc leurs quantités de
matière. On peut feulement inférer delà
théorie des autres Planètes que leurs den-
fités éorrefpondent à leurs, diftances du
Soleil.
V . Si les Planètes.n’étoient alfujetties
qu’à l’aCtion d’une puilfance dirigée au
centre du S o le il, dont les variationsTui-
viffent la loi générale de la gravité , Ôc
que ce centre fût en repos',' leur mouvement
autour de cet aftre feroit parfaitement
régulier. Mais toutes ces Planètes
agilfent l’une fur l’autre par la puilfance.
attraCtive, dont elles font réciproquement
animées , & ces actions produifentde l’irrégularité
dans leurs mouvemens, fuivant
leur fituation refpeCtive. J ou te l’aCtion.
de Jupiter, par exemple, trouble le mouvement
de Saturne dans leur conjonction,
parce que Jupiter agit dans ce temps-là
fur Saturne ôc fur le Soleil avec des directions
oppofées. On eftime que l’aCtion
de Saturne fur Jupiter, excède celled u
Soleil fur la même Planète de 7T7. Les
actions des autres Planètes font beau