Mille expériences Ôt autant de rai-
fonnemens différons prouvent cette
vérité. Les unes & les autres apprennent
que fi deux puijfances pouffent
des obftacles inégaux repréfentés
avec une , égale vîtejje, leurs avions
feront en raifon de la grandeur de ces
obftacles ( i ). De forte que Faction
momentanée d’une puiflance dépendant
de la grandeur de l’obfta-
c le , cette action doit être d’autant
plus grande que Fobftacle eft plus
confidérable. Il faut donc plus de
temps pour mettre un grand corps
en mouvement qu’un petit. C'eft
Une conféquence aufil évidente que
les principes dont elle découle.
Et comme les effets font proportionnels
à leurs caufes , ce mouvement
eft double dans un corps double
, triple dans un corps triple ,
&c. Or puifqu’un corps ne perd
point le mouvement qu’il a acquis
dans un inftant indivifible, le mouvement
doit perfévérer davantage
dans un grand corps que dans un
moindre. Deux corps de différente
grandeur étant donc mus, l’un fera
plutôt en repos que l’autre,
Cela pofé , qu’on mette pour la
première fois en mouvement deux
corps de différente grandeur, dont
l’un, par exemple, foit un million
de fois plus gros que l’autre ; c’eft-à-
dire, qu’on faififfe ces deux portions
de la Terre , & qu’on les en détache
, il eft évident que la portion la
plus groffe acquerra un mouvement
ou une a&ivité un million de fois
plus grande que l’autre portion ,
puifque l’activité ou le mouvement
acquis eft en raifon de la maffe des
corps. Mais cës corps une fois mus ,
fi on les abandonne, cette activité
perfévérera plus dans le grand
corps que dans le petit, puifque la
perte du mouvement fe fait fuc-
ceffivement, comme on vient de
voir. Donc l’adivité de celui-là
exifte encore, lorfqu’il eft en repos ;
car s’il la perdoit dans l’inftant qu’il
repofe fur la terre , il la perdroit
auffi promptement que le petit ; ôc
en fiippofant que celui- ci fûtfi petit
, que la perte de fon activité fe fit
dans un inftant indivifible, la perte
del’adivité de l’autre corps le ferôit
dans le même temps : ce qui eft contraire
à l’axiome de Phyfique ci-
devant pofé , favoir que la perte
du mouvement fe fait fuccefuve-
ment. D’où il s’enfuivrqit qu’uh
corps infiniment gros, ôt qui auroit
exigé un temps infini pour être mu,
perdroit auffi-tôt le mouvement
qu’il auroit acquis, que le duvet
le plus léger. Concluons donc que
l’activité qu’on a communiquée à
ce corps lorfqü’on l ’a détaché de
la terre , exifte quand il repofe fur
elle. Or fi elle exifte , elle doit
produire un effet ; car une activité
ou un mouvement eft une force, ôt
il n’y a point de force ou d’adion
fans effet.
Avant que de tirer une dernière
(i) U i i f il t i .
conféquence, je vais réduire tout
ce raisonnement à une propofition
claire & précife, que voici. Quand
un corps, après avoir été mu pour
la première fois, eft abandonné à
lui-même , le mouvement qu’il a
acquis, ou l’adivité qu’on lui a
communiquée , n’eft pas perdue,
puifque cette perte fe fait fuccef-
fivement. Elle exifte donc dans le
corps,lorfqu’il repofe en apparence
fur la terre. Mais fi elle exifte, elle
doit produire un effet, jufqu’à ce
quelle foit entièrement éteinte. Or
nous ne connoiffons pas d’autre
effet que celui d’agir contre la terre
même, dans une direction contraire
à celle qu’il a reçue lorfqu’une
puiflance l’en a détaché , c’eft-à-
dire de haut en bas. Concluez
maintenant, & voyez s’il y a d’autre
conféquence à tirer que celle-
ci : L’aSlkjité ou Ce mouvement qu'a
reçu un corps lorfqu'on P a détaché de
la terre dont il faifiit partie, eft la
cqufe de fa pefanteur. { Et pour les
corps céleftes , lorfqu’ils ont été
détachés du Soleil),
Cela étant, cette adivité doit
toujours perfévérer dans les corps,
puifqu’ils font toujours pefans :
fans doute; car la force ou l’acü-
vité , ou encore la vîteffe d’un
corps ne change pas lorfque le
corps ne met point en mouvement
fqbftacle qu’il preffe. Ce font tous
lesPhyficiens, & particulièrement
M. SgraVezetnde , qui ont démon-
(k) Jok, Bernoulli Opéra , Tome III.
tré cette vérité. Donc Fadivité que
le corps a acquife ne peut pas s’éteindre
par fa preflion contre la
terre : elle a donc toujours lieu ;
elle doit donc toujours produire
fon effet. Il en eft de même des
corps céleftes à l’égard du Soleil ,
d’où ils ont été détachés , ôt par
conféquent où ils gravitent.
Si ceci n’eft pas de la plus grande-
évidence , il faut douter des premiers
axiomes de la Géométrie, ôc
ne plus compter fur les raifonne-
mensdes hommes, pour connoître
la vérité. Je ne vois qu’une chofe
qui peut nuire à mon difcours ôc à
mes argumens , c’eft qu’ils expliquent
un phénomène dont la caufè
eft prefque défefpérée ; ôc j’avoue
que cela ne laiffe pas que d’être
très - embarraffant. Mais je n’en
dois pas moins m’attacher à achever
de répandre fur cette matière
toute la clarté dont elle eft fufi-
ceptible , en expliquant comment
Fadivité fe diftribue dans les
corps.
2. Rien n’efi: plus connu que
ce fait : tous les corps qui réfiftent
à une preflion, ont de l’élafticité ;
car tous les corps qui réfiftent à une
preflion, fans que leur figure change
, font des corps durs ; les
corps durs font des corps roides ,
ôc les corps roides des corps élafti-
ques, n’y ayant point de corps durs
fans roideur , ôc point de roi-
deur fans éiafticité (£). De-là il
C ij