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de s’y livrer. A cet effet, il recommanda
le travail, ôc ne laiffa per-
fonne oifif. Il voulut qu’on élevât
les enfans durement, afin de les y
accoutumer de bonne heure ; ôc
pour les rendre forts ôc courageux ,
il ordonna que. les jeunes filles fif-
fent les mêmes exercices que les
jeunes garçons. Il endurciffoit leur
corps en les exerçant a la courfe ,
à la lutte> à lancer le javelot. Il pré-
tendoit par-là que le Fruit qu’elles
concevroient dans la Fuite trouvant
un corps robufte ôc vigoureux, y
prendroit de plus. Fortes racines ,
& qu’elles-mêmes fortifiées par ces
exercices, en auroient plus de facilité
, de force Ôc de courage pour
réfifter aux douleurs de l’enfantement.
Pour leur retrancher même
toute forte de délicateffe, il fit une
loi qui les obligent à paroître en
public toutes nues de même que
les jeunes garçons , ôc a danfer devant
eux- dans cet état à certaines
fêtes folemnelles. Elles étoient
chargées de fe moquer de ceux
d’entre ces jeunes gens qui n’a-
voient pas fait leur devoir, & de
louer & fêter les autres qui avoient
bien mérité de la Patrie. Cela ren-
doit ceux-ci fiers, & ceux-là honteux.
Il réfultoit de-là de plus
grands effets que les plus fortes remontrances
n’en auroient pû produire
, d’autant mieux que le tout
O U R S
fe paffoit enpréfence des Citoyens J
des Sénateurs ôc des Rois mêmes.
1 Comme le but de Lycurgue étoit
d’avoir des hommes robuftes, il en-
joignoit aux maris de ne' s’approcher
de leur femme qu’à la dérobée
, ôc de fe lever dè cette table
avec une partie de leur appétit;
Par cette même raifori, il permet-?
toit aux. vieillards, qui avoient une
jeune femme , de la communiquer
à un jeune homme bien fait. Il.au-
torifoit même les femmes à paffer
du lit de leur: mari dans celui de
leurs amans. Perfuadé que l’amour
toutfeul feroit ce commerce , &
qu’il ne s’exerceroit qu’entre déjeunes
perfonnes des deux fexes également
bien faites, il en concluoit.
que les enfans qui en naîtroient au-
roieht tout l’avantage du corps ,
de l’efprit ôc du coeur, que la nature
ôc l’amour unis enfemble font
capables de former. C’étoit ici
une pure conjeûure , qui navoit
point affez de poids pour autorifer.
l’adultere. On a beau dire que Lycurgue
, tout occupé de fon zèle
pour la Patrie , ne fongeôit qu’à
lui procurer de braves citoyens y
cette raifon ne fuffit pas pour permettre
de bleffer la pudeur & de
refroidir l’union conjugale. (i)Tl efl
vrai que ce Légiflateur ne croyoit
point que ce qui étoit utile à la Patrie
, dût être mal-honnête ; ôc il
(a) V o y e z la vie de Lycurgue dans (b) V o y e z les Remarques de M. Vu-
Plutarque. cler Û>r k vie de %«"•£«*• eftimoit
P R E L IM
eftimoit qu’un des plus grands avantages
qu’elle pût recevoir d’une
bonne Légiflation , c’étoit une féconde
ôc vigoureufe poftérité.
Cependant cette Légiflation ne
touchoit pas aux moeurs. Or ce n’eâ
point affez d’indiquer les moyens
de former les hommes forts ôc vigoureux
: l’effentiel eftde les rendre
fages & vertueux. C’ell auffi à quoi
s’attacha le fécond Légiflateur de
l’Antiquité. Solon ( c’eft le nom de
ce Légiflateur ) commença par exhorter
àfe donner de garde de foi-
même. Il recommanda enfuite
qu’on fouffiît plutôt le dommage
que de le réparer par un gain for-
dide ; qu’on n’infultât point aux
malheureux ; qu’on ne fe laiflat
point dominer par l’envie ; qu’on
ne fouhaitât pas l’impoflible ; qu’on
aimât la paix & qu’on obéît aux
loix. Son grand principe étoit de
mettre en grande confédération la
vertu de la probité , avant que de
faire aucun Réglement. Car à quoi
fervent les loix, difoit Solon , chez
un peuple corrompu par le luxe ôc
par les délices l Ce font des toiles
d’araignées , où il n’y a que les
moindres mouches qui s’y prennent
; les plus greffes les rompent
& paffent au travers. Voilà pourquoi
il n’eftimoit rien de faint que
la vertu & la probité ; & il en pré-
.féroit la garantie aux fermons les
I N A I RE- I mi
plus fblemnels. Quant à fes loix ,
deux grandes maximes enfermaient
la bafe. La première eft > que pour
commander , il faut avoir appris
auparavant à bien obéir : $c la fe*
coude, qu’on doit moins avoir égard
à l’agréable qu’à l'honnête, & faire
toujours dominer le goût du dernier
fur l’autre, {a)
Tous ces préceptes font utiles ;
mais ils n’enfeignent point les devoirs
réciproques des hommes en
foçiété, êc les moyens de y ivre en
bonne intelligence ôc en paix. Cette
paix fi eftimable, forme fur-tout le
voeu du Légiflateur. Auffi le premier
d’entre les Légiflateurs modernes
, a recherché avec foin le
droit delà guerre &de la paix. Des
principes les plus fains de la Morale
, il a déduit des réglés fûtes
pour la confêrver au-dedans ôc au-
dehors, êc a fixé les cas où il efl
permis de prendre les armes , afin
de contenir ceux qui veulent la
troubler. Le fécond Légiflateur
moderne s’eft propofé de remonter
à l’origine du Droit de la Nature ôc
des Gens. Il a établi les devoirs de
l’homme ôc du citoyen, ôc a pref-
crit les réglés les plus efficaces pour
conferver Une fociété heureufe 6c
durable. Enfin on doit au troifiéme
les principes philofophiques des
Loix , c’eft-à-dire , la découverte
de propofitions d’une vérité im-
(a). Voy ez la vie de Solon dans Diogme de- La'èrcey
e