G assendi. Auflî fe livra-t-il à l’étude
avec tant d’aétivite, que non content de
travailler le jour, il étudioit encore une
partie de la nuit à la lueur delà lampe de
l ’E glife. Ses progrès furent extrêmement
rapides. A u bout de trois ans il entendit
6c parla affez bien latin.' M. de Boulogne ,
Evêque de Digne, étant venu faire fa vifite
à Chanterfïer, Gassendi qui n’avoit encore
que dix ans, le harangua en latin avec
ta'nt de grâces & de vivacité, que ce Préla
t , également furpris 6c charmé de fes
précoces talens, dit tout haut : » Cet en-
» fant fera un jour la merveille de fon fié-
30 c le , & avant d’être parvenu à un âge
33 mûr, il donnera de l’admiration aux Sa-
39 vans a.
■ Ses parens l’envoyerent à D igne pour y
achever fes études. I l fe diftingua d’une
maniéré fl éclatante, qu’on l’appeloit le petit
Doéteur. Dans fes heures de récréation
il compofoitdes.Comédiesmoitiéen proie,
moitiéen vers, que les Ecoliers repréfen-
tjoientauCarnaval danslesmaifonsdes principaux
de la Ville. Après avoir fait fes Humanités
, il alla à A ix pour étudier la Phi-
lofophie. L e Profeffeur ne tarda pas. à re-
connoître toute la fagacité du nouveau
venu. Dans fort peu de temps Gassendi
approfondit les difficultés les plus abftrai-
tes decette fcience : de forte que fon Pr.o-
feffeur j lorfqu’il ne pouvoitfaire la dafte,
ee qui lui arrivoit fouvent à caufe de fes
infirmités , lui remettait fes cahiers. N o tre
jeune Philofophe les expliquoit à fes
condifciples avec un certain air d’autorité
& de perfuafion qui les charmoit.. I l retourna
dans fon pays natal lorfqu’il eut fini
fon cours de Philofophie. I l étoit à peine
arrivé, qu’il apprit qu’bn venoit de mettre
au concours une chaire vacante de Rhétorique
à Digne* Quoiqu’il n’eût que feize
ans, il ofa fe préfenter à la difpute. I l partit
pour cette V ille & remporta, la chaire.
I l ne l’exerça qu’un an : car ayant formé le
delfein d’embraffer l’état eccléfiaftique, il
alla,à A ix pour faire fon-cours de Théologie.
Il joignit à cette étude celle de PEcri-
ture Sainte & des Langues Grecque & Hébraïque.
Cinq années, d’appli ca-tîon furent
i|lus..que ûdfifaBtes. pour. Le mettre, en état
d’inflruire efficacement les Fidèles de»
avantages de la fageffe & des devoirs de la
Religion. I l leur prêcha cette doârine, 6c
çe fut avec tant d’applaudiffement, qu’on
s’emprefTa, comme à l’envi, à lui donner
des marques réelles de l’eftime qu’on faifoit
6c de fon favoir & de fon éloquence. I l fut
d’abord pourvu de la Théologale d eF o r-
calquier. Mais comme fa prébende parut
trop modique j le Parlement de Provence
y joignit quatre cens livres de rente. Peu
de temps après, on lui offrit la Théologale
de Digne , qu’il préféra à celle de Forcal-
quier; &pour la remplir plus dignement,
il alla prendre le bonnet de Dofteur dans-
l’Univerfîté d’Avignon. C ’était en 1 6 14*1
Deux ans après, les chaires de Théologie
& de Philofophie étant.devenues vacantes-
dans l’Univerfité d’A ix , Gassendi fe mit.
aunombre des eoncurrens, 6c les emporta,
toutes deux à la difpute. Il céda enfuite
celle de Théologie à un de fes amis, le
Per eFefaye, 6c fe contenta de celle de Phi-
lofôphie. Ses auditeurs remarquèrent avec
étonnement qu’il dicta par coeur le premier
cours qu’il donna.
Parmi les perfonnes de diftinétion qui.
l ’accueillirent dans la Capitale de la Provence,
le célébré M. dePeirefc, Confeiller
au Parlement, 6c M. Gautier, Prieur de la;
V a llette, 6c Grand Vicaire de l’Archevêque,
fe diftinguerent particulièrement. Ce
dernier voulut l’avoir dans fa maifon , oît
avoient déjà logé deux Savans de grande
réputation , M. Morin, ProfefTeur de Mathématiques
au College Royal ,6c M.Bouil-
laud, l’un des plus habiles Âftronomes qui
aient paru.Notre Philofophe avoit apporté'
en naifïant une inclination finguliere pour.
PAftronomie. M. Gautier, qui aimoit cette-
fcience, l’exhorta à ne pas la négliger, 6c
à s’appliquer aux obfervations. Gassendi
n’eut pas grand peine à fuivre ce confeil-
II commença fes obfervations le 28 N o vembre
16 18 par une comète qui parut:
alors. I l fit même fur cette comète des»
conjectures que l’événement vérifia. Il ob-
ferva enfui te la di fiance de J upiter à Venus,,
les diftànces des planètes 6c des fatellites.
de Jupiter, 6c une éclipfe de Lune.
L ’ignorance danskquelle.on.étoit,plQ&rgê
dans ce temps-là, avoit mis l’Aftrolo-
gie judiciaire en faveur. Gassendi fut
d ’abord entraîné par le préjugé. I l étudia
cette fauffe fcience , mais il ne tarda pas à
en reconnoître l’illufion. Son amour pour
le progrès desconnoiffances humaines, ne
lui permit pas de laiffer fes difciples dans
cette erreur. I l combattit l’Aftrologie
de toutes fes forces, & fe rendit un ennemi
redoutable des Aftrologues. I l le
devint bientôt des Ariftotéliciens, mais
ce fut avec une forte de ménagement qu’il
crut devoir produire plus d’effet qu’une
guerre ouverte. Après avoir enfeigné pendant
fix ans la Philofophie avec un applau-
diffement extraordinaire, il fit foutenir des
thèfès pour & contre Arijlote, 6c répondit
en Hébreu & en Grec aux argumens cfü’on
lui fit en ces deux Langues. Ces thèfes
firent beaucoup de bruit, 6c difpoferent les
Scholaftiques à recevoir avec docilité une
attaque en forme que notre Philofophe
méditoit. En attendant un temps opportun,
il alla fedélafTer dans un Village, nommé
Peynier, fîtué à trois lieues d’A ix , 6c
y obferva une Aurore Boréale. C ’eft un
phénomène lumineux qui paroît du côté
du No rd , & dont la clarté refTemble affez
à celle de l’Aurore. On a prétendu que
Gassendi a donné le premier ce nom à ce
phénomène, à caufe de fà pofition & de fa
reffemblance avec la lumière qui précédé
le lever du Soleil ; mais un Auteur célèbre
(a) a fait voir que cette prétention eft
fans fondement. Ce qu’on peut lui attribuer,
c’eft qu’il eft un des premiers qui y
ait fait attention, & qui l’ait rapporté au
Nord comme à fon propre lieu.
En 16 2 2 , il donna la démiffion de fa
chaire. On dit que ce fut par le confeil de
fes intimes amis MM. Peyrefc 6c Gautier,
fans en donner d’autre raifon; quoiqu’il y
ait tout lieu de penfer que ce ne fut pas fans
motif que ces Meilleurs donnèrent ce confeil,
6c que G assendi le fuivit.Notre Phi-
Ibfophe alla à Digne pour deffervir fon bénéfice.
I l faifoit cependant de temps en
temps de fréquens voyages à A ix , parce
qu’il y étoit plus à portée de faire des obfervations
aftronomiques. I l communi-
quoit particulièrement fes obfervations à
un T réfbrier de F rance à Grenoble, nommé
M. Valois, qui, grand amateur de l’A f -
tronomie, leur faifoit beaucoup d’accueil.
I l #s’occupoit à Digne à mettre par écrit
fes objections contre la Philofophie d'Arif-
tote, 6c il penfoit férieufement à les don--
ner au public, lorfque les Chanoines de
fon Chapitre le députèrent à Grenoble
pour un procès qu’ils y avoient. L e Théor
lo g a l, qui ne vouloit point le diftraire de
fon travail, refufa d’abord cette commif-i
fion : mais les Chanoines lui ayant fait entendre
que l’affaire pour laquelle on le
députoit ne Pempêcheroit pas de travailler
, ce qu’il feroit même plus fru&ueufè-
ment à Grenoble qu’à Dign e , où il trou-'
veroit des Savans capables de l’aider, il fe
rendit à ces raifons.
L a réputation de notre Philofophe avoit
pénétré dans cette Ville. Tous les Savans
6c les Gens de Lettres fe félicitèrent de fon
arrivée, 6c lui firent toutes fortes d’honnêtetés.
M. Valois , fur-tout, l’embraffa
avec des tranfports de joie. I l lui communiqua
fes travaux aftronomiques, & Gassendi
vit avec douleur que fon ami étoit
très-prévenu en faveur de l’Aftrologie judiciaire.
I l voulut le détromper par des
raifons : mais M. Valois étoit trop entêté
fur cet article pour les entendre. Notre
Philofophe employa avec plus de fuccès
un innocent artifice. I l feignit d’être auflî
épris que lui de cette vaine connoiffance.
I l lui donna même le jour de fa nativité,
pour qu’il tirât fon horofeope. Celui-ci ne
fe défiant de rien, fut moins en garde contre
fes attaques, 6c Gassendi profitant de
to u t, le ramena peu à peu à fon fentiment..
M. Valois revint infenfiblement de fes préjugés,
& fe dévoua tout-à-fait à PAftro-;
nomie.
L ’occupation principale du Théologal5
de D igne, étoit fon Ouvrage contre A r ifi
tel M. dé Mail au dans> fon Traite P & H i jh r i^ d é l 'A u n r r Bm'ale-, pag, 103. de l’editixm cic-l’Irojyfc
mcût'Aojrale*-