O rd res , qu’on appelle Mineurs. On l’env
o y a enfuite à Saumur, afin d’y faire un
cours de Théologie. I l comptoit après
cela enfeigner les Humanités dans quelque
clafTe , fuivant l’ufage de fa Congrégation
: mais on le jugea digne d’un emploi
plus élevé. I l fut choifi pour aller
profçfïer à Tro y e s la Philofophie. D ü -
ç u E T étoit trop modefte pour ne point
fouffrir de cette diftinâion. I l voulut fe
défendre de fe foumettre à l ’ordre qu’on
lni prefcrivoit : ce fut inutilement : il fallut
obéir ; & l’exaftitude avec laquelle il
remplit les Confiions de fa Chaire, & les
applaudiflemens qu’il s’attira, firent voir
que fes Supérieurs avoient mieux appréc
ié fa capacité que lui-même. Maigre
la dçlicatéffe de fa fanté , il employoït
une partie des nuits à compofer les cahiers
qu’il diftoit à fes écoliers. Quoi-
qu’écrits à. la hâte , ces cahiers ne fe ref-
fentoient ni de fes veilles, ni de la précipitation
avec laquelle il les avoit com-
pofés. L a n e t t e t é l a jufteffe & la foli-
dité de fon efprit , fuppléoient à ce qui
lui manquoit du côté dû temps. Ses Supérieurs
qui en connoiffoient l’etendue,
ne craignirent point de lui donner une
nouvelle occupation. On le chargea de
faire les Dimanches & les Fêtes un Ca-
téchifme fondé pour l’inftruftion des
pauvres. On crut rendre un grand fervice
aux pauvres en leur donnant un Cate-
chifte auffi éclairé que D u G u e t ; mais
l’événement fit voir qu’ils pouvoient faire
un meilleur choix. Tout ce qui fortoit
de la bouche de notre Philofophe etoit fi
beau,que les perfonnes lesplus diftinguées
accoururent pour l ’entendre. L ’humble
pauvreté en faifant place a cette brillante
multitude, fut releguée aux portes de
l ’Eglife. D u g u e t repréfenta à fes Supérieurs
cet inconvénient, & on fe rendit
à fes raifons. Il entroit alors dans fa vingt-cinquieme
année. C ’étoit l’âge convenable pour fe
déterminer à recevoir les Ordres facrés.
Réfolu de parvenir à la Prêtrife, il partit
pour Paris au mois de Septembre 1 674 ,
afin de recevoir le Soudiaconat. L ’annee
fuivante, l ’Evêque de Troyes l’ordonna
Diacre. C e Prélat qui connoiffoit l ’étendue
de fes lumières & fes rares taleris ,
mit tout en oeuvre pour fe l ’attacher.
Notre Philofophe auroit peut-être cédé
à fes follicitations ; mais les Supérieurs
de l ’Oratoire qui connoiffoient trop bien
l’utilité qu’ils pouvoient en retirer euX-
mêmes en l’employant dans leur Congrégation
, furent très-attentifs à ne pas
le laiffer aller. Afin de faire ceffer ces
inftanc.es, ils l’ènvoyerent à leur maifon
d’Aubervilliers , connue fous le nom de
Notre-Dame des V e r tu s , & ne l’en retirèrent
qu’au mois de Septembre de i année
16 7 7 , temps où il fut ordonne
Prêtre.
I l fit pendant le cours de cette année
des leçons de Théologie Schoiafiique
dans la Maifon de Saint Magloire où il
étoit. E t deux ans après, il fut chargé
d’y faire des Conférences publiques fur
la Théologie pcrfîtive , c’eft-à-dire, fur
les difficultés qui peuvent fe trouver-dans
l’Ecriture Sainte touchant l ’Hiftoire E c -
cléfiaftique.
Ces Conférences furent très-fuivies ;
& on y remarqua que dès perfonnes
très-éclairées venoient auffi s’ÿ inflruire.
L a réputation de D u g u e t devint fi
brillante , que M. Pinetie , Fondateur
de lTnftitutiqn qui s’qtoit réfervé le
droit de demander pour cette Maifon les-
fujets qu’il effimeroit le p lu s , voulut
qu’il y vint demeurer. Notre Philofophe
obéit fans répugnance & fansplaifir : ce.
font fès termes. L ’accueil qu’on lui f i t ,
le confola du féjour de Saint Magloire..
I l y mena une vie douce & tranquille, fans
ennui & fans dégoût. Les attentions qu’on
avoil pouf lu i , rendpient fa fituation encore
plus déleétable ; & de fon côté il
tempéroit fa fupériorîté fur les autres,
hommes., par une douceur , une affabilité
& une modeftie, qui gagnoient tous
les coeurs;
Tandis .qu’il jouiffoit de cet heureux
é ta t , il s’éleva de grands troubles dans
la Congrégation au fujet d’un plan d’étude
, qui profcrivoit la Philofophie do
Defcartes, pour adopter exclufivement
ççlle d’Anjlote, quoique cette derniere.
Commençât à perdre fon crédit dans l’U-
niverfité. D u g u e t prit part à ces
querelles. I l eftimoittrop Defcartes, pour
yoirdefang froid la forte de mépris qu’on
avoit pour fes principes philofophiques.
C ela forma une efpece d’altercation entre
fes Supérieurs & lu i , qui lui fit prendre
le parti de fortir de l’Oratoire. Au
mois d’Ofbobre de l’année 1683 , il
quitta l’Inftitution ; & il abandonna ab-
folument la Congrégation dans le mois
de Février de 16 84 . D ’autres raifons
puiflantes fe joignirent fans doute à
celle-ci ppur lui faire prendre cette ré-
folution. O11 nous a bien fait corvnoître
que la Philofophie de Defcartes n’étoit
pas la feule caufe de fa fortie de l’Oratoire
: mais on n’a pas jugé à propos de
nous en dire davantage. I l y a tout lieu
de croire que les affaires du temps influèrent
beaucoup fur fa démarche. Ce
qui peut autorifer cette conjecture, c’eft
fa- retraite à Bruxelles auprès du célébré
M. Arnaud, avec qui il a toujours eu
d’étroites liaifons. I l ne demeura cependant
pas long-temps dans cette Ville. Sa
fanté ne s’accommodant point à l’air de
ce p a y s , il fut obligé de l’abandonner
fur la fin de la même année. I l parle de
ce départ de Flandres dans la trente-cinquième
lettre du neuvième volume de fes
lettres, & il y fait mention des bons offices
qu’on s’étoit emprefie de lui rendre.
Sa reconnoiffance & fon humilité y font
exprimées d’une maniéré fort vive.
En quittant Bruxelles, notre Philofophe
rencontra un Pere de l’Oratoire
qui étoit de fes amis*-, lequel l’engagea à
aller àStrafbourg, On le connoifioit de
réputation dans cette V ille , ôc on tâcha
de lui témoigner l’eftime particulière
qu’on faifoit de lui. M. de Chartiilli qui
èn étoit Gouverneur , fut fur-tout charmé
de fon arrivée. Comme Strafbourg
étoit rempli de Luthériens , dont il défi-
roit la converfîon , il le pria de vouloir
bien les inflruire. D u g u e t adhéra à
fa priere. Il fit des Conférences publiques
qui produisirent de grands biens.
Cette tache que notre Philofophe s’étoit
volontairement impofée étant remp
lie , ilfentit renaître eri luî cette inclination
pour Paris , qui fubjugue tant les
Gens de Lettres. I l comprit que tous les
agrémens qu’on peut trouver dans les
Villes des Provinces , né valent pas cet
air tout philofophique, fi l’on peut parler
ainfi, qu’on refpire dans la Capitale
du Royaume. I l vit clairement qu’on ne
vivoit. qu’à Paris & qu’on végetoit ailleurs.
Plein de cette id é e , il prit le chemin
de cette grande Ville. Ce n’étoit
point pour y jouir d’aucuni de cesplaifirs
dont elle abonde, & que le Sage ignore ;
mais pour exifler dans un endroit, qui a
toujours été la patrie adoptive des plus
beaux génies de France. Audi y vécut-il
dans une fi grande retraite,qu’il y demeura
inconnu même à fes amis les plus intimes.
L ’étude & la priere faifoient toute fort
occupation comme toute fa cohfolation.
Je fuis dans cet état, écrivoit-il à un de
fes freres en 16 8 6 , parla divine providence
, Gr fen fuis bien aife par une grâce
plus grande. Qu’on me compte pour mort
( ajoute-t-il ) & pour enfeveli, G' quon
m’efface de la mémoire des vivàns , je ne
m’en plaindrai pas ; mais on n’ouvre point
les tombeaux , & je demande qu'on épargne
le mien. On l ’ouvrit pourtant dès qu’on
fut où il étoit ; car tous les gens de bien
virent avec douleur que la fociété étoit
privée d’un membre fi eftimable. Particuliérement
M. le Préfident de Menars 9
qui avoit pour lui une grande vénération,
le follicita fi vivémënt & avet tant d’af-
fiduité d’accepter fa maifon pour retraite ,
que D u g u e t vint enfin demeurer
chez lui en 1690. Il fut reçu avec la plus
grande diflin&ion ; & notre Philofophe,
qui n’a voit de lui-même que les foittimeris
les plus humbles, n’y eut d’autre peine
que celle de s’y voir toujours honoré &
refpeété. M. de Menars profita avec avidité
de fès eonverfatiôns jufqu’à fa mort ;
& fa veuve mit tout en oeuvre , pour
jouir du même avantage. Mais D ü g u e t
crut pouvoir fe difpenfer de fê rendre à
fes follicitations. I l avoit tenu à fori époux
ce qu’il avoit promis , & il n’avoit point
formé avec lui d’autre engagement vo lontaire.
Les charmes de la folitude sfof- L ij