terre .firent un accueil infini à cet ouv
r a g e ,^ il eft devenu le Code de tous
les Savans. Le s fciences exactes y font
fur-tout épuifées. On ne peut plus traiter
un fujet philofophique £ans le con-
fulte r, & on ne le confulte jamais qu’avec
fruit. J’en puis parler d’après l’expérience.
Mon fuffrage eft fans doute de
peu de valeur, je le fais ; mais comme
cette circonftance forme le dernier trait
de l’Hiftoire de notre Philofophe , je
fuis forcé de rapporter ce qui lui a donné
lieu. I l eft bien glorieux pour moi d’avoir
occupé fes derniers momens. Je prie néanmoins
le Lefteur de ne pas perdre de vue la
grandeur d’ame, & fon amour de la vérité,
afin de me laifïer la liberté d’écrire fans
être retenu par les fentimens d’une mo-
•deftie qui me convient à tous égards.
Dans une nouvelle théorie de la manoeuvre
des vaijjeaux, que j.e publiai en 1745*,
.j’avois annoncé une nouvelle théorie
de la mâture, fondée fur ce principe, que
l ’hypomoclion ou lepoint d’appui du mât,
dans le cas du tangage, eft un centre fpon-
tané de rotation. M. Bouguer, qui avok
compofé un traité de la mâture , avoit
établi au contraire que ce point d’appui
eft au centre de gravité du vaifteau. I l
d.éfapprouva donc mon fentiment, & me
fit un crime de l’avoir avancé au préjudice
du lien. Extrêmement fenfible à
cette imputation, je tâchai de me jufti-
fier en citant la théorie du centre fpon-
tané de rotation de B e r n o u l l i . C ’é-
toit une autorité très - refpe&able , mais
je ne fus point écouté. Je me voyois donc
chargé du reproche d’avoir attaqué injustement
le principe d’un ouvrage qui avoit
été couronné en 1 7 2 7 par l’Académie
Royale des Sciences ( g ) . C ’étoit alïuré-
ment une aecufation fort douloureufe
pour un jeune homme qui ne cherchoit
que la vérité, dont il vouloir .concilier
les intérêts avec l’eftime des Savans. Le
grand homme dont j’écris l’Hiftoire, étoit
l'Oracle de la Philofophie. Je réfolus
donc de le confulter. A cette fin j’expofai
dans une Lettre que j ’eus l’honneur de
lui écrire, ma fituation & mes nouvelles
vues fur la mâture des vaifTéâùx, en
le priant de vouloir bien me faire favoir
fans ménagement ce qu’il en penfoit.
Voici la réponfe qu’il eut la bonté de
me faire.
L E T T R E
De B s r n o u l z i à Monftmr Saverien.
M o n s i e u r ,
J ’ai bien reçu la Lettre que vous m’avez
fait Vhonneur de m’écrire , mais vous me
permettre^ de vous dire que je ne mérite pas
les éloges outrés dont votre plume m’a comblé
j î libéralement. A in fi, fans m’y arrêter
davantage, je pajfe à ce qui fait le principal
fujet de votre Lettre. Vous me demandez
Jî je comtois la pièce de M. Bouguer
fur la mâture des vajfeaux , qui a remporté
le prix de L’Académie des Sciences de Paris
en 1 7 2 7 . O u i, Monfeur, je cannois cette
pièce : j ’en ai même reçu deux exemplaires,
l’un que l’Auteur lui-même m’avoit envoyé,
Vautre qui me fut envoyé par l’A cadémie
, Jèlon fa coutume de faire part à fes
membres de ce qui s’ imprime fous fes aufpi-
ces. Si j ’avois voulu travailler fur cette matière
pour en faire une pièce , faurois eu
beau jeu ; car mon Traité fur la manoeuvre
des vaijjeaux m’auroit fourni ajfeq pour en
faire un extrait convenable à la quefion de
VAcadémie : mais ceft jufement ce qui m’a
empêché de me mettre Jur le rang des pré-
tendons , de peur que je ne fujje reconnu
par MeJJieurs les Juges ; ce qui eft contre
leur loi.
Vous avez raifon , Monfeur , de croire
douteux le principe fur lequel M. Bouguer
établit fa théorie, en plaçant Vhypomochlion
du mât ( dans le cas du tangage ) au centre
de gravité du vaijfeau. Quant à moi, je
regarde ce principe non - feulement comme
<£)■ En couronnant une pièce, î* Académie n*a-
dopte ni le fyftême ni les principes fur lefquels
jîlJLç eft appuyée. Ç’ eft une lot qu’elle s’eft fygement
prefcrite , & qu’elle rend publique dan£
toutes les occafions»
douteux, mais comme entièrement faux ;
car il eß vifible que le véritable endroit où
doit f i trouver l'hypomochlion .efl un centre
fpontané de rotation, comme vous avez ob-
fixai fort à propos. Ladémonflration que j ’en
donné eß fansréplbque. li e ß vrai qu’il firoitr
difficile . de . déterminer. ce.antie jpontànè ,
parce qu’il faudrait connaître le.point dans
le mât où f i concentre la force mouvante
car l’intervalle entre ces deux centres donnerait
la longueur d’un pendule fimple, dont
les ofiiüatwm.firoient. ifochrones.au balancement
du navire. Or c’efl ce que je donne
dans ma double folution .depuis la pagezttj
jufqu’ a la 2.93 du Tome lt é de mes■ OEuvres;
Excufoq-moi d’avoir un peu tardé à vous
répondre; mes fréquentes indifpojitions dans
mon âge avancé en fant la ctaifi. f ai l’honneur
diêtm. avec beaucoup d’eßime,
M on J! 7 a u R: y
V a r e très-humble & très-
obêJJ'ant- ferviuur,
JeanBaRNovaat P ère.-
A Bâle, ce 15 Mai 174/.
P . S. N ’ayant pas vu-la nouvelle théorie
de la.manoeuvre que vous dites avoir donnée
-ait,public ,, & qtii à ce que vous ajfurtr eft: à .
la porter des. Pilotes, quoiqu’ils 71efoientpoint :
verfésdans V Algèbreyje ne fias point en état
d’en juger. Cependant je fuis éumnéqu’ily.
ait des Savans , comme voue ajfureq, qui
doutent de la vérité d’un principe: auß .clair
que ls jour. ’
Bans l'intervalle de temps qui s’ ê- ■
eosulai de ma.Lettreà cette réponfe , M.
Bouguer -répondit à mon objeâton, B '
prétendit qu’il: ne s7agüfoit"pas (dans le
cas-oùl’hypomochlion eft placé au. centre
de gravité du navire} d’ofcillations-Ou.-
de balancement; qu’il 'y, avoit un équilibre
parfait entre l'effort dm vent, fur les
voiles, & la. réfiflance delleau fur le vaif-
feau.; & qu.il ne parloir de changement
de- fitnations, que pour tâcher de les pné^
venir. J e communiquai cette réponfe à
notre Philofophe, & je reçus la Lettfe
qui fuit..
S E C O N D E L E T T R E
De B b r n o u l l t à Monfeur Saverien.
M O NS rBCR ,
Je prévois que dans la.difpute que vous
aveq avec M. Bouguer fur le véritable endroit.
ƒ “ • B font placer. I’kypomochlion du
mat dans le cas dit tangage , il vous , arrivera
la même ckbfo qui m’efi arrivée L’an
1724, àl’occafion de mon difeoms fur le mouvement
, compofé pour le prise où je m’étais
déclaré ouvertement pour les forces vives,
dont j ’avois donné plufieurs démonflrations-
tres-fortesmais vous foveq fans doute que
malgré l’évidence de ces démonfiratipns, ma
pièce fu t mjettée par Meßeurs lés Juges.
J ’efpère cependant que le temps ’ Viendra pib
ma. banne muß triomphera, fans qu’aucun-
de mes adverfoires ofi lever la tête.
Pteneq donc, courage , Monfeur ,. &
tenez-vous forme pour le centre foontuné de
rotation du jnat ; vous verrez Çue tous ceux
f i rangeront de votre côté, qui feront attention
4 la nature & â la caufe de ces ba-
lancemens. M. Bouguer fe retranche ,
dites-vous ,;£ur le parfait équilibre entre
l ’effort du vent contre les volles, la ré-
filiance de l’eau fur la proue du navire,
&- la pouffée verticale, de l’eau réunie à.
fön centre de gravité t cela eß vrai, mais;
la cmfiquence qu’ il en tire eft très-faujfi;
car' autrement on pourroit conclure que le
centre d’ofcillatm i ’urt fyßbm. de plufieurs
corps ferait aujfi dans leur commun centrede
gravité. : te qui eß très-faux, à moins
que la longueur du- pendule ne foie infinie..
Pour avoit. une- idée nette de h généra-
tim dutangage,,deß-ä-dire, pourßuOir la!
caufe pkyfque qui fa it que hvent, qmiqlPu--
nïfirméinmt rapide-, en frappant la voile
perpendiculairement t-oüjimm avec fa. mène-
force , rfe laißi pas de produire dans le vaif-
fiaudiS‘balan<xmens,au lieu delefaire aller
en ligne droite avec une vltefie uniforme
eomtne nous voyons que çelafefait-. ainfi’r
làrjqu’une barque, eß traînée par un- ehevaï:
quVttotte uniformément te- long d’un canal:
°U a ^ têau - ce qui f i pratique partout
en Hollande pour la commodité dess
voyageurs..
K ip *