de Pacifiais à Lapide , ( a ) Jean-Louis
Prafchius, (b) Charles Scharfchmidius , (c)
Sc Jean-George Kulpis. (d) L a production
de P u f e n d o r f f n’en fut pas
pour cela moins eftimée; mais la réputation
qu’elle lui acquit lui devint très-préjudiciable.
L a jaloufie aigrit les efprits
de fes adverfaires. Ils ourdirent des manoeuvres
lourdes Sc artificieufes ; & leurs
cabales furent fi méchamment tramées ,
qu’elles l’emportèrent fur les qualités éminentes
de notre Profeiïeur. J 1s vinrent à
bout de le déplacer. Les mémoires, de fa
vie ne difent pas de quelle maniéré il perdit
fa Chaire. C ’eft une conjecture de ma
part fondée fur la connoiffance du coeur
humain. Quand on a vécu avec des envieux
, on fait de quoi ils font capables
pour perdre un homme qui les offufque.
I l eft un art de faire difparoître le mérite,
quelque réel qu’il foit ; <5c les mauvais
génies , qui ont intérêt d’en faire une
étude particulière, y excellent prefque
toujours.
Privé ainfi de fon état, P ufendorff
crut devoir aller offrir fes fervices au Roi
de Danemarck. Il fe rendit à Copenhague
,,0ù il follicita une Chaire de Profefi
feur qui vâquoit. Un compétiteur plus
recommandé que lui l’emporta ; Sc il ne
gagna à fon voyage que le chagrin d’en
être témoin. Il vit bien par-là ou qu’on
ne le connoifloit point allez dans ce pays,
ou que la protection & le crédit y déci-
doient des talens. I l efpéra qu’en Suede
on lui rendroit plus de juftice. Dans cette
vue , il alla à Lunden, où le Roi Charles
XI. venoit d’ériger une Univerfité. I l y
fut reçu à bras ouverts. On lui conféra fur
le champ une Chaire de Profelfeur, dont
il prit polTeflîon en 1 670*
Cette place le mit en état de reprendre
le cours ordinaire de fes études. I l
compofa un petit Ouvrage, qu’il publia
fous le titre de Recherches fur la République
irrégulière. C ’eft une efpece de Commentaire
du quatrième Chapitre de fon livre
de VEtat de VEmpire Germanique, dans
lequel il traite de la forme de cet Empire.
Cette production fut bien rëçue, Mais
jufqu’iciil ne s’étoit point annoncé , .comme
il pouvoit le faire. Il devôit. confom-
mer fa réputation par le grand Ouvrage
qu’il méditoit fur le D roit de la Nature Sc
des Gens. Jouiffant d’une grande tranquillité
, Sc pourvu des fecours qui lui
étaient néceffaires , il réfolut enfin d’y
mettre la derniere main. I l lut tous les
Ouvrages politiques de Hobbes , Sc relut
avec une attention fcrupuleufe le livre
du Droit de la_ Guerre 8c de la Paix de
Grotius. Cette fécondé leCture lui fut très^
profitable. Il remarqua que quoique ce
livre fût la production d’un grand Philo-
fophe, il n’étoit pourtant point exempt
de préjugés. Grotius avoit gardé quelques
ménagemens pour les idées fcholaftiques,
foit qu’il n?en fût pas entièrement revenu
lui-même, foit qu’il crût avoir befoin de
cette condefcendance , pour gagner une
•forte de leCteurs qui en faifoient cas., P u -
FENDORFF fentantl’inutilité de cette
condefcendance, n’y eut aucun égard. I l
traita fa matière fans fonger qu’il y eût des
Scholaftiques. On voit ( dit l’Auteur de
•fon E l oge (e) ) un homme qui remontant
aux idées les plus fimples de la morale,
va pas à pas de principe en principe , de
preuve en preuve ; examine avec une attention
extrême ; divife avec une régularité
fcrupuleufe ; définit avec précifîon ;
enfin forme un fyftême méthodique de la
fcience des moeurs. Quoique moins érudit
que Grotius, il creufe davantage les principes
, 8c en développe les conféquences
par une fuite de raifonnemens qui s’éclairent
réciproquement. Inexorable fur
l’opinion des Scholaftiques , qui établif-
foit que les aClions commandées & interdites
par le droit naturel font honnêtes
ou aeshonnêtes par elles-mêmes, il traite
de belles chimères & de principes ftériles ,
(<*) Not* & firidura 1668.
\b) Littera fccretiores MonxAmbani ad Lalittm fra-
trim , de Germana Imperii Germanici forma,
(r) Syfiema juris publici humano Germanici & dif-
quijitio de Republica monjlruofa contra Severinum de Monxambano
ejut que affectas 1677.
(d) Commentasiones Academic* in Severinum dcMçn-
xambano de Statu Imperii Germanici l6 t z ,
(«) Page XXXVI.
les idées de l’honnête détachées du rap- au mois d’A v r il 16 7p . L a Cour de
port qu’ellés ont à la volonté de Dieu. Suede fe mêla aufli de cette affaire. E lle
C ’étoit retrancher aux gens de Collège
une infinité de fubtilités métaphyfiques
qu’ils vantaient beaucoup , Sc qu’ils don-
noient à leurs éleves pour les plus fines
Sc les plus fublimes notions de la Morale.
Notre Philofophe s’attaquoit à fortes parties
, Sc s’expofoit par-là à de grandes
perfécutions. C ’eft auffi ce qu’il éprouva
dès que fon livre fut au jour(en 16 7 2 .) (a)
I l s’éleva tout-à-coup contre ce livre une
nuée de critiques ; Sc il n’en fut pas
quitte pour des injures. L a réputation
immortelle que lui forma ce grand Ouvrage
, lui coûta fon repos Sc prefque fa
vie.L
e premier qui l ’attaqua fut Nicolas
Beckman , Profeiïeur en D r o i t , fécondé
de Jofué Schw'artq, Profeiïeur en Théologie.
Ils publièrent enfemble un Ecrit
anonyme intitulé : L ife de certaines nouveautés
que M. Samuel Pufendorff a avancées
contre les fondemens orthodoxes dans
fon livre du Droit de la Nature des
Gens. Notre Philofophe eft traité très-
durement dans cet Ouvrage. On l’appelle
Payen , Zuinglien , Socinien, Papijle ,
Pelagien , Hobbejien , Cartefien. Ces qualifications
, dont la plupart feroient un
éloge dans toute autre occafion, font
employées dans cette critique comme
des injures dont on accable l’Auteur.
P u f e n d o r f f y oppofa en 16 7 4
une Apologie tant pour foi que pour fon
livre contre U Auteur d’un Libelle diffamatoire
intitulé : Lijle de certaines nouveautés
, Sec. Cefte Apologie dévoila
toute la méchanceté de fes adverfaires.
Mais les Magiftrats de Suede le vengèrent
encore mieux que fa réponfe. Ils
traitèrent la Lijle de pafquinade Sc de libelle
; ordonnèrent qu’elle feroit lacérée
8c brûlée par la main du Bourreau , &
que le Profeiïeur Beckman feroit dépofé
Sc banni du Royaume : ce qui fut exécuté
reçut la Lijle ,* Sc on tâcha de la prévenir
tellement contre le livre du Droit de la
Nature Sc des Gens, qu’elle parut allar-
mee des prétendues nouveautés qu’on
trouvoit dans ce livre. Pour fe tranquil-
lifer , elle accorda aux follicitations de
M. Schertqer, Profeiïeur en Théologie à
Le ip fic, un Décret du Ro i , par lequel
il était enjoint à tous les Profeiïeurs de
veiller avec tout le foin poiïible, pour
préferver la jeuneiïe de toute nouveauté
contraire à l ’orthodoxie & à la doétrine
reçue par l’Univerfité. L e but qu’on avoit
eu en obtenant ce Dé c ret, c’étoit d’être
autorifé à inquiéter P u f e n d o r f f .
I l le comprit bien, Sc il prévint le coup
par une lettre latine qu’il publia en 16 7 4 .
L e fécond Profeiïeur qui entra en lice
contre notre Philofophe , fut Valentin
Alberti. Ce Théologien s’efiàya d’abord
dans la préface d’un Commentaire ma-
nuferit qu’il diftoit à fes écoliers fur le
Droit de la Guerre «Sc de la Paix par
Grotius. I l publia enfuite une critique
dans un Abrégé du Droit de la Nature ,
rendu conforme à la Théologie orthodoxe«
P u f e n d o r f f répondit à cette critique
, par un Ecrit intitulé : Effai des chicanes
faites depuis peu à Samuel P u f e n d
o r f f fur le Droit naturel. ( Specimen
controverfiarum Sam. Pufendorfio circa jus ,
Scc. ) M. Alberti répliqua par un Effai
de dèfenfes contre VEffai des chicanes. ( Specimen
vindiciarum, <Scc. ) Notre Philofophe
oppofa à cette répliqué fon fameux
livre d’Eris Sandica, c’eft-à-dire, la Diff
corde de Schone ,* & fon adverfaire y répondit
par un Ecrit intitulé : Eros Lip
ficus , qui fut traité avec beaucoup de
mépris dans un Ouvrage où l’on releve
les calomnies & les inepties de ce critique
J Alberti calumnias Gr ineptias , comme
porte le titre. Il y eut encore de part «Sc
d’autre des brochures fort vives. Mais
( ‘ ) Cet Ouvrage eft intitulé S Ü jure natur a &
gemn,m , Libri VIII. ÔC il a été tiraduit en Fraiiçois
fous ce titre : Le Droit de la Nature & des Gens , ou
Syfiêtne général des principes les plus importdns de la Moraie,
de la Jurifprudence & de la Politique , traduit dix
Latiiî par Jean Barbeyrac , avec des notes 1706. Il a
été aufli traduit en Allemand fit en Anglois.