noiffances générales fur l’Aftronomie. C ’é-
toient des notions.vagues d elà divifîon
desCieux, fans aucuns principes de Géométrie.
Notre Philofophe trouvoit cela
très-ridicule & très-abfurde. I l voulut rectifier
cette mauvaife do&rine. I l propofa à
M. Dampeftre d’enfeigner les Elémens
à’Euclide : mais ce Profeffeur couvrant Ton
ignorance d’une grande préfomption, répondit
que les Elémens n’étoient bons que
pour des enfans. R amus infifta fans fuccès.
L e nouveau Profeffeur entreprit d’expliquer
la fphere célefte , fembiable , .dit
R amus , à .un Maçon qui voudroi.t commencer
à bâtir lamaifon par le faîte.
L e grand homme dont j’écris l ’H if-
toire, n’étoit pas d’ un caraêtere à lâcher
prife. Il porta l ’affaire au Parlement, qui
ordonna que Dampeftre feroit tenu de fe
faire examiner; & afin de lui ôter toute ref-
fourcepours’endi(penfer,notrePhilofophe
prévint, par des lettres véhémentes, le Roi,
la R eine, Ôc tous les Seigneurs du Confeil
du Roi. L e nouveau Profeffeur fut déconcerté.
Il favoit bien qu’il étoit hors .d’état
defubir l’examen. Auflî ne jugea-t-il pas à
propos de s’y expofer. I l vendit fa Chaire
à un homme plus ignorant que lui. en Mathématiques,
mais plus fourbe &plus mé-
çhant.
C ’étoit Jacques Charpentier, ennemi déclaré
de Ramus, comme on a vu ci-devant.
I l donna un premier trait de fou
adreffe, en faifant inférer dans fes provisions
, l’enfeignement de Philofophie &
de Mathématiques, quoique celui auquel
il fuccédoit,ne profefsâtque les Mathématiques.
I l crut par-là couvrir fon ignorance
en Mathématiques, ôc jouir paisiblement
de fa place. I l fe trompa. R amus
étoit zélé pour les Mathématiques. Il propofa
l’examen à Charpentier, conformément
à l’Arr.êt du Parlement, ôc à l’O r donnance
du Roi. Je vous examinerai
vous-même, répondit fièrement Charpentier.
Notre Philofophe recourut au Roi,&
au Parlement. A u Parlement, les .deux
adverfaires plaidèrent leur caufe avec
toute l’animofité poflîble, Ram.us avoit
pour lui la force des raifons ; mais Charpen-
tiex .étoit un impudent de la première claffe,
qui fe. jouoit de la vérité. I l fit entendre
qu’on devoit avoir des égards pour ua
homme dont la réputation étoit faite, ôc
promit de fe .rendre capable dans trois
mois de profeffer les Mathématiques;
Moyennant cette promelfe, il fut admis ÔC
difpenfé de l’examen. L a févérité de l’A r rêt
que le Parlement rendit àce fu je t, ne
fut que pour ceux qui dévoient lui fucçé-,
der. Les démarches de fon adverfaire auprès
du Confeil du R o i, ne. procurèrent
qu’un réglement pour l’avenir, fans qu’il
enréfultât aucune réforme pour lui.
Charpentier fe mit donc en ppffeflîon de
fa Chaire : mais il s’en acquitta :fi mal, que
R amus crut devoir le citer de nouveau
devant le Confeil du Roi ., pour demandée
qu’il fût examiné. L e njotif principal de
fa plainte confiftoit en ceci. Le nouveau
Profeffeur avoit choifi, pour matière de fes
Leçons, l’Ouvrage à’Alcinoüs, Philofophe
Platonicien, dans lequel fe trouvent
mêlées des Propofitions Philofophiques
ôc Mathématiques. I l expliquoit les premières,
ôc n’entendant pas les fécondés ,
il les décrioit, ôc affeêfoit de les méprifer
comme vaines ôc inutiles. Voilà, dit R4-.
m u s , le. langage de ce grand Mathématicien)
blâmant par .une licence effrontée les difcipli*
nés, dont toutes fois il veut avoir des gaiges.
Homme efperdu, quellangaigeeft-ce là?Monter
en la Chaire Mathématicienne, pour vilipender
les Mathématiques, pour en dégoûter
La jeunejfe ? Cependant fan zèle n’opéra
rien.
Notre Philofophe,qui n’avoit d’autre
intérêt dans toutes fes démarches que le
progrès des Mathématiques, n’infifta pas
davantage. I l reprit fes travaux ordinaires.
I l expliquoit à fes écoliers les Ouvrages
de Cicéron. Ce grand Orateur le .char-
moit. I l voulut favoi.r toutes les particularités
de fa vie ; ôc il en compofa un Ouvrage
qu’il entremêla'de préceptes pour
bien entendre fes écrits. I l fit auflî des remarques
fur la Langue Latine, fur quelques
expreliions de Cicéron t ôc fur l’état
de l’étude des Lettres. I l forma de tout
cela un Ciceronianus, qu’il publia en i y y .6
fous les aufpices du Cardinal de Lorraine, L’année fpivante, la guerre civnioleu fvee rlela-r
srouvella, & le Prince de Condé ayant repris
les armes, Ramus toujours attaché à
fà religion , paffa avec d’autres Principaux
de Colleges dans l’armée de ce Prince. I l
encourut par-là la difgrace du Parlement,
qui l’interdit de fes fonctions. Mais la paix
ayant bientôt fuccédé à cette émeute, il
revint à Paris, Ôc il rentra dans fes polies;
il fut même Doyen du College Royal.
Cette élévation réveilla l’envie de fes ennemis.
L ’un d’eux, qu’on croit être Charpentier
, voulut mêler quelque chagrin à
cette fatisfaétion. I l compofa dans cette
vue une fatyre contre lui, dans laquelle il
attaqua fes moeurs, fa conduite, fes talens
& fes écrits avec une plume trempée dans
le fiel le plus amer. Pour faire fortir davantage
'ces injures, il joignit à cela un
éloge ôc de M. Duret & de lui-même.
Cette belle compofition, qui eff auflî
mal écrite qu’indécemment digérée, parut
en i y 67 avec le titre qui lui conve-
noit, c’eft : In Rami injblentifjimum deçà-
natum, gravijjimi cujufdam Oratoris Philip-
pica fecunda.
Ramus méprifa cette brochure. Son
ame grande Ôc généreufe étoit occupée de
vues bien autrement importantes que la
réponfe à un libelle. Enflammé de l’amour
des Sciences, il fongeoit à faire un établif-
fement qui pût contribuer à leur progrès.
P u fruit de fes épargnes, il aflîgna cinq
cens livres par an à un Profeffeur de Mathématiques,
qui enfeigneroit aux mêmes
loix ôc, conditions que les Profeffeurs
Royaux. Il propofa cette Chaire au concours,
ôc voulut que ceux qui y afpireroient
dans la fuite, fe foumiffent à un examen ,
auquel feroient invités le Premier Préfî-
dent du Parlement, le premier Avocat
Général d uR o i, le Prévôt des Marchands
& les Echevins, ôc défira que cet examen
fe réitérât tous les trois ans. Cette fondation
efl aujourd’hui éteinte par le dépé-
riffement des fonds ; ôc Laurent Pothenot,
de l’Académie Royale des Sciences , qui
l ’exerçoit encore au commencement de ce
fiecle, n’a point eu de fucceffeur.
La réputation de notre Philofophe ÔC
fes fuccès aigriffoient de plus en plus la jaloufïe
de fes ennemis. Ils le harceloient de
toutes parts. Excédé de leurs perfécutions,
il crut que le meilleur moyen de les faire
ceffer, étoit de s’abfenter pour quelque
temps. Il demanda la permiflîon au Roi
d’aller vifiter les Univerfités ou Académies
d’Allemagne, ôc l’obtint fans préjudice
de fes honoraires Ôc de fes droits.
I l partit en iy 6 8 . Par tout on l’accueillit
très-gracieufement, & on le combla d’honneurs.
I l s’arrêta quelque temps à Heidelberg
, Ôc y donna des leçons de Philofophie
; mais il trouva dans cette V ille pref-
qu’autant d’Arijlotéliciens qu’à Paris, qui
ne virent point tranquillement qu’on décriât
leur maître. Ils lui firent les mêmes
infultes qu’il avoit effuyées au College
R o y a l, Ôc avec auflî peu de fuccès.
Cependant le bruit s’étant répandu qu’il
avoit quitté la France, plufieurs Puiflances
s ’emprefferent à fe l’attacher. Il fut in-
v it5 de la part d’André Dudith, Miniflre
du Roi de Pologne, à fe rendre à Craco-
vie. Jean Zapol, Waivode de Tranfilva-
nie, lui offrit auflî des appointemens con-
fidérables, avec le Reftorat de l’Académie
de Weiffembourg; mais il ne jugea
pas à propos d’accepter leurs offres.
I l paroît que fon projet, en voyageant
dans les4 Pays Proteflans, étoit d’établir
une réforme dans fa Religion, I l vouloit
changer leur adminiftration eccléfiaftique,
ôc réduire le gouvernement de l’Eglife à
une pure Démocratie. I l prétendoit que
les clefs conférées aux Fideles par Jefus-
Chrift, ne dévoient être commifes aux
Confiftoires, qu’afin qu’ils formaffent les
premières délibérations ou les premiers
jugemens ; que ces délibérations paffaffent
au peuple, & qu’elles ne fiflent loi que
lorfqu’elles feroient confirmées par le fufi-
frage de la Nation. Son opinion étoit que
fans cela on introduiroit dans l’Eglife l ’oligarchie
ÔC la tyrannie.
Ce fentiment fut examiné par un Synode
National, qui le rejetta. L e fameux Théodore
de Be%e travailla tout de fuite à jufti-
fier la conduite du Synode, parce qu’il
craignoit que fi notre Philofophe n’ac-
quiefçoit pas à fon jugement, il n’en réfui?